COMMENT L’ABBE PERROT PARLAIT DES SAINTS AUX ENFANTS

Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 min

paradis bretonAlors qu’il n’était encore que séminariste au Grand Séminaire de Quimper (1899), le futur abbé Perrot compose à l’intention des enfants dont il a la charge une très belle prière-dialogue entre un petit garçon et sa mère au sujet des Saints : « BEZ  FUR ! » (Soit sage !).

Ce texte sera publié dans le numéro 1 du « Feiz ha Breiz » de 1909, et il s’en servira, par la suite, beaucoup dans ses leçons de catéchisme ; les saints de Bretagne étaient au cœur de son enseignement, et proposés comme modèles aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Il le faisait chanter aux enfants sur l’air des Dix Commandements. Il savait que c’est dès l’enfance que l’on apprend à prier son Saint-Patron, sa Sainte-Patronne, aussi bien en famille qu’à l’école et à l’église

 

BEZ   FUR !

-Lavar d’in, mamm, daoust piou e vent,

An dud a Welis, kaër divent,

Uhel, en hon iliz, savet

En o douarn, bodou bleuniet ?

-Ar re-ze, gwisket ker skedus,

Eo ar Zent, mignoned Jezuz,

Bez fur, va mab, hag ez pezo,

Leun a draou kaër, eveldezo !

 

-Mar gouesfez, pegen kaër e ‘oant,

Gant o saeou gwenn kann, ker koant,

Stered alaouret, warnezo,

Ha tro war dro, dantelezo,

Va mamm, va mamm, mar am c’harez,

Eur zaë’ velse, din a rofez !

-Bez fur, va mab hag ez pezo,

Eur zaë wenn kann, eveldezo !

 

-En dro, d’o fenn, ya tro war dro,

E oa leun, leun, leun a vleuniou,

Euz ar bleuniou’ze, en hor bro,

Biskoaz, mùe ne welis al liou,

Va mammik keaz, da b’leac’hez in,

Da gutuilh bleuniou ken lirzin ?

-Bez fur, va mab, hag ez pezo,

Bleuniou lirzin, eveldezo !

 

O fenn, a oa laouen, d’ar Zent,

Hag holl ouzin e vuzc’hoarzent,

Ha seul-vui e sellen outo,

Seul laouennoc’h’ teuent atô ;

Penaoz, va mamm, penaoz miret,

Eul levenez ken didorret ?

-Bez fur, va mab hag ez pezo

Eun tal laouen, eveldezo !

 

-Ar re-ze, ioa savet uhel,

Ha peb tra dezo’oa a wel,

Dre douez an dud bihannik,

Me n’hellen gwelet netraïk,

-Va mamm, daoust petra d’in d’ober,

Evit kaout eur skabel ken kaër ?

-Bez fur, va mab, hag ez pezo

Skabel en nenv, tostik dezo ! 

SOIS    SAGE !

-Dis-moi, maman, qui ils étaient,

Ces gens-là, si magnifiques,

Là, élevés très haut dans notre église,

Dans leurs mains, des bouquets fleuris !

-Ceux-là, si brillamment parés,

Ce sont les Saints, amis de Jésus,

Sois sage, mon fils, et tu auras

Comme eux, beaucoup de belles choses.

 

-Si tu savais comme ils étaient beaux,

Avec leurs robes toutes blanches, si belles,

Parsemées d’étoiles dorées,

Et tout autour des dentelles

-Maman, Maman, si tu m’aimes,

Une robe pareille, tu me donneras !

-Sois sage, mon fils, et tu auras

Comme eux, une robe toute blanche.

 

-Autour de leur tête, oui tout autour,

Il y avait beaucoup, beaucoup de fleurs,

De ces fleurs-là dans notre pays,

Jamais je n’en ai vu la couleur !

-Maman chérie, où irais-je donc

Cueillir des fleurs si belles ?

-Sois sage, mon fils, et tu auras

Comme eux, de belles fleurs !

 

Leur visage, aux Saints étaient joyeux,

Et tous, ils me souriaient,

Et plus je les regardais,

plus ils devenaient joyeux !

Comment, maman, comment garder,

Une joie aussi égale ?

-Sois sage, mon fils, et tu auras,

Comme eux, un front joyeux.

 

-Ceux-là étaient élevés très haut,

Et ils pouvaient voir toute chose,

Parmi les gens, tout petit,

Je ne voyais rien !

-Maman, dis-moi que faire

Pour avoir un escabeau aussi beau ?

-Sois sage, mon fils, et tu auras,

Un escabeau, au Ciel, près d’eux ! 

 

C’est l’écrivain Georges-Gustave Toudouze qui écoutant l’abbé Perrot parler des saints bretons, s’écrira admiratif :

 « Vous avez entendu Monsieur Perrot, comme il nous déploie sa force de conviction d’apôtre pour relever les chapelles de nos saints. Quand il nous en parle, ce qui nous frappe le plus, c’est l’incroyable connaissance qu’il a de chacun de nos saints, tant et si bien, que je serais tenté de croire qu’il les invite régulièrement à sa bonne table pour discuter avec lui de cette affaire !.. »

Assurément, pour l’abbé Perrot, les Saints de Bretagne n’étaient pas du passé, mais une réalité présente, vivante de l’âme, de la culture bretonne, des paysages bretons. Une réalité si vivante que c’est bien la raison pour laquelle les révolutionnaires  détruisirent avec zèle toutes les statues qui ornaient, telle une armée céleste, les façades, les porches, les calvaires de nos églises, de nos chapelles.

Aujourd’hui, certains ont une autre «méthode», s’employant à déconfessionnaliser certaines de leurs fêtes, comme la Saint-Yves, devenues la Fête des Yves « Gouel Erwan » ; car c’est ainsi, les saints, dans notre société laïcisée jusqu’à la nausée, négatrice de nos racines chrétiennes, les Saints, comme le Christ, comme sa Mère dérangent. Lorsqu’on organise des fêtes patronales ou que l’on évolue parmi les statues de nos saints fondateurs, on arrive même à se justifier ou à s’excuser en disant que c’est “culturel et touristique, mais non cultuel”, comme l’indique un document récent que nous avons reçu de la part d’une organisation invitant les enfants des écoles bilingues et immersives du Kreiz Breizh à se rendre à la Vallée des Saints. Les Sans-culottes iconoclastes brisaient les statues, leurs descendants préfèrent les dépouiller de leur qualité de saint, pour n’être plus que des personnages de légendes.. ou de braves types humanistes de leur temps qui firent dans le social apatride et l’écologie mystique.

Il fut une époque, pas encore si lointaine, où en famille, à l’école la journée commençait par  par une invocation à notre Saint Patron, à notre Sainte Patronne, leur demandant leur protection, dont la prière commençait ainsi :

« Grand Saint dont j’ai l’honneur de porter le nom, priez pour moi, protégez moi afin que je puisse servir Dieu comme vous sur la terre, et le glorifier éternellement avec vous dans le Ciel »

Va Zant Patron, me zo eürus – Da gaout hoc’h hano enorus –Pegwir am meus ken bras enor – Ho pet truez ouz ho filhor

Mais, on ne prie plus son saint Patron, sa sainte Patronne. D’ailleurs, combien de personnes connaissent même l’origine de leur prénom, qui fut ce saint ou cette sainte dont elles portent le nom ?

À propos du rédacteur Youenn Caouissin

Auteur de nombreux articles dans la presse bretonne, il dresse pour Ar Gedour les portraits de hauts personnages de l'histoire religieuse bretonne, ou encore des articles sur l'aspect culturel et spirituel breton.

Articles du même auteur

SUR DEUX HYMNES DU CARÊME

Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 minLe Temps du Carême est riche de psaumes, …

Abbé Perrot : du 12 décembre 1923 au 12 décembre 1943

Amzer-lenn / Temps de lecture : 34 minEn ce 80ème anniversaire de la mort de …

Un commentaire

  1. Merci pour cet article qui me conforte un peu plus sur ce que je savais déjà. Il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet, et beaucoup à dire aussi sur les lieux où certains hommes politiques reçurent leur formation scolaire. En ont-ils gardé un si mauvais souvenir ? Il est vrai que l’autorité et le respect sont actuellement déconnectés des valeurs républicaines (sans tomber dans les extrêmes, il va de soi). l’improvisation et le grand retour du veau d’or sont de retour. Vive Sodome et Gomorrhe ! Ah bas la tyrannie bienfaitrice des hommes de Dieu, passés, présents et à venir. A croire que le chaos est générateur de flux financier, et profite à certains. Il faut croire que oui ! Les moutons comptez-vous !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *