Saints bretons à découvrir

JOB AN IRIEN, la langue bretonne et la foi.

Amzer-lenn / Temps de lecture : 7 min

br82_2084087_1_px_470_.jpgLe Père Job an Irien a fêté samedi ses 70 ans et ses 50 ans de sacerdoce, à Treflevenez, entouré de ses amis et de nombreux bretonnants. Mais tout le monde ne connait pas le fondateur du centre spirituel Minihi Levenez, ses recherches et ses publications. Pour ce prêtre du diocèse de Quimper et Léon, la culture bretonne doit servir de tremplin pour faire découvrir la foi chrétienne aux habitants de la Bretagne.

Si sa vocation est plus ancienne, notons qu’en 1954 il participe à un événement du Bleun Brug (« Fleur de bruyère »), fête organisée par ce mouvement culturel et religieux fondé par l’abbé Yann-Vari Perrot cinquante ans auparavant (cf nos articles précédents). Ce rendez-vous est décisif, dit-il à Christophe Pluchon dans un entretien : « Nous avions mis sur pied une petite chorale, se rappelle Job An Irien. Ce concours m’a appris à mieux connaître les chants en breton. Je pense aussi que le Bleun Brug a amené en moi la capacité d’écrire ». Quelques mois plus tard a lieu l’entrée au séminaire de Quimper. Là encore, Job An Irien s’étonne du peu de place fait à la langue et à la culture bretonne.

Ordonné en 1962, il exerce comme prêtre à Pont-Croix, devenant aussi animateur de loisirs, tel un Jean Bosco bretonnant. Job An Irien fait participer les enfants et les adolescents aux concours scolaires du Bleun Brug et y fait la connaissance de Michel Scouarnec avec qui il écrit des chansons. « Par le biais extra-scolaire, les enfants apprenaient le breton car la place de la langue à l’école était nulle ». Nommé aumônier de lycée à l’Harteloire à Brest,  il essaie d’imprégner les jeunes de ses valeurs concernant l’histoire, la langue, la musique et la littérature bretonne. Job An Irien est aussi l’un des initiateurs des « Cahiers du Bleun Brug » en 1978. Dès le départ, il a en charge la littérature bretonne, présentée en breton et en français. « Quelquefois je n’avais pas de texte, alors je prenais ma plume. J’ai ensuite adapté certains écrits sous forme de chansons » se souvient-il.

L’aventure pourrait s’achever là puisque la revue s’éteint en 1984. Cependant, des jeunes ayant souhaité lors d’une récollection à Landevennec, avoir un lieu de ressourcement bretonnant, l’idée plait à Mgr Barbu et Mgr Gourvès (à l’époque vicaire général), qui créent avec Job an Irien le Minihi Levenez, lieu de transmission de la foi et du breton, soeur et frère, fréquenté par de nombreux enfants, adolescents et parents d’élèves, notamment de Diwan (dont il est l’aumônier). Depuis, une revue a été créée, des publications paraissent régulièrement, tant au niveau du chant pour banaliser leur usage dans les paroisses, le missel en breton  (Leor Overenn), le nouveau testament en breton, etc… Vous pouvez même retrouver la BD Loupio e brezhoneg ! Le centre Minihi Levenez devient aussi bibliothèque riche en ouvrage sur la langue, la foi, l’histoire… de Bretagne.  Il est aussi à l’origine des ensembles vocaux Allah’s Kanañ et Hekleo qui, si ce ne sont pas des formations clairement « estampillées catholiques », participent cependant au témoignage chrétien par le breton, tout comme le travail effectué avec René Abjean et l’Ensemble choral du Bout du Monde.

L’Institut culturel de Bretagne ne s’était pas trompé en lui décernant donc en 2007 le Collier de l’Ordre de l’Hermine, récompensant son travail d’une vie pour Dieu et la Bretagne.

Alors qu’il y a un peu plus de 50 ans, on chantait encore en breton dans les églises, on enseignait le catéchisme en breton, et tout comme on élevait les enfants dans la foi, on permettait à la langue de vivre, certains ont mal appliqué le concile en considérant que tout devait être en français désormais, reléguant le breton aux antiquités du passé. Le breton avait disparu des écoles… il disparut aussi des églises. Job an Irien a nagé à contre-courant, comme l’ont fait l’abbé Marcel Blanchard à Quistinic et quelques autres prêtres, en considérant que le breton devait et doit être ce tremplin pour évangéliser. Aujourd’hui, il est heureux de voir que des jeunes prêtres et diacres prennent le même chemin, et que des jeunes bretonnants participent à cette œuvre. Malheureusement, ils ne sont pas légions.

Lors de cette journée événement pour son jubilé sacerdotal, le Père Job an irien a animé avec Yves de Boisanger, devant une bonne centaine de personnes, une conférence sur le thème : « Y aura-t-il des bretonnants chrétiens demain ? »

Si le constat est bien évidemment que le breton est devenu une langue étrangère en Bretagne qui n’a que trop peu la place qui devrait lui revenir, qu’il y a de moins en moins de chrétiens, de bretonnants et donc de chrétiens bretonnants, Job précise que l’action envers les jeunes chrétiens est essentielle, et que « prier en breton, lorsque c’est la langue du coeur, apporte une sincérité et une authenticité ».  Pour ma part, je suis persuadé qu’il peut y avoir encore des chrétiens bretonnants demain, que ce soient des chrétiens qui deviendront bretonnants ou encore des bretonnants qui deviendront chrétiens. Cela grâce à des gens comme Job, mais à la condition que, au-delà de vouloir maintenir une tradition, chaque breton, chaque chrétien se rende compte de la portée missionnaire de l’annonce de l »Evangile via la culture et la langue bretonne et use de ce « média du coeur » comme instrument de dynamique pastorale enracinée dans la Pentecôte. Mais aussi à la condition que les bretonnants non chrétiens prennent conscience, au-delà d’un jacobinisme étranger à l’esprit breton, de l’importance des racines chrétiennes en Bretagne et de l’héritage de nos pères.

Trop souvent étouffé ou ignoré, il y a un constat à faire : il y a des gens ouverts chez les non-bretonnants comme chez les bretonnants. De la même manière, il y a des gens fermés des deux côtés, prônant le tout-breton ou le tout-français coûte que coûte, prisonniers d’un militantisme idéologique prenant la langue (le breton comme le français) comme étendard revendicatif. Ceux qui veulent le tout en breton tout de suite font que ceux qui pourraient être attirés se sentent rejetés, ceux qui rejettent le breton et le considèrent comme vestige du passé font que se sentent rejetés ceux qui pourraient être un vivier pastoral au niveau paroissial et au niveau des pardons moribonds, etc.

Cela ne peut porter de fruits et empêche d’avancer. Le travail de Job an Irien a permis de concilier ce qui paraissait parfois inconciliable à l’issu d’un concile mal compris.

Il conviendrait donc que chacun, même en ayant des visions différentes et venant d’horizons divers, puisse travailler certes dans les paroisses, centres d’irradiation missionnaire et de témoignage de l’expérience chrétienne, mais aussi travailler en commun au niveau interdiocésain afin de proposer une action totalement efficace, ancrée dans le Christ et au-delà des clivages, en balayant largement à travers la Bretagne (et au niveau de la diaspora), jusque dans les séminaires où l’inculturation devrait être plus qu’évoquée, pour avoir des pasteurs et des laïcs engagés comprenant l’intérêt du mariage « langue et foi » dans l’évangélisation d’aujourd’hui. Et cela peut déjà commencer par redonner dans chaque paroisse une place au breton à la messe dominicale. Des ensembles vocaux existent, les outils existent, que ce soit auprès de Minihi Levenez pour le diocèse de Quimper, du service pour la pastorale du breton du diocèse de St Brieuc, auprès de Santez Anna Gwened, des Gedourion et de la pastorale du breton du diocèse de Vannes, auprès d’Emglev an Tiegezhioù, ou encore sur votre blog préféré AR GEDOUR et les nouveaux services qui vous seront proposés.  Ces outils sont là, et sont listés sur ce blog au fil du temps, avec les liens directs… alors à chacun de nous de jouer pour devenir missionnaire dans notre paroisse !

Nous vous invitons, pour poursuivre ce sujet, à visionner le replay de l’émission diffusée vendredi dernier sur Brezhoweb, sous le titre « Ar Feiz hag ar yezh, breur ha c’hoar e Breizh bepred ? » . Ce replay sera normalement disponible sur le site à partir de demain (lien vers le replay : Bec’h de’i ! 12 – Ar yezh hag ar feiz, breur ha c’hoar e Breizh bepred ?).Photo : Le Télégramme ; Source  : Christophe Pluchon

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD".

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