SAINT VITAL – GWIDOL

Vallée des Saints - Photo Ar Gedour (droits réservés)
Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min

L’ éditeur de sa Vita latine, A.Oheix, présente ainsi saint Gwidol :

« Saint Viau ou Vital, pour avoir donné son nom à une paroisse du diocèse de Nantes, n’ en est pas moins un personnage presqu’ inconnu ».

De son côté, J. Loth (NSB 55) se contente d’ observer que « ce nom était répandu chez les Bretons insulaires », ce qui n’ est pas tout à fait exact, car il ne renvoie qu’ à un seul personnage (de la famille  de Gworthïern) et les généalogies galloises n’ en mentionnent qu’ un seul autre, fils de Dyvnwal Hen, petit fils de Ednyved, arrière petit-fils de Maxen Wledic (alias Magnus Maximus). Comme la femme de Gworthïern était Seuira, fille de Maxen on peut penser que ce nom latin, Uitalis, avait acquis une valeur de tradition dans cette famille.

 

Le personnage

 La Vie du saint, effectivement, nous apprend bien peu de chose sur l’ éponyme de la paroisse de Saint-Viau : In huius territorii Ratensis ambitu et loco secretori exstitit quidam incola, ducens progeniem ex gente Anglica…  « Dans les parages de ce pays de Rais et dans un lieu isolé vécut un homme d’ origine anglaise… »(ch.1)  Erat autem cellulae habitatio beatissimi uiri in Christo confinio Ratensis quodam in monte nomine Scobrit… « Or la cellule où habitait l’ homme très bienheureux en Christ était aux confins du pays de Rais sur une colline du nom de Scobrit… »(ch.2)

Il est clair que l’ origine anglaise de cet homo uocatus Uitalis « homme du nom de Vital »(ch.1) est aussi sérieuse que celle de Gworthïern (Gurthiernus qui fuit rex Anglorum,  « Gworthïern qui fut roi des Anglais » CKL p.45) dont on sait qu’ il était prince de Powys. Nous n’ avons aucun motif de douter que le Uitâlis en question était cornovien , car il est plus que probable qu’ il ait été précisément le second des Gwidol ci-dessus, c’ est à dire un petit-neveu par alliance de s.Gworthïern. Il  devait donc vivre à la fin du 5ème siècle.

 

En lisant le Livre des Lieux

En fait, si la tradition religieuse est d’ une discrétion remarquable sur la place de Gwidol en Bretagne,  il en reste néanmoins quelques traces significatives. Près de Kemperlé, se trouve la paroisse de Guidel  qui conserve intacte la forme bretonne du nom. A Kervignac on a un Trévidel (Trewidel). Ailleurs en pays bretonnant on trouve la forme ecclésiastique Saint Vital : ainsi étaient connues ses chapelles à Séné, à  Plouigneau,  à Plouvevezel et à Combrit. C’est aussi cette forme latinisante que l’ on trouve en 913 : Guernuital Monasterium, aujourd’ hui Gannedel, à 11km à l’ est de Redon, et le parti-pris des clercs de l’ abbaye y est évident. Cent ans plus tard, vers 1030, on trouve Guernuidel, forme bretonne intégrale.

 

C’est la forme latine Vital en évolution romane qui a donné le nom de St-Viau ; en composition avec Bod– « résidence » elle a donné Bobital, de *Bot-Wital. La forme bretonne a évolué différemment en gallo, suivant l’ époque du passage du celtique au roman. Les emprunts anciens ont donné Lanviel en Beignon (pour *Lanwidel), Viel en Vildé-Guingalan et Vieux-Viel (35) . Emprunté plus tardivement par le gallo, Bod- Gwidel a donné Bocquidet en Sérent  et Trewidel a donné Trudeau en Paimpont (gallo /trudè/ francisé en Trudeau).

 

Post mortem

Lorsque l’ âme du saint se fut jointe aux choeurs célestes (ch.4), son corps reposa  dans sa cellule de pierre (logella lapidea) sur le mont Scobrit (cf nota excursoria ci-dessous) et fut la raison d’ être d’un prieuré. Mais il advint que l’empereur Louis le Pieux, en 839 donna le prieuré Saint-Vital aux moines de Noirmoutier.  Ceux-ci transportèrent les reliques à St-Philbert de Grandlieu, puis  les emportèrent à Tournus, dans leur fuite en Bourgogne en 875. Dès lors la gestion de ce capital hagiologique fut prise en charge par les moines bourguignons (cependant on signale des reliques de s.Viau à Pluvigner).  En Bretagne une part de l’ héritage revint à Redon, comme on le constate pour Gannédel, mais le culte de Gwidel  est manifestement résiduaire et repose sur des réminiscences lettrées, d’ où l’ usage du nom latin là où le saint ne fut pas simplement oublié.

 

Affinités

L’ occurrence du nom de Gwidel à la limite de Kemperlé, ville de s. Gworthïern, tout comme la chapelle St-Vital de Combrit à 12km de Treffiagat, Trev-Rïagad, alors que Rïagad est le petit-fils de Gworthïern,  n’ a pas l’ apparence d’ un hasard,  mais bien d’ un signe de parenté, et il en va de même de Trewidel en Kervignac, paroisse qui, dit le Cartulaire (p.46), fut offerte à Gworthïern par Gweroc.

Le Viel de Vieux-Viel (*Hen-Widel) et celui de Vildé-Guingalan représentent bien,  linguistiquement, une évolution du breton Gwidel, mais l’ identification avec le personnage de saint Viau n’ est pas démontrée. Cependant la rareté du nom en Bretagne la  rend probable.

 

Culte

Le trépas du saint, selon la Vita, fut un 22 octobre, mais le Missel de Barbechat le date du 16 octobre. Au propre du diocèse de Nantes, saint Viau est commémoré le 23 octobre, mais le propre de Vannes (malgré les reliques de Pluvigner) et celui de Quimper (malgré les chapelles) l’ ignorent. On voit comment « l’exode des corps saints » du 9ème siècle causa une rupture supplémentaire dans les cultes traditionnels des Bretons.

Nota  excursoria

Des bretonnants bien intentionnés ont interprété Skobrit par le breton skaw brizh « sureau tacheté ». C’ est un mauvais jeu de mot. Dans ce nom -rit vient évidemment du celtique ritus « gué ». Skob-, par contre, est le nom latin scôpae « genets ». Aujourd’hui on a encore La Genêtaie  à 1km à l’ouest (en St-Père). Le nom breton est donc Skubred.

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À propos du rédacteur Alan Joseph Raude

Linguiste, historien et hagiographe, il a notamment publié des ouvrages sur l'origine géographique des Bretons armoricains et sur l'histoire linguistique de la Bretagne.

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