Suis-je né trop tôt ou trop tard ? J’ai connu l’avant de l’Église dans la Bretagne de mon enfance avec le petit cours de morale qui ouvrait chaque journée de classe à l’école primaire. Le Frère enseignant, à la soutane tourbillonnante, inscrivait préalablement sur le tableau, sous la mention pérenne DIEU SEUL, une maxime, différente chaque jour : « Tu ne mentiras pas », « Tu ne tricheras pas », « Tu respecteras tes parents »… Les âmes se forgeaient ainsi. On ne badinait pas avec les règles. Ni avec la règle en plomb qui s’abattait parfois sur les doigts de l’élève indocile ou sur laquelle il devait s’agenouiller, une heure durant, en cas de bavardage intempestif. Ces procédés pédagogiques, alors plébiscités par les parents, vaudraient tribunal correctionnel de nos jours. Mais, chose incroyable pour les modernes censeurs, je n’en ai conservé nul traumatisme. Toujours à l’école primaire, invitation nous était faite à rejoindre « Les Croisés », un mouvement bien pacifique aux allures de patronage. Une large Croix rouge épinglée sur le dos, je m’imaginais nouveau Pierre l’Ermite ou Godefroy de Bouillon conduisant une armée de preux chevaliers vers des terres insoupçonnées. Et régulièrement, des missionnaires à la barbe fluviale, de passage en métropole, déployaient sur l’estrade des rouleaux de peau de serpents monstrueux vaincus sous les Tropiques, brandissaient des masques terrifiants, faisaient circuler dans les rangs des calebasses tatouées de figures énigmatiques… Et bien sûr, appelaient à rejoindre les bataillons des aventuriers de Dieu. Nos yeux s’ouvraient comme des atlas. Nous rêvions d’appareillages, nos cours de récréation se faisaient enclos minuscules. Il ne m’étonna donc pas d’apprendre plus tard combien, ma petite ville avait été prodigue en prêtres et religieux sans peur et sans reproche. « Ville sainte », disait-on alors.
L’adolescence fut contrariée par la tempête qui s’abattit sur l’Église. Les prêtres à la Bernanos qu’on saluait dans la rue en inclinant la tête se mirent à troquer leur froc pour un costume d’employé de banque. Pour être plus proche des fidèles, firent-ils mine d’argumenter, pendant que contre toute attente, ces derniers s’éloignaient sur la pointe des pieds. La suite, on la connaît : les églises se vidèrent, les vocations se tarirent, la société se déchristianisa…
Il est mille fois clair que la crise de l’Église ne se réduit pas à une affaire de soutane et de latin. Et qu’elle est plus ancienne. « L’institution est morte et l’Ancien Monde s’est écroulé avec elle », écrit déjà, en 1936, le curé d’Ambricourt dans le Journal d’un curé de campagne. Mais cette évocation nostalgique me conforte dans le sentiment que tout n’était pas si mal autrefois. Que les missions* dans l’Empire colonial réveillaient des âmes de héros généreux. Et qu’au moment de les peser avant de leur donner quitus pour la porte du ciel, saint Pierre et saint Michel avaient dû s’émerveiller de tant de Bien accompli par les chrétiens sous toutes les latitudes dans les écoles, les dispensaires, les léproseries, les bidonvilles…. Sur la balance, le mal que les nouveaux inquisiteurs prétendent leur reprocher aujourd’hui ne pèse guère plus qu’une plume.
Puisqu’il paraît qu’il faut rester fidèle à ses rêves d’enfant, alors je confesse que j’ai conservé cette âme de missionnaire. Voire de croisé. La France est pays de mission ! Cela tombe bien. Car j’entends se lever à nouveau le cri de ralliement qui mit en mouvement Bohémond d’Antioche, Foulques d’Anjou, Baudouin 1er et tant d’autres. Et les colonnes d’enfants-prophètes des villages du royaume, petits pèlerins aux bourdons de noisetier, qui voulurent se mettre en marche vers Jérusalem. Et qui eurent leur récompense car ce fut plutôt Jérusalem qui vint à eux. A leur suite, puissions-nous retrouver l’élan qui les anima au Moyen-Age ! « Deus vult ! »
Oui cela me rappelle avec un grand bonheur ma belle enfance ….
Bonjour,
La notice concernant Philippe ABJEAN pourrait être complétée par celle-ci :
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Un vrai Léonard – Études de philosophie, puis enseignement au Cameroun, enfin à N-D du Kreisker à St-Pol-de-Léon.
Une idée novatrice, la renaissance du Tro Breizh, par étapes en 1994. Il y ajoute même, en 2000, un Nantes-Vannes symbolique. Chaque année, près de 2 000 marcheurs reprennent un parcours mythique rendu moins ardu grâce à des ajouts logistiques, ou religieux telles les chapelles.
Voici cinq ans, c’est un projet fou sur le site de Carnoët, avec des statues-menhirs des Saints de Bretagne pesant 15 tonnes en granit – Déjà 50 ont été érigées et 80 000 personnes y ont convergé en 2013.
Pour redonner une vie spirituelle aux chapelles bretonnes, Philippe crée « Les ouvriers du bon dieu » et « les Compagnons de Bretagne » pour mobiliser hommes et financements.
Un autre projet pharaonique va démarrer en 2015 : Le « Grand village du monde » sur plusieurs dizaines d’hectares, avec des éléments emblématiques du patrimoine architectural et immatériel mondial.
Il a reçu le Collier de l’Hermine en 2014 à Nantes.
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Cette notice a été rédigée à occasion de la remise du Collier de l’Hermine, vous pouvez la trouver aussi en Breton sur :
http://www.skoluhelarvro.bzh/institut-culturel-de-bretagne/les-hermines/philippe-abjean/
A galon vat
Jean-Luc SIRARD
Secrétaire-Adjoint
SKOL UHEL AR VRO – Institut Culturel de Bretagne