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[PONT-L’ABBE] Des tags sur l’église Saint Jacques de Lambour

photo Ouest-France
Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min

Le Télégramme et Ouest-France signalent que des tags anarchistes ont été peints dans la nuit de dimanche à lundi sur les murs intérieurs et ceux du choeur de l’église Saint Jacques de Lambour, en Pont L’Abbé (Diocèse de Quimper et Léon). Le premier quotidien indique qu’il n’y a aucun caractère profanatoire. Selon Ouest-France, une main courante a été déposée à la gendarmerie. Les inscriptions vont être nettoyées de manière à ce que tout soit propre pour les journées du patrimoine (1).

Quelques précisions :

Les anar’ feraient bien d’apprendre l’histoire locale, car mine de rien, ils auraient pu trouver un lien entre l’histoire de cette église et leurs propres motivations. L’édifice actuel a été édifié du XIII au XVIe siècle pour servir d’église tréviale au village de Lambour, faubourg de Pont-l’Abbé situé dans la paroisse de Combrit. De style gothique, l’église prend place dans un enclos comprenant également une stèle protohistorique. Le clocher fut décapité par les troupes royales lors de la Révolte des bonnets rouges en 1675. En effet, les paroissiens de Lambour participèrent à la Révolte qui souleva le peuple bigouden. En représailles, le clocher fut découronné, la flèche du clocher et le haut des tourelles abattus, en septembre 1675 par ordre du duc de Chaulnes, gouverneur de la Bretagne, et ne fut jamais reconstruit

Tout au long du XIXe siècle, le sanctuaire ne s’anima plus que lors des deux pardons : celui des enfants le lundi de Pentecôte et celui de Saint-Jacques le dernier dimanche de juillet. À la fin du XIXe siècle, l’église est en très mauvais état et le conseil municipal de Pont-l’Abbé décide d’en ôter le toit, lui donnant son aspect actuel de ruine romantique. Bien qu’en ruine, elle est aujourd’hui toujours utilisée pour le pardon de Saint Jacques qui, relancé en 1983, a lieu chaque année. L’association locale travaille à la restauration de l’édifice.

A l’adresse du Télégramme affirmant que les inscriptions n’ont « pas de caractère profanatoire » :

 

Le fait que l’église soit en ruine ou que les inscriptions n’aient pas de caractère profanatoire explicite enlève-t-il de facto le caractère profanatoire ?

Il s’avère que certains tags ont été dessinés dans le choeur. Même si aujourd’hui tout le monde évolue dans le choeur comme dans une cuisine, celui-ci est l’espace le plus sacré d’une église (elle-même consacrée, le terme exact étant « dédicacée ») dans lequel se trouve l’autel, qui n’est pas une simple table, mais l’endroit sur lequel se renouvelle le Saint Sacrifice de la Croix, dans une forme non sanglante. Bien des fidèles ne savent plus que 

« l’autel, autour duquel l’Église est rassemblée dans la célébration de l’Eucharistie, représente les deux aspects d’un même mystère : l’autel du sacrifice et la table du Seigneur, et ceci d’autant plus que l’autel chrétien est le symbole du Christ lui-même, présent au milieu de l’assemblée de ses fidèles, à la fois comme la victime offerte pour notre réconciliation et comme aliment céleste qui se donne à nous.  » Qu’est-ce en effet l’autel du Christ sinon l’image du Corps du Christ ?  » – dit S. Ambroise (sacr. 5, 7 : PL 16, 447C), et ailleurs :  » L’autel représente le Corps [du Christ], et le Corps du Christ est sur l’autel  » (sacr. 4, 7 : PL 16, 437D).

La liturgie exprime cette unité du sacrifice et de la communion dans de nombreuses prières. (cf Catéchisme de l’Eglise Catholique, VI – 1383) :

« l’autel de la Nouvelle Alliance est la Croix du Seigneur (cf. He 13, 10) de laquelle découlent les sacrements du mystère Pascal. Sur l’autel, qui est le centre de l’église, est rendu présent le sacrifice de la croix sous les signes sacramentels. Il est aussi la Table du Seigneur, à laquelle le Peuple de Dieu est invité (cf. IGMR 259). Dans certaines liturgies orientales, l’autel est aussi le symbole du Tombeau (le Christ est vraiment mort et vraiment ressuscité) » (ibid. IV – 1182).

Bien des gens ignorent cet espace sacré marqué par l’autel, le tabernacle, l’ambon et le siège du célébrant. Car dans bien  des églises, si on ne l’a pas envoyé dans une chapelle latérale, le Saint Sacrement est conservé dans le tabernacle qui lui aussi se trouve dans le choeur.

Certes, des hosties consacrées n’ont pas été profanées, et pour cause, puisque le Saint Sacrement ne se trouve plus dans cette église sans toit (avouons au passage que nombre de gens ne croient plus à la Présence réelle tout comme ils ne savent même plus ce que représente l’autel).

Certes, il n’y a pas eu atteinte directe de l’autel. Mais la profanation d’une église ne se limite pas à ces questions. Même si les inscriptions en elles-mêmes n’avaient pas de caractère profanatoire, en taguant les murs d’une église  – même sans toit, mais servant encore ponctuellement au culte – et qui plus est en son choeur, le caractère profanatoire de l’acte est à notre sens qualifié.

Reste la question de savoir ce qu’il en est exactement de l’église, suivant le code de droit canonique concernant les « lieux sacrés » :

code-droit-canonique

Etant sans toit, l’édifice est-il considéré comme ayant « sa plus grande partie » détruite ou non ?

À propos du rédacteur Tudwal Ar Gov

Bretonnant convaincu, Tudwal Ar Gov propose régulièrement des billets culturels (et pas seulement !), certes courts mais sans langue de buis.

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