Yann-Fañch Kemener chante « KAN AR BASION »

Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 min

yann fanch kemener kan ar basionVous aviez apprécié « NOELS EN BRETAGNE » de Yann-Fañch Kemener ? Vous apprécierez sûrement son nouvel opus qui sort dans les bacs dès le 19 janvier. Intitulé « KAN AR BASION – CHANTS DE LA PASSION », cet album reprend une partie du riche répertoire breton de la Semaine Sainte et de Pâques.

Accompagné encore une fois d’Aldo Ripoche (violoncelle baroque) et de Damien Coty (violoncelle baroque, viole de gambe, dessus de viole), l’artiste breton nous entraîne sur le chemin de Pâques, avec un O Filii et Filiae qui nous fait entrer de plein pied dans le mystère pascal. Suivent Ar Basion Vraz, Ar Basion vihan, un Anjelus, un Stabat Mater e brezhoneg et bien d’autres titres que nous vous laissons découvrir (Intron Varia Penhors, Gwerz Mari-Madalen, etc). Yann-Fanch avait déjà publié Ar Basion Vraz, Ar Basion vihan et An Angelus dans son album « Carnets de route« , chants collectés auprès de Maria Kerjean, de Bonen (Côtes d’Armor). Mais l’interprétation de Kemener et l’accompagnement au violoncelle et à la viole de gambe donneront certainement un relief particulier à ces titres, comme par exemple un « Guerhiez Santel » vibrant. Une surprise complémentaire : le chanteur breton nous offre un deuxième CD dans le même opus, reprenant un live à Sainte-Tréphine.

Pour en revenir à KAN AR BASION proprement dit, la publication de cet album vient dans la continuité du CD consacré à Noël, développant ainsi un travail sur la tradition bretonne au sens large. Comme nous le dit Yann-Fañch Kemener « ne pas aborder le répertoire religieux eut été une aberration », ajoutant que « Pâque est Le temps fort de la Chrétienté et de la renaissance … »

« C’est aussi l’occasion de sortir un répertoire oublié et riche tant musicalement que poétiquement » précise l’artiste. Il a en effet collecté de très belles versions de certains chants encore gardés dans quelques mémoires. Et parce que nous livrer simplement ces trésors ne lui suffisait pas, il propose en format PDF inclus dans l’album une étude sur le sujet, document de 20 pages qui se rajoute donc aux 24 pages d’un beau livret. Vous y retrouverez notamment les pratiques singulières de Bretagne, un explicatif sur cette semaine rituelle qui court du dimanche des Rameaux à Pâques, mais aussi « la Passion et le Théâtre », la « Passion et les Missions », « la Passion et le peuple », avant de développer une explication sur la Grande et la Petite Passion (évoquant) la piété et les croyances populaires, la tradition chrétienne et l’influence des Mystères…), puis sur l’Angelus particulier de cet album. Nul doute que nos lecteurs, qui avaient apprécié nos articles sur les Hymnes bretons de la fête des Morts ou sur les chants de Noël sauront apprécier cette étude et la bibliographie qui suit.

Extrait :

« Connus dans toute la Bretagne bretonnante, comme l’attestent les collectes des XIXe et XXe siècles, c’est toutefois dans le Centre Bretagne que les chants liés au drame de la Passion du Christ ont conservé toute leur singularité. Chantées dans toute la Haute-Cornouaille et une partie du Pays Pourlet, les Passions étaient interprétées durant toute la Semaine Sainte, depuis le dimanche des Rameaux jusqu’au soir du Jeudi Saint. Les gens du village se retrouvaient sur une hauteur, au pied d’un calvaire ou sur un talus… l’éminence, d’une part, pour rappeler la montée au calvaire, d’autre part, afin de pouvoir être entendu et d’entendre les chanteurs des communes avoisinantes. Deux ou trois personnes, âgées de préférence, chantaient les couplets que la foule reprenait, selon le principe du chant à répondre. Dans la région de Gouarec, Plouguernével, Bonen, elles étaient composées de trois séquences: la Grande Passion, la Petite Passion puis un Angélus. Ailleurs, on interprétait seulement les deux Passions. Ensuite, on allumait un grand feu, un tantad, puis on dansait parfois. Il se pratiquait aussi un jeu, le chañch par (changer de partenaire). Tout ceci avec la bénédiction du clergé et sous le regard des anciens, chargés du bon déroulement du cérémonial. Bien plus qu’un récit, ces chants en période de carême et d’extrême abstinence étaient l’occasion de «divertissements». Toutefois, il n’était pas question de transgresser la morale rigide de l’époque. »

Vous ne serez donc pas surpris de voir que l’album s’inspire quelque peu de l’ordre dans lequel était jouées les séquences de la Passion, tel que Yann-Fanch l’explique. L’ambiance particulière qu’il a l’habitude de nous offrir avec ses comparses saura sans aucun doute nous mettre dans l’atmosphère de vénération qu’il nous faut trouver en nous retrouvant alors au pied de la Croix, méditant le Chant de la Passion.

Le concert reprenant ce répertoire sera joué devant ceux qui ont la chance d’avoir des billets pour les Folles Journées de Nantes, mais aussi à Rennes le 29 mars. Nous invitons aussi les diocèses bretons à bien vouloir programmer un tel concert durant le Carême ou la Semaine Sainte. C’est l’occasion de faire découvrir à un grand nombre de personnes les richesses insoupçonnées du patrimoine breton… et de vivre autrement les heures de la Passion. Certains cantiques mériteraient d’être repris en paroisses. Pour conclure cet article, nous laisserons le mot de fin extrait de cet album :

« Devant la profusion des calvaires qui jalonnent le bord des routes, des peintures murales qui ornent les églises, on peut affirmer que les chants de la Passion ont marqué durablement les foules. N’est-ce pas le même mystère et la même émotion qu’on retrouve dans ces chants, dans ces images et ces sculptures de granit ?

Nous devrons sans doute, modestement, nous contenter d’apprécier la beauté de ces textes et de mesurer la profondeur de leur portée à l’aune de notre sensibilité et du regard dont nous voudrons bien les nourrir. Il est clair qu’à travers ces chants empreints de ferveur et d’émotion; nous touchons là non seulement une époque donnée mais surtout l’âme d’un peuple. »

A vous procurer absolument dès le 19 janvier chez votre disquaire. Edition :  Buda musique – Distribution : Universal

Vous pouvez aussi le commander via ce lien partenaire. En le commandant ici, vous soutenez Ar Gedour.

J’ai apprécié cet article : je soutiens Ar Gedour

 

 

(Re)découvrez deux émissions que France Culture avait consacré à Yann-Fañch Kemener en février 2014 :

1ère partie

2ème partie

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD". En 2024, il a également publié avec René Le Honzec la BD "L'histoire du Pèlerinage Militaire International".

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7 Commentaires

  1. Louis-Marie SALAÜN

    Sitôt le CD reçu (merci au redac’ chef) je l’ai écouté, ou plutôt savouré ! Quel plaisir d’entendre une fois de plus la voix si émouvante de Yann-Fanch KEMENER ! Et quand en plus il vous dédicace le CD, pebezh joa!!!

    Après « Nedeleg e Breizh » voici un autre opus d’aussi bonne qualité. J’y ai découvert l’autre timbre du cantique « Gwerc’hez Santel », de toute beauté !

    En ecoutant ce CD vous comprendrez ce que YF Kemener expliquait il y a quelques temps dans l’excellente émission de France Culture « les traverses du temps » à propos des ponts et liens entre la musique baroque et la musique bretonne.

    Je voudrais ici saluer encore l’excellent et laborieux travail de cette grande voix de Bretagne, dans le collectage et la mise en valeur auprès du public de ces mélodies traditionnelles si chères à nos coeurs et nos âmes.

    Avec cet album et les autres (je pense aussi à Ar Baradoz sorti récemment) Yann-Fanch Kemener donne pleinement sens au mot tradition ! « Tradere » oui, transmettre, et transmettre fidèlement sans contrefaçon, sans « colorant » pourrait-on dire. Transmettre la beauté touchante des mélodies, le sens profond des mots, transmettre pour ne pas oublier et pour que toujours vivent ces chants dans l’âme et le cœur des Bretons. Trugarez braz deoc’h Aotrou Kemener ! Oui Grand merci à vous Monsieur Kemener !

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