Les noces bretonnes de Penquesten

Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 min

noces bretonnes penquestenEn Bretagne, il y a les pardons, les troménies et puis… les noces bretonnes de Penquesten !

Les noces Bretonnes de Penquesten ne sont ni un pardon, ni une troménie et pas seulement un simple fest-noz, et, comme toujours chez nous, les festivités commencent par la messe.

C’est l’abbé Benoit-Vianney Arnauld, nouvel aumônier des Sœurs Dominicaines du Saint-Esprit de Pontcallec, qui a bien voulu venir présider la cérémonie aux lieu et place de notre recteur, indisponible.

Il faut vous dire que notre commune d’Inzinzac-Lochrist s’honore de pas moins de trois paroisses sur son territoire : Saint Pierre, au bourg, la Croix Glorieuse à Lochrist qui va bientôt recevoir son clocheton et Notre Dame de Victoire, à Penquesten, de l’autre côté de la forêt de Trémelin.

C’est en raison des loups qui y pullulaient, il y a encore peu, que cette trève a été élevée au rang de paroisse, vouée, comme celle de Lorient, à Notre-Dame, victorieuse des Turcs le 7 octobre 1571, à la bataille navale de Lépante, avec son propre cimetière pour éviter aux fidèles les dangers de la traversée des bois sauvages vers l’enclos du bourg.

Il pleuvait ce dimanche matin (10/07/2016). Oh… pas une grosse averse, juste un petit crachin bien de chez nous et de bonne augure pour la suite de la journée.

Sous la houlette de Madame Lomenech, une des responsables de l’association organisatrice : Danserion Bro Penquesten, une bonne douzaine de petits en costume de leur âge avec chapeau de paille pour les petits garçons et capot en dentelle pour les petites filles, ont pris place dans les premiers bancs. Le célébrant est allé accueillir, comme il se doit les jeunes gens qui, cette année, figurent les mariés. Ils se sont placés à la suite, avec les adultes de l’association en costume lorientais : la coiffe en aile d’avion, bien amidonnée, pour les femmes et la boucle des guides du chapeau de velours, que les hommes tenaient respectueusement à la main, devant et non derrière comme partout ailleurs.

Les Gastadours de Lamballe, en pays gallo, suivaient, ainsi que les Cardabelles de Millau venus de leur lointaines montagnes de l’aveyronnais, manifestement peu habitués à notre temps breton frisquet et humide qui fait tout son charme.

Et puis, il y avait nous, les paroissiens, les habitués de la messe du samedi à 17 h, ravis de cette cérémonie dominicale, comme autrefois, promesse de festivités à venir, comme chaque année à pareille époque.

L’organiste, originaire de la commune, avait, pour l’occasion, délaissé sa paroisse d’adoption pour l’harmonium local.

Oh certes, manifestement, peu de présents ont l’habitude de suivre les offices qu’ils soient du samedi ou du dimanche. Les parents n’apprennent plus aux enfants les prières du Notre Père et du Je vous salue Marie qu’eux-mêmes ont oubliés, s’ils les ont sues …

Néanmoins, les anciens, et quelques jeunes, sauf les ressortissants des pays Gallo et du Languedoc, ont entonnés les chants bretons, avec ferveur et persuasion au point de laisser penser que l’assemblée toute entière y participait de bon cœur, sans qu’il soit nécessaire de traduire les paroles ou donner le ton.

Pour l’entrée :

Reseuet, o men Doué, promès ho pugalé

A ziu enean groeit un enean

Aveit ma helleint doug berpet get karanté.

Er groéz é ret de bep unan, ‘hed er vuhé ! ‘hed er vuhé !

Le refrain du psaume : Mélamb oll lan a joé madeleh en Aotrou Doué

Pour la prière universelle : Aotrou Doué, ô tad santél, cheleuet hur péden !

La communion :

Kalon Sakret Jézuz, kalon sakret men Doué

Intanet me halon get tan ho karanté.

Et pour finir, le chant à la Vierge :

Hui e zou rouannez, Mam tiner, Patronez Penchiesten

Intron Varia er Victoér, cheleuet hur péden !

 

Au cours de l’offertoire, au son de l’accordéon diatonique, deux couples : les mariés du jour et leurs garçon et demoiselle d’honneur ont même offert, devant l’autel, un scottish bien tourné, du meilleur effet, juste avant la préface.

On les a applaudis, bien évidemment.

Et c’est ainsi que la jolie petite église de Penquesten a retrouvé, le temps d’une messe, au prétexte d’un mariage fictif, l’affluence des dimanches d’antan, grâce aux Sonerion Bro Penquesten, à leurs émules et à l’abbé Arnauld, bien sûr.

Qu’ils en soient tous remerciés : c’est sans doute ainsi que continueront de survivre bien de ces petites paroisses rurales à l’assistance vieillissante et clairsemée, menacées de disparaître faute de jeunes prêtres et de nouveaux fidèles, en attente de regroupement comme de vulgaires collectivités territoriales affectées par la désertification.

Jusqu’au prochain renouveau.

Les journalistes de TV couvrant l’événement, sans vergogne, ont voulu faire dire à celui qu’ils interviewaient qu’il ne s’agissait là que de la survivance d’un folklore suranné … bien mal leur en a pris ! l’interviewé leur a bien fait comprendre que, s’il pouvait s’agir de traditions ancestrales, l’office divin n’a rien de « folklorique » !!

A la sortie, la pluie étant toujours prégnante, le défilé, qui n’a rien d’une procession, a été écourté et l’on s’est dirigé, sous les parapluies vers le placître du Tymat abrité par de beaux hêtres séculaires pour la traditionnelle « godinette » offerte par les organisateurs.

Quand il fait chaud, la godinette, boisson de pommes et fraises marinés dans du vin blanc additionné d’alcool et de sucre – dans des proportions connues des seules préparatrices – , désaltère et réchauffe quand la température est moins clémente comme c’était le cas cette année, même à l’abri des arbres tutélaires.

Mais, attention, quelles que soient les circonstances, pas plus de trois petits verres ; au-delà, c’est s’exposer à une conduite dangereuse si on prend le volant, à une digestion difficile si on reste pour le rost er forn servi sur place, en tous les cas, à des propos incohérents, à une élocution pâteuse et à des mouvements mal contrôlés.

Dans tous les cas, avant de quitter les lieux, il reste indispensable de se mêler à une ridée bien rythmée en prenant bien soin, si vous voulez bien m’en croire, de s’intercaler entre deux bonnes danseuses que ne sont pas forcément les plus jeunes.

L’année prochaine, si vous êtes à proximité début juillet, ne manquez surtout pas les noces bretonnes de Penquesten !

À propos du rédacteur Yves Daniel

Avocat honoraire, il propose des billets allant du culturel au théologique. Le style envolé et sincère d'Yves Daniel donne une dynamique à ses écrits, de Saint Yves au Tro Breiz, en passant par des chroniques ponctuelles.

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