La saint Yves devient-elle laïque ?

Amzer-lenn / Temps de lecture : 4 min

saint yves, fête de la bretagne, gouel breizhLe 19 mai nous fêterons Saint Yves, considéré comme saint patron des Bretons, tout comme Saint Patrick l’est pour les Irlandais. Autrefois, aux arènes de Lutèce, une grande fête était organisée avec bagadoù…

Cela est un peu tombé puis il a été question de créer une grande fête de la Bretagne, à l’instar de la Saint Patrick qui est fêtée à travers le monde par les Irlandais. Une fête de rassemblement au-delà des frontières. Il y a quelques années, nous étions avec une appellation franco-bretonne donnant un jeu de mot plus ou moins réussi, mais parlant : La Fest’Yves, traduit en breton Gouel Erwan. Les deux allaient de pair. On avait viré le “Sant” (saint), mais l’esprit était encore là.

Il s’avère que depuis, beaucoup se sont affranchis du rappel à Saint Yves, et sont partis sur l’idée unique de Fête de la Bretagne / Gouel Breizh, d’autant que la fête s’est étendue entre le 15 et le 25 mai à travers le monde. Certains se gargarisent d’une multitude d’événements… mais au niveau religieux, cela se réduit à peau de chagrin ! Et pourtant il y en a, des occasions de célébrer le saint homme, de Tréguier à Saint Yves-des-Bretons (Rome), en passant par toutes les paroisses et chapelles dont le patronage est confié à Yves Hélouri de Kermartin. Mais… les catholiques bretons ne sont pas exempts de toute responsabilité sur le déficit de propositions. 

Cette année et comme tous les ans, un appel à projets a été lancé pour fêter la Bretagne. Les résultats sont sur le site de Gouel Breizh. Même si la création et la promotion commune d’ événementiels à dimension internationale est intéressante et à encourager, il est malheureux de constater que là encore, gommage de tout le côté se référant à St Yves. Certes, la durée s’étant au-delà du 19 mai, mais est-ce une explication satisfaisante ? 

Nous nous trouvons à notre sens dans un de ces cas de figure :

– soit ce n’est pas fait exprès, un oubli, une ignorance…

– soit c’est parce que les deux fêtes sont deux choses différentes.

– soit c’est parce que dans notre bonne institution franco-laïque, il est de bon ton d’effacer toute trace de religieux, fut-elle d’un saint connu pour sa proximité avec les pauvres, pourtant figure idéale à mettre en avant à notre époque ! Notons au passage la création récente du Fonds St Yves et de la Maison St Yves, qui va dans ce sens de mise en avant.

Considérant que ceux qui sont à la tête de la promotion de la fête de la Bretagne ont une certaine culture générale et un bon niveau de connaissance en matière bretonne, le premier cas est supprimé. Le deuxième aussi, évidemment. Nous en arrivons donc au dernier cas, et c’est un vrai problème, qui nous est d’ailleurs confirmé par un billet de la “Libre” Pensée du Morbihan (2010), dont voici un extrait

Monsieur Le Drian a défendu la position qu’il avait « laïcisé la Saint-Yves » en enlevant de son organisation toute référence à ce personnage religieux. Il a affirmé n’avoir soutenu financièrement aucune manifestation ni association religieuse. Il a réinsisté sur le fait qu’il avait tenu compte de nos interventions. Il a déclaré que les manifestations religieuses qui ont lieu ce jour là ne sont pas de son fait, et qu’elles sont autorisées comme initiatives privées.”

La Bretagne, terre celtique chrétienne a donné de très nombreux saints et missionnaires, et Saint Yves en est un qui est internationalement connu. Or en supprimant la référence à ce saint, on supprime encore une autre des racines bretonnes, on nie une bonne partie de ce qui a forgé la Bretagne et on vend une partie de son âme à des intégristes laïcs en envoyant les ancêtres aux oubliettes, de Juluan ar Maner à Cadoudal, de Nominoë à Anna Vreizh, de Saint Patern à Saint Corentin, de Gradlon à Saint Malo… Un laïcisme extrême qui ne provient pas de Bretagne, et qui n’a pas vocation à s’y installer. Si l’on supprime la langue, si l’on supprime l’Histoire (que beaucoup de Bretons ne connaissent déjà plus) et si l’on supprime l’âme chrétienne bretonne, il ne reste plus rien et la Bretagne (celle que nos Pères nous ont légué) mourra, ne nous y trompons pas. Sans la Foi et sans la Langue, il n’y a plus de Bretagne. Il ne restera qu’un folklore amusant les touristes et amateurs de revival qui rappellera qu’à une époque qui s’efface des mémoires, existait une Bretagne souveraine et rayonnante…

Alors que faire ? Que chacun prenne de son temps pour rappeler partout le sens de cette fête de la Bretagne, à commencer par l’organisation d’une grand-messe ou d’une veillée pour la Saint Yves dans chaque diocèse (ou mieux, dans chaque paroisse) ! A chacun de faire le nécessaire pour que vive l’âme bretonne, encore et toujours ! 

Rediffusion d’un article du 24/05/2012 et réactualisé.

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD".

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6 Commentaires

  1. C’est renier son passé que de mettre au placard tous les saints qui ont fait l’Europe, saint Colomban en premier. Confiner les saints dans un seul et unique domaine religieux est digne d’une âme de cancre. Ils étaient architectes, traducteurs, hydrauliciens, politiciens, géographes, mathématiciens, philosophes, etc… Pour revenir à saint Yves, si tous les vrais hommes de justice l’ont élu comme leur saint patron, il serait souhaitable de ne point l’ignorer. Les valeurs dont nos hommes politiques se prévalent seraient-elles uniquement laïques ? On peut certes, dans l’État laïque français, occulter ces fêtes religieuses afin de ne point offusquer quelques âmes bien-pensantes, dont ladite tolérance se situe au niveau zéro.

    Malheureusement nous n’avons point de catacombes en Bretagne pour célébrer nos offices, en cachette.

    Et puis sachez que la fête profane qui s’ensuit est aussi liée au culte des saints. Le profane étant lié au sacré, cette dualité de fait est-elle menacée de divorce ? Qui fêtera t-on alors ? Saint Driant, sainte Elysée, saint Bourbon ? Refaire l’histoire à sa convenance a toujours été d’actualité depuis des lustres, mais ne comptez par sur moi pour cautionner ces « menteries » !

    Saint Yves étant avec sainte Anne, les saints patrons de la Bretagne, il serait juste de lui rendre hommage, croyants ou non croyants. La Justice, dont saint Yves est l’heureux représentant céleste, est humaine, universelle. Elle ne connaît pas obligatoirement de religion, de frontières, elle peut exister chez les Hindous, comme chez les Papous. Mais il est juste d’affirmer que ce sont ces hommes, et femmes, qui pendant deux mille ans sacrifièrent leurs misérables vies pour un idéal d’amour, de paix et de prospérité.

    L’État français étant propriétaire des édifices religieux, et de son contenu, il finance de fait le domaine religieux. Le nier est impossible.

    Merci d’avoir repris cet article !

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