CHANTS D’EGLISE… CHANTS D’ENNUI (par G. Delahaye)

Amzer-lenn / Temps de lecture : 4 min

Nous vous reproposons aujourd’hui cet article publié en avril dernier, car très intéressant et en phase avec certaines discussions entamées avec quelques lecteurs d’Ar Gedour Mag. Avec l’aimable autorisation de Gérard Delahaye, nous vous partageons donc cet article dont il est l’auteur. Pour ceux qui ne connaissent pas ce chanteur breton, il s’agit d’une des références dans la musique bretonne, membre notamment du Trio EDF (avec Patrick Ewen et Mélaine Favennec). Plus d’infos sur son blog : http://gerarddelahaye.over-blog.com

Si nous vous proposons cet article (1ère diffusion le 12 avril 2012) , c’est qu’il gratte bien où il faut, et relève d’un constat fréquent sur le vide abyssal des “compositions liturgiques” servies dans nos paroisses, et que si cet article peut contribuer à ouvrir les yeux (et les oreilles)… Nous vous invitons ensuite pour continuer votre lecture et la réflexion, à vous procurer l’ouvrage de Benoît XVI “L’esprit de la Musique” (Editions Artège).

Voici Pâques, et ça va swinguer dans les lieux de culte! Il était un temps où les églises et les cathédrales résonnaient de chants fervents et puissants. Te Deum, requiems, cantates… Bach, Mozart, Haendel (qui a besoin d’un lien vers wikipedia? ) étaient mandatés pour chanter les louanges du Très Haut, ils claironnaient sa gloire, et on leur en donnait les moyens, gros moyens financiers. Même si eux considéraient très probablement qu’on était loin du compte, et que tous ces princes commanditaires étaient des gros radins qui se payaient leur talent à vil prix. C’était le bon temps, me direz vous, tout le monde ou presque croyait en Dieu, et l’église était riche à milliards, au point d’avoir à son service les plus grands génies de l’époque.

Evidemment, quand on cause de cantiques, on ne joue pas dans la même cour : on est dans la chansonnette face à la musique savante. Mais justement : la chansonnette peut aussi avoir ses lettres de noblesse et nous faire vibrer, nous émouvoir et nous réunir par sa poésie et l’émotion de la mélodie. C’est le fondement même de mon parcours, c’est mon credo (!) en chanson. Vous allez vous dire : “ça y est Gérard est de la calotte!”

 

Non, je ne vais plus à l’église régulièrement depuis très longtemps, mais j’ai chanté dans la chorale du Prytanée militaire de la Flèche, (là je mets un lien !) à l’époque où j’étais soprane et croyant, jusqu’à mes douze ans. L’église du Prytanée est, paraît il, une merveille baroque qu’il faut admirer, mais je n’ai jamais vraiment aimé toutes ces colonnes, les angelots et les torsades, ce marbre et ces décorations archisurchargées. Comme les grandes orgues étaient en réparation, on soufflait parfois dans les tuyaux qui étaient entreposés derrière nous sur le balcon. On en sortait des graves faiblards mais amples. Le chef de choeur nous faisait les gros yeux. Je chantais à pleine voix, avec ferveur et fierté. Puis j’ai délaissé les cantiques au profit des Beatles (wiki ? ). Ma foi en la musique s’est avérée plus résistante au temps que ma foi dans le bon Dieu. (photo : les orgues du Prytanée)

 orgues-prytanee.jpg

S’il m’arrive encore d’entrer dans une église, en dehors du pur tourisme, c’est qu’il y a un mariage, un baptême ou, plus triste, un décès à la clé. Mais dans tous les cas, je rage et me lamente sur les chants, les cantiques, leur pauvreté, leur manque de poésie pour les textes, et l’absence d’inventivité des mélodies. Pourtant, bien plus que le radotage infini des formules mille fois entendues, les cantiques ont un puissant pouvoir émotionnel. Le plus souvent leur indigence fait rire sous cape. Et fait fuir les visiteurs occasionnels dont je suis.

Juste un petit exemple au passage, cette adaptation du refrain de “Go down Moses”, à mettre en regard de “Armstrong” de Nougaro : “Descends Seigneur / Reviens sur cette Terre / De la peur Seigneur / Délivre mes frères”: Comment voulez vous chanter ça? Bouh, les cornes !

Et comment remédier à cette misère ? Grave question. Faut il être croyant pour faire un bon cantique? (qui rejoint mon vieux questionnement qui gratte : est-on un bon auteur dès qu’on écrit en breton?) Evidemment, s’il s’en trouvait un qui réunirait toutes les qualités, et qu’en plus il serait bénévole… Mais c’est un spécimen rare ! Pourquoi les PDG locaux de l’église ne feraient-ils pas des commandes aux artistes, comme le faisaient autrefois les princes : un bon poète, un bon compositeur, même sans foi, feront le plus souvent du meilleur boulot que de bons croyants maladroits. Donnez leur un cahier des charges, et vous recruterez (peut être) des fidèles chantant à pleine voix.

Et les infidèles se diront : “tiens, on s’ennuie moins qu’avant, dans les églises”…

 

Vous pouvez retrouver l’article sur le blog de Gérard Delahaye ici.

SANS L’ACCORD DE L’AUTEUR, LA REPRODUCTION DE CET ARTICLE DANS SA TOTALITE N’EST PAS AUTORISEE. MERCI A NOS LECTEURS WEBMASTERS D’EN PRENDRE NOTE.

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD".

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3 Commentaires

  1. Je me souviens dans ma jeunesse où la messe était encore dite en latin. Il y avait là une part de mystère qui n’existe malheureusement plus actuellement. Et les cantiques que nous chantions ressemblaient à quelque chose. C’est bien d’avoir voulu se rapprocher des fidèles en faisant table rase de tout ce qui existait par le passé, mais on a hérité depuis de cantiques insipides (sauf dans quelques paroisses où des chorales essayent de maintenir une certaine qualité). Je continue à chanter dans un choeur “civil”, même si la majorité des pièces que nous apprenons sont d’origine religieuse, car il n’existe pas beaucoup de pièces chorales laïques. Dernièrement, nous avons chanté pour le mariage d’une de nos choristes. Les chants liés à la liturgie traditionnelle étaient bien pauvres et tous composés sur le même modèle. Heureusement que nous avions également notre propre répertoire à proposer pour rendre cette cérémonie plus belle.

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