Saints bretons à découvrir

Notre Dame de Buglose, ou quand Yves Daniel marche sur les traces de St Vincent-de-Paul

Amzer-lenn / Temps de lecture : 12 min

C’est loin ! Mais il fallait que j’y aille ; j’y suis arrivé, après la noce, un peu avant 2 h du matin et j’ai fini ma nuit dans ma voiture, recroquevillé sur le siège du conducteur, enroulé dans le plaid que j’avais pris la précaution d’emmener à cet effet, avec le duvet qui, finalement, ne m’aura pas servi : le temps pluvieux et humide ne s’y prêtant guère.

Je m’explique : Buglose est un petit village, une « trève » dirait-on chez nous, au fin fond des Landes, à des centaines de kilomètres de là, au nord-est de Dax, sur la route de Mont-de-Marsan, dans la vallée de l’Adour… Mais de vallée il n’y a pas dans ce pays plat comme une main ouverte. En revanche, des routes, rocades et autoroutes, il y en a qui tournent et retournent avec bretelles et ceintures dans la périphérie dacquoise ; mais avec de la patience et l’aide efficace de la Sainte Vierge assisté de Saint Vincent de Paul, j’y suis arrivé.
Buglose est une dépendance de la paroisse de Pouy, dorénavant, commune de Saint Vincent de Paul (40990), c’est là qu’il est né, le 25 avril 1581, au village de Ranquine. J’ai pu visiter sa maison natale, du moins ce qu’il en reste, au « Berceau », ainsi qu’on appelle maintenant le sanctuaire qui l’honore.

A Buglose, il y a une très belle statue en majesté de la Vierge Marie assise sur un trône, entourant de ses deux bras l’enfant Jésus souriant, révérée là depuis des temps immémoriaux. La statue en pierre du XV° siècle a succédé à une précédente, vraisemblablement en bois que les siècles avaient altéré.

Pendant les guerres de religion qui ont ravagé la région, le sanctuaire a été détruit, mais la statue en avait été préalablement enlevée et cachée dans les marais, à mon avis, par Jean de Paul lui-même, le père de Vincent, mais il est mort avant de révéler la cachette… Ce n’est donc qu’un demi-siècle plus tard, par un hasard providentiel, que la statue fut retrouvée et replacée dans un petit oratoire où Saint Vincent de Paul viendra, en 1623, dire une messe d’adieu à sa famille et à son pays natal.

Notre Dame de Buglose est à saint Vincent de Paul et au diocèse d’Aire et Dax ce que sainte Anne d’Auray est aux bretons et au diocèse de Vannes et cette année est fêté le 400° anniversaire de la fondation, le 8 décembre 1617, de la Confrérie des Dames de la Charité, ancêtre de l’AIC (Association Internationale des Charités), en France, des Equipes Saint Vincent.
Si j’avais dû y aller à pied, je n’y serai certainement pas encore arrivé, tandis qu’en voiture, c’est tout de même plus rapide, mais le déplacement reste bien un pèlerinage.

D’abord, choisir la route : j’ai opté pour le Pont de Saint Nazaire et le pays de Retz – ancien fief de la famille Gondi, dont le petit dernier, le cardinal (1613-1679), reprendra le nom – craignant l’encombrement à Nantes du pont de Cheviré en cette veille de Pentecôte. La Loire franchie, j’ai renoncé à l’engourdissement de l’autoroute pour la route départementale qui longe la mer et traverse les marais breton puis poitevin, grandes plaines poldérisées parsemées de rares maisons plates au milieu de quelques bovins qui paissent bravement une herbe haute et pourtant déjà jaunie.

Les routes droites sont néanmoins hachées par des ronds-points qui ne mènent nulle part, uniquement destinés à ralentir l’allure des véhicules trop rapides, comme les dos d’âne et chicanes installées à chaque extrémités des quelques villages traversés.
Dieu merci, le bac de Royan fonctionnait encore lorsque je me suis présenté à l’embarcadère et me voilà à la pointe du Verdon, l’extrémité du Médoc, évitant ainsi les affres de l’agglomération bordelaise.

Compte tenu de la vitesse limitée et des aléas de la route, on roule de conserve avec les autres usagers : pendant plusieurs kms on suit la même voiture et c’est toujours la même que l’on aperçoit dans le rétroviseur. Sans doute avons-nous la même destination : invités du mariage de Stan et Marine au Vieux-Boucau ou encore pèlerins sur la route de Buglose, au fin fond des Landes. Puis tout d’un coup la voiture qui vous accompagnait depuis un bon bout de chemin, brutalement vous fausse compagnie, changement de destination ou arrivée à bon port. Bonne fin de journée, l’ami !
Si un véhicule parait plus rapide, on ralentit et on serre à droite pour lui permettre un dépassement plus aisé ; s’agissant d’une motocyclette, son pilote remercie habituellement par une soudaine tension du pied droit !

Bon, on ne se parle pas beaucoup les uns avec les autres, sauf à l’arrêt, mais on ne fait jamais halte ensemble au même endroit ! … Malgré cela on se sent solidaires, voire fraternels, devant le même code de la route ponctué de radars surgis subrepticement sur les bas-côtés
Une bonne nuit à Soulac sur Mer et le lendemain matin, aux aurores, sous une petite pluie menaçante, très crachin breton, me voilà parti à travers un paysage lagunaire complanté de pins maritimes, parsemés de temps à autre de parcelles de vénérables chênes liège. Dans les clairières, des champs d’asperges passées buissonnent en rangs rectilignes et des étendues de maïs à peine levé, bordées de rampes d’arrosage, se reposent tranquillement en attendant la canicule estivale.

Les routes droites jusqu’à l’horizon se mettent tout d’un coup à changer d’azimut sans que l’on sache vraiment pourquoi. Pensées émues pour les pauvres pèlerins de Saint Jacques de Compostelle noyés dans la pluie et la monotonie du chemin.
J’arrive pour déjeuner au Vieux-Boucau, le mariage de Stanislas et Marine est prévu pour 15 h 30 à l’église Saint Clément, la pluie s’installe pour l’après midi, abrégeant d’autant la sortie de la noce – mariage pluvieux, mariage heureux – qui va se poursuivre à 40 km de là, dans le pays d’Orthe, au point culminant du département, d’où, si le temps avait été dégagé, on aurait pu apercevoir la chaîne des Pyrénées, m’a-t-on assuré…

C’est ainsi que j’ai pu me rendre compte que le département des Landes n’est pas si uniformément plat qu’on le dit, qu’il y a des mines à Saint-Lon, village perché à plus de 100 m d’altitude où l’on y exploitait la lignite, charbon fossile entre houille et tourbe, ainsi que des eaux sulfureuses à Tercis-les-Bains, comme à Dax, tout proche.

J’ai quitté la noce tard dans la nuit, la mariée était belle, le marié élégant, ses parents, mes amis issoldunois, fêtaient précisément leur 45° anniversaire de mariage, le champagne gouleyant coulait à flots. Longue vie à tous et gloire au Rassemblement pour les Landes Maritimes (RLM) représenté par la belle-famille au complet, sous la présidence effective de son chef.

Et me voilà parti dans la nuit noire, la pluie s’étant quelque peu calmée.

Arrivé à Buglose, j’ai dû m’assoupir quelque peu et, vers 6 h, au petit jour qui se promettait clair et ensoleillé, comme on sait le faire dans ce pays, j’ai estimé m’être suffisamment reposé pour lever le camp et partir en reconnaissance.
Mon véhicule est garé au pied d’une église de pierre blanche d’honnête facture et dimension dont je date la construction à la 2° partie du XIX° siècle. Le toit en est tellement plat qu’on le dirait en terrasse.
L’édifice qui ferme le vieux monastère des Lazaristes, de construction antérieure, est curieusement flanqué, à l’ouest, d’un haut beffroi de section carrée comportant à ses 4 coins des anges trompettistes sonnant aux 4 points cardinaux. Il s’agit de la « grande tour » qui abrite un carillon de 60 cloches que, nostalgique de son nord natal, Mgr Delannoy (1824-1905) a fait construire et installer. Son gisant, du au ciseau du Comte Clément d’Astanières (1841-1918), orne le bas-côté de la chapelle du Rosaire.

Une belle allée de platane me conduit jusqu’à la chapelle miraculeuse qui n’est autre que le coeur et l’abside, ce qui subsiste de l’édifice construit en 1622 pour abriter la statue retrouvée, recouvert d’un immense toit d’ardoise en auvent offrant ainsi la possibilité de cérémonies abritées en plein air.

Devant à gauche, un petit filet d’eau sourd d’un tuyau en fonte, j’y fais mes ablutions.
Il s’y fait des miracles, ainsi qu’en témoignent les ex-votos qui ne sont pas si anciens que les murs de briques rouges de l’abside extérieures ou les peintures du plafond du choeur.

Au retour je croise successivement le sacristain, paroissien de Pontonx, venu faire son office d’ouverture et de propreté des lieux et un vieux prêtre, le moins impotent, m’a-t-il assuré, de la maison de retraite Saint Jean, toute proche, qui n’en compte plus qu’une demi-douzaine, l’équivalant de notre maison Saint Joachim à Sainte Anne d’Auray.

Avec son accent chantant, il m’apprend que la messe de Pentecôte est à 10 h 30 ; j’ai donc 2 heures devant moi que j’occupe à la visite de la basilique que le sacristain vient d’ouvrir.
Car c’est bien une basilique : je suis accueilli dès l’entrée par un gigantesque ombrellinum et demande aussitôt à voir le tintinabulum relégué à la sacristie que l’on m’ouvre incontinent. C’est le pape Paul VI qui, en septembre 1966, à l’occasion du centenaire du couronnement de la statue, érigera cette grande et belle chapelle en basilique mineure.
Notre Dame de Buglose trône au milieu du choeur, au-dessus du maître autel, en majesté, dans le foisonnement des couleurs qui ornent sa statue.
La messe du dimanche de Pentecôte 4 juin 2017 est carillonnée comme il se doit, à l’heure dite.
L’homélie porte sur le souffle de l’Esprit, la « ruah » hébraïque, la manifestation de l’Esprit par le vent. Vérification faite dans le « Prions en Eglise » de ma voisine, il n’y avait aucun courant d’air dans le cénacle qui était bien calfeutré : c’est par « un bruit comme un coup de vent » (Actes, 2, 2) que l’Esprit s’y est annoncé, un bruit suffisamment fort pour ameuter, au dehors,  les pèlerins qui se trouvaient à Jérusalem pour la fête de chavouot (Actes 2, 6), la fête de la nature en fleur, promesse de fruits abondants qui commémore le don du décalogue par YHWH à Moïse. C’est ce jour, le 50° après le dimanche de Pâques, qui marque la nouvelle présence de Dieu parmi nous, les 7 dons de l’Esprit : dont nous bénéficions encore aujourd’hui grâce aux sacrements


« Comme un coup de vent », mais ce n’est pas un coup de vent, c’est le barouf qu’il fait. Avec Elie nous savons bien que le Seigneur n’est pas dans le vent « fort et puissant qui érode les montagnes et fracasse les rochers », ni dans le « tremblement de terre », ni dans « le feu » qui le précèdent, mais qu’il se tient dans le « le bruissement d’un souffle ténu » (1 Rois, 19, 11 & 12).

A l’issue de la cérémonie, tandis que je faisais à l’officiant les observations ci-dessus avant de prendre le chemin du retour sans autres forme de procès, il m’invite, en réponse, à me rendre sans détour au « Berceau » faire mes dévotions au coeur de saint Vincent de Paul qui s’y trouve, en provenance de la chapelle de la Médaille Miraculeuse, rue du Bac à Paris, la maison mère des Filles de la Charité où il repose habituellement.
Depuis 1623, Vincent de Paul n’y était pas revenu sous une forme ou sous une autre ! ….

Sans barguigner d’avantage j’obtempère et me voilà parti pour le « Berceau », à l’autre bout de la commune de Saint Vincent de Paul. J’arrive à la fin de la messe dite dans un bâtiment de style romano-byzantin à la Viollet-le-Duc, présidée par le Père Christian Mauvais, Visiteur de France des lazaristes, en présence de Mgr Jean Passicos, canoniste, ancien directeur du séminaire de Papeete, de Mgr Alfred Brettes, archiviste, ancien chancelier diocésain, et de bien d’autres prêtres et diacres de la communauté Saint Vincent de Paul ou non, tous de rouge vêtus.

Avec la déférence non feinte qui convient, j’honore le coeur de saint Vincent. Puis je me fais connaitre du Père Mauvais qui ne porte pas son nom : il me fait la bonté de me présenter à la soeur Stanistawa qui organise le pèlerinage de la relique dont la venue à Lorient est prévue pour la fin de la présente année.

J’ai manqué la répétition d’hier à Saint Louis de Lorient, je m’en étais excusé : c’était pour la bonne cause dont je rendrai compte aux abbés Frédéric Fagot, metteur en scène et Thomas Weber, instigateur du spectacle historique « Saint Vincent de Paul, serviteur des pauvres » auquel j’ai l’honneur de participer selon mes modestes moyens et qui se donnera à l’église Saint Louis de Lorient les 29, 30 septembre et 1° octobre prochain.

Merci Stanislas et Marine de m’avoir donné l’occasion d’un tel pèlerinage.
Je suis parti muni d’une bouteille d’eau que, telle la Samaritaine, la soeur Stanistawa m’a remis pour la route.
Les travaux qui affectaient ces dernières années les places centrales de Niort et de Fontenay le Comte sont désormais achevés et le résultat se révèle au-delà de toute espérance ! Bravo aux courageux édiles et félicitations aux heureux contributeurs locaux…
J’étais à l’heure, lundi soir, pour les livraisons des fromages de chèvre du Pont de l’Angle à l’AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) de Larmor-Plage.

Yves Daniel, alias Pierre, cardinal de Bérulle

À propos du rédacteur Yves Daniel

Avocat honoraire, il propose des billets allant du culturel au théologique. Le style envolé et sincère d'Yves Daniel donne une dynamique à ses écrits, de Saint Yves au Tro Breiz, en passant par des chroniques ponctuelles.

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Un commentaire

  1. Très intéressant, merci.

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