Voici la dernière partie de notre série « 1793-2015 : une certaine France qui n’aime pas ses églises » et dont vous pouvez retrouver la troisième partie ici.
Le 21 mai 2005 il se tint à Saint-Thégonnec, un très intéressant colloque ayant pour thème « Quel avenir pour nos églises ?».
Fort des expériences de sécularisations des églises et autres sanctuaires au Québec, au Canada, dans les pays anglo-saxon, en Belgique et ailleurs, et en France bien sûr, il s’agissait donc de se projeter sur leur avenir à moyen et long terme. Evidemment, le patrimoine religieux breton était concerné par ces débats. Ce colloque qui réunissait des personnalités du Centre de Recherche Bretonne et Celtique de Brest ( CRBC ) et du Centre interuniversitaire d’Etudes sur les Lettres, les Arts et les Traditions du Québec, Montréal et Chicoutimi a fait l’objet « d’Actes » réuni dans un livre (CRBC). Les divers intervenants ont passé en revue tous les aspects de ce problème : référent identitaire (histoire) qu’est l’église, le clocher, l’art sacré, le catholicisme, l’inventaire du patrimoine religieux, son passé, ses ruines, son renouveau (Breiz Santel), le nouveau « regard » sur ce patrimoine à la « Lumière de l’esprit du Concile (réformes liturgiques), sens du sacré aujourd’hui, déchristianisation et sécularisation. (9)
Une évidence qui ne pouvait être occultée : que faire d’une bonne partie de ce riche patrimoine religieux de toutes époques, de tous styles aux valeurs architecturales inégales ? C’est donc la grande question, qui rejoint en quelque sorte le roman-fiction «Le Mobilier National» sur un point essentiel : ce patrimoine est devenu en partie inutile parce qu’ayant perdu sa fonction, sa raison d’être en tant que lieu du culte (catholique) du fait de la désaffection de la pratique religieuse, voir de la perte de la Foi. Qui dit inutile, dit coûteux, tant par l’entretien que par l’occupation d’un espace qui demande d’autres utilisations plus « conformes » à notre société désacralisée. Les affectations de ces édifices sont passées en revue. Evidemment, il y a les édifices qui malgré tout garderont leur raison d’être, du moins pour un temps encore, plus ou moins long, mais qui n’échapperont pas à leur tour au problème de leur usage. Mais pour les autres, la désacralisation est inévitable, ce qui en clair veut dire «reconversion», de leur trouver une «utilité rentable» si l’on veut pouvoir les conserver comme témoignages architecturaux.
Mais témoignages de quoi ? D’une architecture, d’une histoire locale ou nationale ? ou d’une foi, d’une religion qui ne sont plus ? Des témoignages comme les pyramides, les temples en ruines des civilisations disparues.
Alors ? il n’y aurait pas d’autres choix que de voir l’église, la chapelle, si ce n’est la cathédrale ou le monastère reconvertis en salles d’expositions, en centre social, en bar-café-restaurant, en résidence principale ou secondaire, en théâtre ou cinéma ? On ne peut exclure non plus la démolition pure et simple (la « déconstruction » comme on dit, c’est moins traumatisant !) et le réemploi des pierres pour des constructions profanes. Mais on ne peut faire l’impasse sur ce qui a fait l’actualité il y a quelques mois, à savoir l’affectation éventuelle d’une partie de ce patrimoine à d’autres cultes, dont surtout le culte musulman. Pour un chrétien qui a encore une conscience, une identité chrétienne en phase avec sa propre identité culturelle, un tel avenir relève du très mauvais rêve-fiction. De là à parler d’un «choc des civilisations», voir d’une guerre de religion non-déclarée, la frontière n’est pas loin. Un mauvais rêve qui n’en est déjà plus un comme le prouvent les propositions de Dalil Boubakeur, une sorte d’OPA future sur nos sanctuaires en déshérence, justifiée par le néant spirituel de nos sociétés. Le scandale, c’est qu’il se trouve des chrétiens, des catholiques, des prêtres, des évêques pour regarder ce sombre avenir avec une indifférence joyeuse qui confine à une trahison donnant la nausée, personnel ecclésial heureux de se débarrasser et de voir disparaître les témoignages d’une Eglise et d’une expression de la Foi qu’ils exècrent car cela les renvois à leurs propres échecs sur au moins deux générations de chrétiens, et finalement, à leur statut de «syndics de faillite». Qui donc est responsable du vide des séminaires et des églises ? Notre société matérialiste, certes, mais il y a bien d’autres explications…
Nostalgies, jérémiades, incantations, slogans, bavardages ne pourront rien contre ces destins promis à nos sanctuaires, face à la force des idéologies négatrices de Dieu, des racines chrétiennes de l’Europe et de chaque nation, face à un islam qui est logique avec lui-même et qui sait qu’un lieu de culte est fait pour être rempli et assurer sa fonction. Si la nature a horreur du vide, la religion aussi. Si nous chrétiens, catholiques nous sommes incapables de retrouver le chemin de nos églises, de les remplir, d’autres s’en chargeront à notre place. La tragédie de Sainte-Sophie de Constantinople qui s’est jouée en 1453, peut très bien être demain la tragédie de l’église, de la chapelle de notre ville, de notre village édifiée avec foi et amour par nos ancêtres et qui savaient en trouver le chemin pour y prier. Nos enfants, nos petits-enfants seront-ils donc condamnés à vivre des remakes de la chute de Constantinople, et les pierres sacrées de nos sanctuaires se faire l’écho de prières qui ne seront pas chrétiennes ?
Si pour nos descendants nous voulons leur épargner ces tragédies, alors c’est maintenant, avant qu’il ne soit trop tard, qu’il faut réinvestir nos églises, leur redonner par la Vérité et la beauté une jeunesse de vie spirituelle. Se la jouer « Eglise des pauvres » ou « martyr à bon compte » sur le dos de la Foi, de l’avenir de nos sanctuaires, de nos petits-enfants ne saurait être une option d’avenir. N’oublions pas que les chapelles ont été très souvent sauvées sans l’Eglise, c’est à dire, sauf exception, tel pour la Bretagne un abbé Perrot, un Dom Godu ou un Dom Alexis Presse, sans le clergé. Le clergé n’a fait ensuite que suivre, reprenant à son compte la célèbre phrase de Bertolt Brecht «Puisque ces évènements nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs».
Réinvestissons les églises, redonnons de la beauté à la liturgie qui montre, comme le dit si bien le Cardinal Sarah « le chemin de la foi, donc de l’envie de pratiquer », et le clergé frileux s’il n’en est l’organisateur sera contraint de suivre. Nos églises et nos chapelles auront alors le seul avenir qui doit-être : un avenir chrétien, catholique… et en Bretagne, breton. Réfléchissons sur la célèbre admonestation de Bossuet :
« Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont-ils chérissent les causes »…
Cela nous renvoie à certains pétitionnaires contre la «sortie» Boubakeur. Prenons bien garde, pour ne pas avoir su ou voulu défendre tout ce patrimoine, non seulement architectural, mais aussi spirituel, culturel qui lui est intimement lié, pour avoir préféré l’ignorer, le mépriser, le renier, le détruire ou le «vendre à l’étranger», que nos petits-enfants qui auraient dû en être les héritiers légitimes pourraient fort bien, contemplant ces ruines matérielles et spirituelles, aller sur nos tombes, haïr notre mémoire, nous maudire pour les en avoir privés, et leur avoir montrés les chemins du néant…ou d’une autre foi…
Pour conclure, cette phrase de l’abbé Christian Bouchacourt tirée de son éditorial « Nécessaire lucidité », dans « Lettre à nos frères prêtres » (10) : « Soyons lucides et courageux : l’unique voie de salut pour l’avenir de la religion catholique (donc de nos églises) en nos pays est une foi brûlante qui informe toute la vie ». C’est aussi à cette seule condition que nos églises garderont leur raison d’exister, d’êtres des témoins visibles de notre foi, de notre identité chrétienne, et que leur avenir, et le nôtre seront assurés, et qu’elles ne seront pas revendiquées par des idéologies, des croyances étrangères…sinon…
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SOURCES
9) Colloque de Saint-Thégonnec , mai 2005.
10) « Lettre à nos frères prêtres » Bulletin de liaison de la Fraternité Saint-Pie X avec le clergé de France », numéro 66, juin 2015.
Autres sources : Archives Abbé Perrot-Herry Caouissin.
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