Pour en savoir plus sur la spiritualité de Jean-Pierre Calloc’h

Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min

Mardi de Pâques 10 avril 1917, le poète-écrivain morbihannais, Jean-Pierre Calloc’h est tué sur le front de la Somme, atteint par un éclat d’obus, il n’avait que 29 ans : la Bretagne perdait en lui l’un de ses plus grands poètes, dont les oeuvres font montre d’une grande spiritualité.

Son œuvre maîtresse est incontestablement son recueil de Lais Bretons « Ar en Deulin » (A Genoux) qui nous révèle une âme mystique, à vif, qui se consume pour Dieu, dont il rêvait de devenir par la prêtrise le serviteur, une âme éprise de la Bretagne dont il entendait défendre la culture, la langue. Il a  un amour charnel de la Bretagne. Patriote,  il le sera tant vis-à-vis de la France que de la Bretagne, et cet attachement aux deux patries ne sera pas sans créer chez lui un « état d’âme » assez contradictoire, d’autant que la France par ses persécutions contre l’Eglise, le clergé, les Congrégations religieuses, contre la langue et les traditions bretonnes ne cessait de se comporter en marâtre : « Les institutions et les mœurs d’une France en décrépitude, le paganisme des villes…Paris la capitale pourrie ». Mais quand viendra l’heure du devoir : « Nous savons ce que le service de la France nous coûte.  Si je suis tué, vous direz que je suis mort en Breton ».

Son attachement  à la terre qui l’a vue naître et grandir, sa chère Ile de Groix, il le chantera merveilleusement dans son célèbre « Me zo ganet e kreiz er mor » (Je suis né au milieu de la mer), véritable hymne à l’amour filial, qui sonne comme un cantique. Soucieux du devenir breton de la Bretagne, il écrira :

« Notre peuple a pris conscience de sa valeur. Il est redevenu fier d’être Breton. Le sentiment national est réveillé. A nous de souffler dans ce foyer, d’alimenter cette flamme. La Bretagne d’après-guerre, fécondée par le sang et les larmes, ne sera pas tout à fait la même qu’avant ».

Sa soif de réveiller les Bretons endormis, trop souvent honteux d’eux-mêmes, de leurs traditions et de leur langue, il l’affirmera dans sa prière «  Tri neved, ter beden » (Trois sanctuaires, trois prières) : « Apprenez-moi, mon Dieu les mots qui réveillent un peuple. Et j’irai messager d’espérance, les répéter sur ma Bretagne endormie ». Il sait combien les Bretons, par leurs missionnaires, ont tant donné au monde, alors il n’hésitera pas à « interpeller Dieu » :

« Est-ce que ce n’est pas pour Vous seul qu’ils ont porté le fardeau de Votre Croix sur l’épaule ? Le Celte a fait le tour de la terre. Est-ce que ce n’est pas pour Vous seul qu’ils ont oubliés leur pays natal ? Est-ce que ce n’est pas pour Vous seul qui avez pris leur pensée et leur cœur tout entier ? Nous avons gardez Votre flamme ; ainsi gardez notre patrie. Vous serez bien plus avancé quand il n’y aura plus de Bretagne ! La Bretagne tombée, ce sera un cierge de moins dans Votre Eglise catholique, sur les rivages de l’Occident, un phare de moins pour les peuples ».

Son ardent désir de devenir prêtre – mais pour diverses raisons il ne pourra accéder au sacerdoce – il l’exprimera dans son « Judica Me » :

« Ô douceur des messes dans une chapelle. Une petite chapelle silencieuse sur les campagnes de Bretagne. Etre par un cœur pur, la lumière frêle – Qui brille sans cesse devant l’Hostie, ô douceur ! Etre le prêtre ardent debout contre l’autel – A offrir la Victime, ô douceur ! ».

Son influence, si elle n’est pas aussi grande qu’elle devrait l’être, se remarquera toutefois dans bien des initiatives portant cet idéal dans lequel la foi et la Bretagne étaient intimement liées. Cela durant tout le XXème siècle mais aussi à l’heure actuelle.

Jean-Pierre Calloc’h était en effet une des figures montantes du mouvement breton qui défendait l’idée du renouveau d’une Bretagne profondément chrétienne et bretonne. Malgré sa mort, son œuvre aura une influence non négligeable sur la frange catholique du mouvement breton d’alors, et sur un clergé très bretonnant. En cela il était en parfaite osmose avec son ami, l’abbé Perrot fondateur du Bleun-Brug.  En 1946, c’est encore l’esprit de Jean-Pierre Calloc’h qui va influencer Perig et Lizig Géraud-Kéraod pour fonder les Scouts et Guides bretons Bleimor (et plus tard les scouts et guides d’Europe), reprenant ainsi le pseudonyme du poète groisillon, d’où sortira plus tard une élite culturelle bretonne dont nous retrouvons encore les fruits aujourd’hui.

Ce que nous pouvons dire,  pour conclure une trop rapide évocation  de ce « Barde de Dieu et de la Bretagne », c’est qu’aussi brève que fut la vie de Jean-Pierre Calloc’h, son œuvre littéraire  est pour notre époque une source profonde de réflexions, de méditations à qui entend défendre une Bretagne fidèle à elle-même. Son œuvre est comme un grand vitrail, elle est prière constante, elle est pour notre temps. Il serait bon,  en cet anniversaire de son Dies natalis in caelis (sa naissance au Ciel), de nous en souvenir.

Cet article, qui fait écho à “Avril 1917 : un barde breton quitte sa patrie terrestre pour sa patrie céleste” sera publié dans le prochain magazine du Diocèse de Vannes “Chrétiens en Morbihan”

À propos du rédacteur Youenn Caouissin

Auteur de nombreux articles dans la presse bretonne, il dresse pour Ar Gedour les portraits de hauts personnages de l'histoire religieuse bretonne, ou encore des articles sur l'aspect culturel et spirituel breton.

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