Le Kenavo deoc’h, gwir Vretoned, un classique de la chanson bretonne

Amzer-lenn / Temps de lecture : 3 min

Suite à plusieurs demandes de lecteurs, voici une des plus chansons les plus belles et les plus émouvantes du répertoire breton, devenue un véritable classique : on peut la qualifier comme l’équivalent breton du « Chant des adieux », (ce n’est qu’un au revoir).

Rappelons qu’il ne s’agit pas d’un cantique, mais d’une chanson profane, elle ne saurait donc avoir de place dans la liturgie.

Elle apparaît pour la première fois dans « La Noce bretonne au pays de Vannes » (1924) en breton : « Un éredenn é Bro-Gwéned. »

le Kenavo d’oh conclut cette fresque chantée des étapes d’une noce vannetaise.

extrait du recueil : Kañnamb bugalé, 1949.

La musique est de l’abbé Jean-Pierre Le Dantec (1884-1955) qui fut directeur de la chorale de Saint-Jean-Brévelay, une des toutes premières chorales bretonnes qui se sont par la suite développées via le Bleun-Brug. La plupart des textes ont été écrits par l’abbé Jacques Le Maréchal (nom de plume, Blei Lann Vaos, le Loup de Lanvaux, (1877-1948).

Toutefois, les paroles de cette chanson ne sont pas de la plume de Bei Lann-Vaos, mais de celle de l’abbé Job Le Bayon (Job Er Gléan- Joseph l’épée, de son nom de plume, 1876-1935) grand dramaturge, artisan du renouveau du théâtre breton et créateur du théâtre breton de sainte Anne d’Auray.

Le Kenavo a connu un succès grandissant au cours des années :

– en 1949, il est intégré dans le recueil de chanson Kañnamb Bugalé, édité par le diocèse de Vannes pour les écoles chrétiennes des paroisses bretonnantes.

-En 1959, l’abbé Roger Abjean, (1925-2009) du diocèse de Quimper et Léon, fondateur de plusieurs chorales bretonnes en fait une adaptation/transcription en KLT  qui connaîtra un certain succès dans les chorales bretonnes hors du diocèse de Vannes. La mélodie, dans cette nouvelle version est quelque peu modifiée. Au passage, la version d’origine est celle écrite par l’abbé Le Bayon, cette version KLT n’est qu’une adaptation !

On retrouve aussi le Kenavo dans les éditions successives du livret kanomp uhel, édité par la Coop Breizh.

Dans les années 50-60, ce chant retrouve aussi dans le diocèse de Vannes une certaine popularité grâce à la chorale du petit séminaire de sainte Anne d’Auray dirigée par l’abbé Derrian puis par l’abbé Collet.

En 1973, il connaît un regain de popularité : il est enregistré sur les grandes orgues de la collégiale de Guérande par Louis Yhuel (organiste titulaire) et Jean-Claude Jégat, sonneur de bombarde.

Depuis quelques années, cette chanson, qui depuis presque un siècle rythme la clôture de nombreux évènements en tous genre chez les Bretons, est malheureusement délaissé et on ne l’entend plus guère.

Certains le trouvent peut-être un peu trop sentimental, trop chauvin et pompier, et trop pétri de christianisme : la mention de Dieu reste peut-être dans la gorge de ceux qui voudraient faire tabula rasa des racines chrétiennes de la Bretagne. De même, l’esprit du politiquement correct n’apprécie peut-être pas le « gwir Vretoned » (vrais Bretons) qui pourrait « exclure » ceux qui ne sont pas Bretons, qui sait ? Par exemple, dans le disque de chants vannetais enregistré en 2006 par Jean Le Meut, les paroles sont modifiées : « Gwir Vretoned » (vrais Bretons)  devient « Gwir amied » (Vrais amis ).

Est-ce le même complexe qui a changé « Bénis tes Bretons » en « Bénis tes enfants », dans la version française de « Intron Santez Anna » ?

En effet, devrions-nous avoir honte d’être Bretons afin de ne pas éventuellement froisser les non-bretons ? N’ayons plus peur de nous assumer comme Bretons et chantons le Kenavo deoc’h !

À propos du rédacteur Uisant ar Rouz

Très impliqué dans la culture bretonne et dans l'expression bretonne dans la liturgie, Uisant ar Rouz met à disposition d'Ar Gedour et du site Kan Iliz le résultat de ses recherches concernant les cantiques bretons, qu'ils soient anciens ou parfois des créations nouvelles toujours enracinées dans la Tradition. Il a récemment créé son entreprise Penn Kanour, proposant des interventions et animations en langue bretonne.

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2 Commentaires

  1. N.B : Dans l’enregistrement de Jean Le Meut et de ses fils, le Kenavo d’oh se trouve à partir de 5min. 39 sec.

  2. Louis Melennec
    il y a 1 seconde
    LA CONSPIRATION DITE DE PONTCALLEC (1717 – 1720).

    Les faits que nous relatons ici se déroulent dans le premier quart du 18ème siècle, 70 ans à peine avant la prétendue révolution des droits de l’homme, qui survient en 1789, laquelle verra à nouveau des persécutions, beaucoup plus graves encore, contre la Bretagne.

    La dernière tentative de soulèvement de la noblesse bretonne contre la France a eu lieu en 1718-1720. Elle porte le nom de « conspiration de Pontcallec ». Le précédent soulèvement, de caractère fiscal, en 1675, a été populaire. Celui-ci avorte, malheureusement, comme les deux précédents. Il constitue une révolte en réaction au régime de fer instauré par Louis XIV, après les massacres inhumains de 1675, et aux violations de toutes natures des droits et privilèges des Bretons par la France, surtout aux exactions fiscales du régime de Versailles. Considéré souvent comme une révolte fiscale, comme en 1675, il dépasse largement le problème fiscal, comme nous allons le voir.

    LES CAUSES DE LA REVOLTE BRETONNE – Le problème breton en 1715 : un pays ruiné par la France, pays occupant depuis 1532.

    Louis XIV, né en 1638, a régné de 1661 à 1715. Il a accru d’une manière importante la puissance de son pays, au prix d’une centralisation très poussée, d’une fiscalité écrasante, et de guerres de conquêtes ruineuses, du broiement des populations. En 1715, le trésor est vide. Un immense soulagement s’empare des populations sur lesquelles il a régné, comme lors de la mort de Louis XI, en 1483. Davantage en Bretagne qu’ailleurs.
    La France, à force de guerres, a dressé contre elle toute l’Europe. Les Bretons ont des raisons multiples d’être mécontents :

    – La Bretagne, pays souverain a été annexée par la France en 1532. Ce pays, considéré comme riche et prospère, jouissait de toutes les prérogatives souveraines, sous l’autorité pacifique et pondérée de ses ducs. Il y avait en Bretagne, très en avance sur la France au plan politique, un régime parlementaire représentatif. Les députés se réunissaient tous les deux ans, au sein de l’assemblée nationale – dénommée « Etats de Bretagne -, votaient les impôts, et étaient consultés sur tous les problèmes important de la nation. Après une guerre sanglante de quatre années et demies (1487 à 1491), puis une phase transitoire d’indépendance retrouvée, sous le règne de la duchesse Anne (1498 à 1514), elle a été soumise contre son gré à son puissant voisin, et annexée par un édit, en 1532. Quasiment privée de tous ses privilèges, et gouvernée depuis la cour des rois de France, par des fonctionnaires français, ou pire, par des Bretons soumis à l’occupant, elle est devenue sujette, après avoir été libre pendant des siècles.

    – La France a ruiné l’économie de la Bretagne. Le pays a continué à jouir d’une relative liberté dans la gestion de ses affaires de l’année de son annexion (1532) à l’arrivée de Louis XIV au pouvoir, à la mort du premier ministre Mazarin (1661). Au plan économique, cette période a été faste, car les Bretons ont pu gérer eux-mêmes leurs affaires, sans guère d’interventions de la France, en dehors des prélèvements fiscaux, qui sont restés modérés : ils ont démontré, au cours de l’histoire, qu’ils savent faire, et qu’ils sont bon gestionnaires. On désigne parfois cette période sous le nom d’ « âge d’or de la Bretagne ». (Alain Croix, Rennes, 1993). Louis XIV a mis fin à cette prospérité. Deux deux siècles après son annexion forcée en 1532, la Bretagne se trouve, lorsque Louis XIV meurt, en septembre 1715, dans dans une situation catastrophique. Dès son arrivée au pouvoir, le pays a été écrasé d’impôts, et exploité comme une ferme par Versailles. C’est lui qui a transformé le pays en une colonie.

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