Saints bretons à découvrir

L’OMBRE DE LA RUINE EST TOUJOURS EN EMBUSCADE…

Amzer-lenn / Temps de lecture : 13 min

Voici la troisième partie de notre article « 1793-2015 : une certaine France qui n’aime pas ses églises », dont vous pouvez retrouver la seconde partie ici.

… RETROUVER LE CHEMIN DE NOS EGLISES.

 

CHh_DZJWUAABgRs.pngL’ombre de la ruine pèse toujours sur nos chapelles et nos églises, voire même sur certaines de nos cathédrales ; elles ne sont jamais sauvées définitivement.  Les causes sont toujours les mêmes : un budget culturel de misère, certes, mais aussi abandons de la Foi, de la pratique religieuse, indifférence et mépris, et la mode délétère  d’une christianophobie dont se pique nos élites politiques,  intellectuelles ou tous les cultureux branchés du showbiz, donnant ainsi la main aux forces qui aujourd’hui massacrent de par le monde les chrétiens et anéantissent leur patrimoine religieux, s’adonnant à des épurations ethniques et religieuses. La jolie chapelle de quartier amoureusement restaurée peut très bien dans vingt ans n’être qu’une triste ruine ou être devenue une maison, un restaurant ou bien d’autres choses.

L’ombre funeste de la destruction récente des temples de Palmyre peut dans un avenir, peut-être pas si lointain, s’abattre aussi sur nos sanctuaires. L’incendie accidentel de la basilique Saint Donatien et Saint Rogatien de Nantes image très bien cet avenir sombre.

Moins de dix années suffisent pour ruiner n’importe quel bâtiment, car la nature n’est pas seule à prendre sa revanche sur l’espace déserté : les vandales profiteurs et profanateurs lui donnent largement un sérieux coup de main pour accélérer sa ruine. Et si en 2015 cette menace n’a pas été écartée et risque de revenir, c’est bien à cause des chrétiens d’aujourd’hui qui délaissent ce que la foi de leurs ancêtres avait édifiée, liant amour de Dieu, de sa Mère, des saints et des saintes à l’amour de la beauté architecturale.

 

36744_quel-avenir-pour-nos-eglise-240.pngNos ancêtres qui ont bâti ces sanctuaires ne se demandaient pas «que faire de nos églises, comment les remplir, car ils les remplissaient » comme l’écrit très justement Yvon Tranvouez, chercheur et professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bretagne Occidentale, dans le livre des « Actes du colloque de Saint-Thégonnec » dont nous parlons ci-après (7).

Quand on ne fait plus baptiser les enfants, quand le mariage se passe du Sacrement, quand le défunt évite de passer par l’église, quand le Foot ou la partie de vélo du dimanche matin remplacent la messe devenue souvent rébarbative, il ne faut pas s’étonner de la désertion des églises.  De fait, l’église de plus en plus désertée devient un bâtiment appartenant à un monde finissant, inutile, encombrant et coûteux d’entretien, et son affectation à un autre usage finit par s’imposer. Mais s‘il y a désertion de l’Eglise -mais pas toujours pour autant de la foi- c’est qu’il y a bien un autre problème. Or ce problème que refuse de voir et de comprendre depuis un demi-siècle maintenant l’orgueil aveugle  d’un certain clergé et de chrétiens  progressistes  allergiques à toute transcendance et beauté, c’est justement une question de beauté qu’une affligeante inculture interdit d’aimer.. Nous en avons déjà parlé dans de précédents  articles (cf «Prier sur de la beauté»).

Si nous pouvons oser une comparaison profane, nous n’avons guère envie d’aller voir un film ou un spectacle réputés être médiocres, des  navets dont l’échec est assuré. Pourquoi serions-nous attirés par des « liturgies » qui font dans la médiocrité la plus consternante qui soit ? La messe n’est certes  pas un  spectacle, mais c’est une tragédie : celle du Golgotha, celle de la Passion du Christ qui se « joue » sous nos yeux. Mais encore faudrait-il que cela soit évident ; que l’on puisse,  par ce qui se passe à l’autel,  le ressentir. Et ce ressenti  c’est la Divine Liturgie, comme disent si bien les Orthodoxes, qui est à même de nous faire percevoir cette tragédie de la Croix.

D’où l’importance de la beauté de cette liturgie, du sens du sacré et des rites dans la « gestuelle » du prêtre.

D’où aussi l’importance de la manière dont les fidèles participent par la beauté des prières, des cantiques, leurs attitudes à cette tragédie. Nous disons bien participent, et non pas assistent passivement comme si cela n’était que l’affaire du célébrant. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la grande médiocrité de bien des «liturgies» improvisées n’incite guère à fréquenter ces messes, ces célébrations diverses. D’où la désertion des églises…comme on déserte une salle de cinéma, de théâtre, un restaurant dont la réputation est  mauvaise…

Nous avons le témoignage d’un musulman qui  dans le cadre du «dialogue islamo-chrétien», était amené à assister à des messes ; ce à quoi il assistait le laissait plus que dubitatif, et de dire avec un bon sens que devrait méditer les chrétiens : « si je croyais à l’Eucharistie, c’est en rampant sur le sol de l’église jusqu’au pied du tabernacle que je m’avancerai pour adorer et recevoir le Corps du Christ » (8)  Il avait, lui, tout compris, d’où son choc devant  des consternantes «liturgies»,

 du bavardage, du brouhaha des célébrations, mais plus encore de la manière dont priaient les fidèles, et de la manière plus que désinvolte avec laquelle ils allaient communier, recevoir justement ce « Corps du Christ », de leur Dieu fait Homme. Et le musulman aurait pu aussi se poser la question : « Combien de ces fidèles qui se bousculaient à la communion croyaient encore vraiment qu’ils recevaient le Corps du Christ ? »

Le musulman a encore le sens du sacré. Si nous sommes incapables de le retrouver, lui saura nous le réapprendre…dans sa foi. Est-cela que nous voulons ?

La désertion de nos églises trouve encore là une des explications. Ajoutons,  pour nous Bretons, l’exclusion de notre  propre identité religieuse (inculturation) des églises, sujet dont nous avons déjà parlé. Le clergé n’a jamais voulu le comprendre, mais combien de Bretons dégoûtés ont, sur la pointe des pieds, quitté cette Eglise qui leur était devenue étrangère ? Quand on entend des enfants de 10 ans dire qu’à l’église qu’ils s’ennuient, que les messes sont « nulles »,  parfois dans un vocabulaire…plus imagé et crû, cela devrait  interpeller ce clergé, ces chrétiens en charge de la liturgie. Mais il sembe qu’ ils ne veulent toujours rien comprendre.

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Comment se fait-il que les églises, les monastères, qu’ils soient de sensibilité «

traditionaliste »  ou «charismatique» sont toujours très fréquentés, sinon parce qu’on y trouve une belle liturgie ?  De même chez les Orthodoxes. Il serait temps, suivant les souhaits du pape Benoît XVI,  que le clergé, les catholiques comprennent  pourquoi leurs églises se vident, et pour comprendre cela, point n’est besoin d’ateliers, de commissions, de recherches, quand il suffit d’ouvrir les yeux.

Le cardinal Robert Sarah, Préfet de la Congrégation pour le Culte divin, nous l’a très bien expliqué dans son remarquable livre «Dieu ou rien» :

 « La liturgie est principalement et avant tout le culte de la Divine Majesté dit-il, ajoutant que  « la liturgie montre l’Eglise à ceux qui sont dehors comme un signal levé au milieu des nations, sous lequel les enfants de Dieu dispersés se rassemblent dans l’unité »

 Mais assurément, ce ne sont pas les liturgies bricolées qui ne sévissent encore que trop qui pourront montrer l’Eglise à ceux qui sont dehors.  Ceux-là n’auront guère le désir d’y voir un signal qui les appellent. Nous avons oublié que nos églises, nos cathédrales étaient des «liturgies de pierres» destinées à recevoir la Divine liturgie. N’est-il pas choquant que, pénétrant dans une belle église ou cathédrale, la liturgie proposée ne soit pas en adéquation avec la beauté du sanctuaire ? C’est un peu comme si nous rendant dans un restaurant réputé par son cadre magnifique, on nous servait un vulgaire sandwich de gare. La comparaison est osée, mais c’est pourtant ainsi…

Les chrétiens peuvent encore retrouver le chemin de l’église, encore faut-il,  malgré les « impératifs » de nos sociétés matérialistes sacrifiant à l’idole « Consommation », leur en donner  l’envie par une liturgie qui par sa beauté élève l’âme et porte à vivre avec le Christ sa Passion et sa Résurrection. Que l’on ne se fasse pas d’illusions, les églises ne se rempliront pas par un miracle venu du Ciel : c’est aux chrétiens à qui il revient de les remplir de nouveau, sinon « d’autres » qui savent parfaitement à quoi doit servir un sanctuaire se chargeront de les remplir.

Nous avons, avec raison, été choqué par la provocante proposition du Recteur de la Grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur  «de transformer les églises inutilisées en mosquées», et de justifier cela par le fait que «chrétiens et musulmans ont le même Dieu, et des rites voisins». Notre propos n’est pas de débattre ici de cette imposture théologique. Disons pour faire simple que, Monsieur Boubakeur sait parfaitement qu’il professe là une contre-vérité inouïe en matière de religion. Mais, vu l’ignorance abyssale de nos élites civiles et religieuses, voire des chrétiens sur leur propre religion et sur l’Islam, plus les contre-vérités sont énormes, plus ça passe. C’est déjà ce que proposait en 2012 l’imam de la mosquée de Duisburg en Allemagne : « Peu importe si c’est une église ou une mosquée, mais une maison de Dieu ! » Ce genre de discours trouve des oreilles favorables chez ce qu’on peut appeler les chrétiens, chantres d’un islamo-christianisme suicidaire, comme il y a eu, et il y a encore des chantres d’un communisme chrétien. On sait où cela a mené.

C’est ce même Boubakeur qui quelques mois auparavant, alors qu’on détruisait les églises d’Irak, de Syrie, qu’on égorgeait dans une grande mise en scène médiatique des chrétiens, exigeait que l’on construise le double de mosquées en France, qui sont déjà au nombre de plus de 2500,  et en Bretagne 53. Devant le scandale de ses propos, Monsieur Boubakeur  a affirmé «qu’on l’avait mal compris». Non, les gens lucides, car heureusement il y en a encore, eux ont très bien compris l’ampleur de la provocation et du problème soulevé. Au fond, le recteur de la mosquée de Paris nous a rendu un grand service : par cette audacieuse  proposition qui est le projet à terme d’un véritable changement cultuel, de religion sur une terre chrétienne, il peut réveiller les consciences chrétiennes endormies. Certes, il y a des hommes politiques, des chrétiens qui ne le sont plus que de nom, quelques évêques qui ne représentent qu’eux-mêmes et non l’Eglise, pour applaudir à  l’offre  de Monsieur Boubakeur, mais la majorité des Français ont été scandalisés, d’où la campagne de «Touche pas à mon église» orchestré par l’écrivain-journaliste Denis Tillinac dans la revue «Valeurs Actuelles».  Nous ne pouvons nous étendre sur toutes les réactions indignées, mais cette affaire  a eu le mérite de démontrer que les Français, les Bretons étaient, croyants-pratiquants ou non,  encore très attachés à leurs églises. D’ailleurs, cet attachement, ils l’on en maintes occasions déjà prouvé  en restaurant leurs chapelles, en votant pour empêcher la destruction de leur église désaffectée. En  Bretagne, l’église de Saint Nérin en Côtes d’Armor, en est un exemple éloquent.

Cependant… c’est bien de dire «Touche pas à mon église», de refuser que nos sanctuaires deviennent des mosquées (9). Mais à quoi bon manifester contre l’érection de mosquées, quand on sait que la plupart des opposants ne fréquentent plus leurs églises, et affichent une indifférence religieuse, voire un anti-christianisme, et dont certains professent un néo-paganisme de folklore  ou font de leur athéisme militant un étendard, qui face à l’islam mystique et conquérant est tristement risible, et sera balayé comme scories de la vieillesse d’un monde en fin de course.

 

Si les chrétiens ne veulent pas qu’on touche à leurs églises, alors, que toutes affaires cessantes, ils les réinvestissent, et tant qu’à faire, qu’ils « réinvestissent » la foi qui « va avec ».  Alors, une grande partie du problème sera  résolu, et il n’y aura plus de Boubakeur ou autres pour réclamer qu’on leur livre nos églises, clés en main. Car nous pouvons être assurés, que la « proposition» du recteur de la mosquée de Paris continuera son chemin pendant que nous achèverons de déserter nos églises, jusqu’à ce que les esprits soient mûrs pour l’accepter. Après tout, les musulmans sont logiques : quand ils construisent des mosquées, c’est pour les remplir, les utiliser, comme nos ancêtres le faisaient avec les églises. En outre, les musulmans ne peuvent que constater le néant spirituel d’une Europe apostate, et cela ne peut que les choquer, et leur donner l’assurance que leur religion est l’avenir, mais aussi, que cela nous plaise ou non, notre avenir.  Ajoutons, qu’il y aurait beaucoup à dire sur la sincérité de certains signataires de la pétition Tillinac. Beaucoup d’entre- eux sont les incendiaires criant « Au feu », qui depuis des décennies, par des idéologies dont le refus de reconnaître les racines chrétiennes de l’Europe n’est pas la moindre, ont travaillé à faire de l’Islam, dans un proche avenir, la première religion de France, voire de l’Europe, et à leur inventer des  racines musulmanes.

A suivre, la 4ème partie : IL APPARTIENT AUX  SEULS  CHRETIENS  QUE  LEURS EGLISES  RESTENT  DES  EGLISES…CHRETIENNES

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SOURCES

7)      «Quel avenir pour nos églises». Actes du colloque de Saint-Thégonnec (21 mai 2005)

8)      Témoignage dans « L’Homme Nouveau » du 20 juin 2015, article de l’abbé Claude Barthe «  De l’importance dans la réception de la communion ».

9)      «  Près de 7 français sur 10 contre la proposition de Dalil Boubakeur » Etude réalisée par l’IFOP du 25 au 29 juin pour « Valeurs Actuelles » auprès d’un échantillon de 2027 personnes, représentatif de la population âgée de 18 ans et plus. Publié également par le « Bulletin d’information REAGIR-Quimper, août 2015 ;

À propos du rédacteur Youenn Caouissin

Auteur de nombreux articles dans la presse bretonne, il dresse pour Ar Gedour les portraits de hauts personnages de l'histoire religieuse bretonne, ou encore des articles sur l'aspect culturel et spirituel breton.

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