Saints bretons à découvrir

[Rennes] L’église Saint-Laurent rachetée 150 000 € par une artiste

Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min

A Rennes, la vente de l’église désaffectée du vieux Saint-Laurent à la sculptrice Delphine Lecamp, a été votée en conseil municipal. L’artiste a acheté l’édifice 150 000 € pour le transformer en ateliers d’artistes.

 

L’ancienne église Saint-Laurent, est chargée d’histoire. Il s’agit en effet de l’une des premières fondées à Rennes. On situe sa création entre l’an 650 et le début du Xe siècle – après Saint-Étienne, Saint-Aubin, Saint-Martin et Saint-Jean – sous le vocable de Saint-Laurent-des-Vignes.

 

Une église très ancienne

Quoique la paroisse de Saint-Laurent soit certainement ancienne, elle ne figure cependant qu’au 13e siècle, mentionne ce site ; il est fait mention en 1293 de ses vignes, « vinee in parrochia Sancti Laurentii juxta Redones » (vignes de la paroisse Saint-Lairent près de Rennes), et on l’appelait encore au 16e siècle Saint-Laurent-des-Vignes. En 1713 il y avait trois prêtres attachés à cette paroisse. Le Chapitre de Rennes y levait la dîme, valant en 1790 environ 1 706 livres de rente, et il y possédait en outre deux champs et une prairie. Le recteur de Saint-Laurent était présenté par le chanoine occupant la treizième prébende de la cathédrale. Ce recteur déclara en 1790 qu’il ne recevait du Chapitre, grand décimateur, qu’une portion congrue de 300 livres, mais qu’il jouissait en outre des dîmes novales, rapportant 100 livres, et du presbytère et de son pourpris, composé de deux vergers et de deux jardins « pour parfaire les 500 livres, chiffre légal de toute pension congrue ». A la même époque, la fabrique de Saint-Laurent avait trois rentes constituées, dont la troisième, au principal de 1 200 livres sur les Etats de Bretagne, était au profit des pauvres de la paroisse (Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 1 V, 26 — Le presbytère de Saint-Laurent se trouvait dans le fief du Chapitre, et les recteurs en rendaient aveu aux chanoines).

Mathurin Le Huger avait épousé en 1788 Françoise Lefeuvre… en l’église de Saint-Laurent, à Rennes et le couple s’était s’installé à la ferme des Basses-Gayeulles (actuellement ferme pédagogique). Homme pieux, Mathurin décida en 1789, lors de la Révolution française d’acquérir l’église Saint-Laurent dans le but de la sauver [1], en y établissant un magasin de fourrage, évitant ainsi les visites et dégradations des soldats révolutionnaires. L’église garda ainsi intacte la litre seigneuriale * [2], son vitrail, son autel, et son tombeau antique » Après sept ans à Saint-Laurent, Mathurin Le Huger s’installa pour dix-huit ans à la ferme des Trois-Croix, à Saint-Étienne de Rennes, puis, en 1814, à la ferme (manoir du 15e siècle) de Galisson, à Montgermont.[3]

La paroisse de Saint-Laurent fut rétablie en 1803 comme succursale de Saint-Pierre (maintenant Notre-Dame) ; toutefois elle demeura sans recteur de 1813 à 1820. Les derniers recteurs furent :Joseph de la Boucherie, prêtre de Léon, fut pourvu le 14 août 1735 ; décédé âgé de soixante-dix ans, le 23 août 1744, et inhumé dans le sanctuaire de son église. — Louis Rageul, prêtre du diocèse, fut pourvu le 24 août 1744 ; décédé en 1774. — Guy-Etienne Genouel, natif de Montautour, pourvu le 11 août 1774, gouverna jusqu’à la Révolution ; décédé à Vitré en 1795; Pierre-Louis Feudé (1803, décédé en 1813). — Jean-Marie Moranne (1820-1837). — Adrien Jolivet, chanoine honoraire (1837, décédé en 1862). — Jean-Marie Ménard (1862, décédé en 1867). — Charles Macé (1867, décédé en 1875). — Victorien Théard (1875-1883). — Célestin Moy (à partir de 1883).[4] La paroisse eut une bienfaitrice importante en la personne de Sophie Michel qui finança clocher et cloches. [5] Le clocher porche est construit en 1851 sur les plans de l’architecte Charles Langlois.

Lors des affrontements qui précédèrent la libération de Rennes, le chanoine Lécuyer, curé de l’église, eut à constater son triste état, car le combat du 1er août 1944 à Maison Blanche, ayant causé son incendie par obus incendiaires, l’église avait perdu son lambris de bois en fausse voûte et son décor peint réalisé entre 1850 et 1876 par Chalot et Vincent de Rennes.

Cet édifice composite qui joua un rôle important dans la construction du territoire, fait poser la question de l’usage possible des églises désaffectées, de leur rôle dans le tissu urbain et péri-urbain tant du point de vue urbanistique que social. Il faut, en effet, rappeler que la nouvelle église Saint-Laurent a été reconstruite dans le secteur du Gros-Chêne, marginalisant ainsi l’ancien village. L’ancienne église est cotée: *** au plan local d’urbanisme.

Cependant, désaffectée en 1970, elle a été transformée en lieu de stockage, d’abord, au profit de la ville, et, ensuite, pour les » Bouchons d’amour » en 2013. En juin 2018 la Ville de Rennes vend l’édifice pour 150 000 € à une artiste sculptrice qui va le transformer en ateliers d’artiste.

Une question se pose cependant : si elle était désaffectée, a-t-elle été désacralisée sur décision de l’ordinaire du lieu ?

 

Un lieu de création artistique ?

« Une église c’est un lieu hyper inspirant pour créer ! » La sculptrice Delphine Lecamp a l’enthousiasme contagieux des nouveaux propriétaires. Son acquisition n’est pas banale : l’église du vieux Saint-Laurent, située en face de la polyclinique Saint-Laurent, désaffectée depuis 1970. Elle faisait partie du domaine privé communal, jusqu’à ce que le conseil municipal vote lundi soir sa vente pour 150 000 € à l’artiste rennaise, qui projette de l’aménager en ateliers d’artistes.

Il y a de quoi se révolter face à la transformation de ces lieux de culte.  D’autant qu’à côté de ça, on a bâti à coup de millions d’euros la nouvelle église Anastasis de St Jacques-de-la-Lande. Comment dire…

Mais dans le même temps, cette église chargée d’histoire était désaffectée depuis 1970. 48 ans !!! Qu’on fait les catholiques bretons, particulièrement locaux, pour proposer des projets en phase avec la destination initiale du lieu ?

Si chaque catholique, breton ou non, donnait de son temps, de ses idées, ou une somme même minime, il est probable que la situation n’en serait pas à ce stade.

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À propos du rédacteur Tudwal Ar Gov

Bretonnant convaincu, Tudwal Ar Gov propose régulièrement des billets culturels (et pas seulement !), certes courts mais sans langue de buis.

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