Note d’Ar Gedour : Certains points abordés par l’auteur dans cet article, notamment sur le pélagianisme, ne sont pas partagés par toute l’équipe de rédaction. La question même du pélagianisme est plus complexe que ce que l’on en entend souvent, question où se mêlent théologie, pastorale… et politique. Il s’agit donc d’un point sur lequel nous reviendrons par la suite plus précisément. Cependant l’étude qui suit, proposée par Alan J. Raude, mérite d’être connue et creusée, d’autant que le culte de Saint Germain est très présent en Bretagne.
1. GERMAIN ET LOUP EN BRITANNIE
1.1. PROLEGOMENES
La Vita Germani de Constance de Lyon, au ch. 3, relate qu’ une délégation des Britanniens auprès d’évêques galliens vint annoncer que la « perversion pélagienne » avait gagné les habitants de l’ île et que la foi catholique y avait besoin de secours. Un synode réunit donc les évêques galliens et demanda à Germain l’Auxerrois et à Loup de Troyes d’ intervenir.
La Chronique de Prosper d’Aquitaine rapporte les faits quelque peu différemment: « Le pélagien Agricola, fils de l’évêque pélagien Severianus corrompit les églises de Britannie en y introduisant sa doctrine. Mais sur le conseil du diacre Palladius, le pape Célestin envoya Germain, évêque d’Auxerre, en son lieu et place… ». Prosper d’ Aquitaine, qui fut longtemps un augustinien rabique et tenant du parti pontificaliste (1), était sûrement bien informé.
La Chronique place ces faits en 429. Ce dût être tôt dans cette année, puisque Constantius place l’apothéose de l’expédition, la « bataille de l’ Alleluia », au lendemain de Pâques.
Il convient de rappeler le contexte historique :
– Dans l’ Empire d’ Occident la proscription du pélagianisme par rescrit impérial (Honorius en 418, Valentinien III en 425) a transformé un débat théologique en un moyen de pression politique au bénéfice du parti pontificaliste (qui entend remplacer le pouvoir impérial agonisant par celui de l’ évêque de Rome).
– En Gallie, Aétius vient, en 428, de rejeter les Bructères (Ripuaires) et les Chatti sur la rive droite du Rhin. Les Wisigoths sont cantonnés entre Bordeaux et Toulouse. La situation de l’Empire en Occident semble se stabiliser.
– En Britannie, nous savons par l’ historien Zozime (6, 5) que depuis Constantin III (+411), la grande île, comme l’ Armorique, s’administrait de façon autonome. Une invasion des « Barbares d’ Outre-Rhin » avait été repoussée ; Honorius (ibid. 6, 6) avait invité les cités de Britannie à se défendre elles-mêmes.
– Par l’ Historia Brittonum nous savons que la côte ouest de l’ île avait été purgée en 400 des établissements irlandais, par Cunedag et ses fils (HB, ch.62 et 14; OGBA 6.2-6.5).
– La même HB (ch.66) indique que Wortigern avait pris le pouvoir sous le consulat de Théodose et Valentinien, c’est à dire en 425, et que l’arrivée des « Saxons en Britannie eut lieu pendant la quatrième année de son règne, c.à d. en 428-429, et (ch.32) que c’est à la même époque que Germain l’Auxerrois vint prêcher en Britannie.
– La venue de Germain et celle des « Saxons » sont donc simultanées. Il est bien posé que Hengist fut reçu en Britannie à titre d’allié (foederatus), pour participer à la défense du pays contre les Pictes (« promiserunt expugnare inimicos eius fortite » « ils s’engagèrent à combattre ses ennemis avec vaillance », HB ch.36).
1.2. LA MISSION DE GERMAIN
Tous les historiens s’accordent à considérer que la mission de Germain était au moins aussi politique que religieuse. Il s’agissait pour lui, qui appartenait à la classe sénatoriale et au parti pontificaliste, d’ asseoir en Britannie le nouvel ordre ecclésial centralisé qui soumettait les évêques au pontife de Rome et remédiait ainsi à la dissolution administrative de l’ Empire.
Or en Britannie, à l’ouest tout au moins, l’ essor du monachisme, depuis saint Ninian, n’ avait pas laissé de place à l’épiscopat politique. Les moines ne pouvaient pas non plus accepter la prédestination augustinienne et la négation du libre-arbitre. Tel fut le cas, entre autres, sur le continent, de saint Jean Cassien, comme plus tard de Faust de Riez, et c’ est précisément en 427 que l’augustinien Prosper entama la controverse contre Jean Cassien, l’ accusant de pélagianisme. La doctrine d’Augustin, dit Prosper, est celle de Rome, « qui, devenue pour le monde la tête de la dignité pastorale, tient par la religion tout ce qu’ elle ne possède pas par les armes » (De ingratis, vers 39-41). Le programme de la mission de Germain est ainsi parfaitement défini.
Ce contexte politique explique en même temps le choix de Loup, évêque de Troyes, pour accompagner l’ Auxerrois. Moine jusqu’ en 426 à Lérins, en compagnie de Faust, fils du roi Wortigern, il était la caution monastique qui devait lever les réticences du clergé monachiste de l’ île.
Le long récit de Constantius, orné de miracles autant que de rhétorique, ne permet pas de dire quel fut le succès tangible de la mission. L’ hérésie pélagienne était alors imaginaire -rappelons qu’il s’agissait initialement d’un débat théologique- et l’ on a peine à croire que Germain, et moins encore Loup, se soit risqués à prêcher la doctrine d’ Augustin, de Calvin et de Jansen (« Nous savons que la grâce n’ est pas donnée à tous les hommes…Nous savons que c’est par un juste jugement de Dieu qu’elle n’est pas donnée à ceux à qui Dieu la refuse… Les enfants qui n’ont pas reçu le baptême subiront les effets de la sentence prononcée contre ceux qui n’ auront pas cru et qui seront condamnés . » (Augustin, Lettre 217, 5).
En tout état de cause, l’ expédition ne devait pas laisser de souvenir durable dans l’ île puisque le De Excidio et Conquestu Britanniae de Gildas, 130 ans plus tard, n’ en fait pas mention, alors que son objet relève exactement de son sujet et qu’ il eut été tout à fait dans la veine de l’auteur, citoyen romain acharné, d’ en tirer un beau développement.
1.3. GERMAIN PREDICATEUR ET CHEF DE GUERRE
L’ arrivée de Germain en Britannie est entourée de miracles. Une terrible tempête diabolique est apaisée par la prière dirigée par l’ Auxerrois et c’ est une mer favorable bien qu’ immense qui amène les évêques au rivage prévu. « Là une foule venue de toutes parts accueille les prêtres dont l’ arrivée avait été annoncée par les esprits malins auteurs de la tempête et qui passent aux aveux alors que les évêques exorcisent les possédés qu’ ils rencontrent » (V.G. ch.13). Les évêques, donc, font courir les foules en tous lieux, répandent leur parole divine et mènent tous les fidèles « sur la voie droite ».
De leur côté les instigateurs de la « doctrine perverse » (c’ est à dire le clergé britannien), après moult hésitations, se risquent à une disputation publique et à opposer des discours vides de sens aux torrents d’ éloquence des évêques galliens. Ainsi est confondue la perfidie du clergé britannien et peu s’en faut qu’ il ne fût lynché. Suit la guérison d’ un fillette aveugle qui complète l’ exaltation de la foule.
Après quoi les évêques galliens se rendent en pèlerins sur la tombe du martyr Saint Alban (à Verulamium) mais une embûche diabolique vient briser un pied de Germain qui, immobilisé, a l’ occasion d’ éteindre un grave incendie. Sur quoi apparaît un personnage resplendissant dans de blancs vêtements, qui guérit l’ Auxerrois.
Après ce nouveau miracle le récit de Constantius se poursuit, par un fait de guerre. Les Saxons se seraient joint aux Pictes pour attaquer les Britanniens. Une telle alliance étonne, à moins d’ admettre que ces « Saxons » étaient des colons germaniques des anciennes garnisons du Vallum, qui se seraient associés à ceux qu’ ils devaient contenir en Calédonie.
Un autre sujet d’ étonnement est l’armée des Britanniens. Alors que l’on a vu, suivant Constantius, les évêques galliens rencontrer un peuple chrétien, sans aucune mention de païens, on se trouve devant une multitude dont la plus grande partie (maxima exercitus multitudo) réclame le baptême. S’ il faut accorder foi à l’auteur, et en faisant la part de l’ exagération hagiographique, on pourra admettre que, de la troupe de Hengist qui, en bonne logique, devait combattre avec les Britanniens, quelques hommes demandèrent le baptême pour être mieux admis dans la société britannique.
Toujours est-il que, dès la fin des cérémonies pascales eut lieu la bataille. En organisant une embuscade dans un défilé, Germain fait surprendre l’ennemi qui, pris de panique, voit une partie de ses guerriers noyés dans la rivière qu’ ils venaient de traverser. Constantius ne dit pas que Germain donna l’ absolution aux mourants : il est vrai qu’ elle n’ aurait pas eu de sens dans la doctrine augustinienne.
Cette participation de Germain à une bataille est-elle un fait historique ?
Il faut considérer que les Pictes attaquaient la province de Valentia, c’est à dire le sud de l’ Ecosse actuelle, à 500km de Londres, et le récit du combat, en pays montagneux, pourrait confirmer cette localisation. Mais l’ écho d’ une telle attaque devait être assez assourdi à son arrivée au sud de l’ île. Il parait bien peu vraisemblable que l’ Auxerrois ait jugé utile de faire un tel voyage.
Peut-être, cependant, les soi-disants « Pictes » étaient-ils en réalité des montagnards du Nord-Galles qui profitaient des troubles pour rançonner et piller les « Logriens » romanisés. Cela n’est pas invraisemblable, la permanence de l’ irrédentisme des Ordoviciens (rappelée par IA.Richmond comme par M. Dillon et N.Chadwick) était contenue par les Cornoviens. Le départ de la Légion XX de Deva vers le Nord avait découvert le pays et en 428 le problème des Ordiviciens n’ était pas résolu. 330 ans plus tard, le roi de la Mercia, qui avait pris la place de la Cornovia, Offa (757-796) fut contraint de construire son Dyketout autour de la Cambrie, pour protéger sa « marche » des attaques des clans de Galles. Que ceux-ci aient, au 5ème siècle, été en l’occurence appelés « Pictes » ne pouvait avoir rien d’ étonnnant : les noms des ennemis sont toujours stéréotypés, et un citoyen de langue latine était bien certainement incapable de distinguer si un ennemi parlant celtique était né au nord ou au sud du Mur d’ Hadrien.
1.4. UNE TRADITION BRETONNE SUR GERMAIN ?
Constantius avait décrit le triomphe doctrinal des prélats galliens sous la forme d’une mission prédicante conclue par un mass-meeting charismatique où un miracle opportun emporte la décision. On n’y voit pas intervenir expressément une hiérarchie ecclésiastique britannique; on ne peut la reconnaître que dans les personnages désignés comme « les fauteurs de la déviation » (sinistrae persuasionis auctores 3.14) reconnaissables à leur richesse ostentatoire et à leurs vêtements resplendissants (conspicui diuitiis, ueste fulgentes, ibid.) entourés de nombreux sectateurs, dans le dernier meeting. Ce qu’il advint d’ eux après que la foule les eut désavoués, Constantius ne le dit pas.
L’ Historia Brittonum fournit sur ces événements quelques détails provenant d’une autre source. Rappelons d’abord que l’auteur de cette compilation hétéroclite, Nennius, était un clerc de l’ église de Bangor dont l’ évêque Elvoðw, en 768, se soumit à Canterbury. L’ HB est un recueil qui a pour but de justifier la soumission à l’église romaine. En même temps il représente les prétentions dynastiques de la lignée princière de Gwyneð contre celle des princes du Powys voisin, qui descendaient de Wortigern. L’ HB est donc un ouvrage polémique hostile à Wortigern et aux tenants d’une chrétienté celtique indépendante de Rome, et, de ce fait, favorable rétrospectivement à Germain l’Auxerrois.
HB, ch.32 : « En ce temps là saint Germain vint en Britannie pour prêcher. Il s’y distingua par de nombreux miracles et par lui beaucoup (multi) furent sauvés et un très grand nombre (plurimi) périrent ». Nous sommes loin d’ une mission pacifique.
La suite de ce texte est confuse (ch.32-47). Elle mélange des événements pouvant se rapporter à la mission de 429 à d’autres imputables à celle de 446, et des péripéties devant se situer dans la période 429-446. On en trouvera le commentaire dans notre étude sur Wortigern. Voici ce qui semble concerner 429 :
HB, ch.39 « En effet, ajoutant à tous ses méfaits, Wortigern prit pour femme sa propre fille et lui engendra un fils. Et comme ceci était venu à la connaissance de saint Germain, il vint avec tous les clercs des Bretons pour l’admonester. Et tandis qu’un grand synode des clercs et des laïcs était réuni en un seul concile, ce roi ordonna à sa fille de se rendre à cette assemblée et de mettre son fils sur les genoux de Germain en disant que celui-ci était le père de son fils. La femme fit ce qui lui était commandé. Mais Germain reçut l’ enfant avec bonté et dit : « Je serai ton père et je ne te rejetterai pas, mais qu’on me donne un rasoir, des ciseaux et un peigne pour que tu les donnes à ton père charnel. Et l’enfant obéit et rejoignit son grand-père, son père charnel, Wortigern, et lui dit : Tu es mon père, tonds-moi la tête et la chevelure de ma tête. » Et celui-ci, interloqué, resta sans parole et ne sut que lui répondre, mais il se leva courroucé pour s’enfuir devant saint Germain. Et il fut maudit et condamné par saint Germain et tout le concile des Bretons. »
Il faut se reporter au ch.48 pour compléter ce récit. Après avoir énuméré trois fils de Wortigern, il y est dit : « Le quatrième fut Faust, qui lui fut donné par sa propre fille , et saint Germain le baptisa, l’éleva et l’ instruisit. »
Il n’y a bien sûr aucune raison de croire à la fable diffamatoire de l’ inceste, qui est un démarquage du crime imputé par Gildas à Wortipor, au siècle suivant (De Excidio, ch.31), démarquage inspiré évidemment par la similitude des deux noms, Wortigernet Wortipor. C’est le point d’orgue dans le concert de calomnies intéressées orchestrées (« super omnia mala ») contre Wortigern. Faust, par contre, est un personnage historique éminent, évêque, de 460 à 490 à Riez, où sa mère l’avait rejoint (Sidoine, Carmen XVI, vers 78-90). Né vers 405, moine à Lérins dès 428, abbé du monastère en 435, ce n’ est pas à l’ Auxerrois qu’ il eut affaire.
L’ HB ne donne donc pas de raison valable de penser que l’ Auxerrois ait eu aucune relation directe avec Wortigern. Ce dernier était un souverain de l’ouest qui pouvait résider sur la Severn, à quelques 375km de Douvres. La seule précision topographique que donne Constantius est que Germain et Loup visitèrent le tombeau de saint Alban, à 30km au nord de Londres. Leur mission a donc pu avoir Londres pour théâtre. Peut-être Loup, ancien moine de Lérins, se rendit-il auprès du chef breton pendant que Germain était invalide et isolé au retour de St-Albans – VG ch.16) ?
1.5. CONCLUSION SUR LA PREMIERE MISSION
Un examen attentif du récit de la première mission de Germain l’Auxerrois en Britannie et des textes bretons s’y rapportant amène donc à nuancer considérablement l’interprétation. Il n’est pas douteux que son but était plus politique que religieux. Il s’agissait de soutenir la cause de citoyens romains tels que le sera un siècle plus tard l’auteur du De Excidio, fort différents des belliqueux Brittons de l’ ouest, et qui n’avaient nul désir de tomber sous la coupe de ces derniers. Une tension entre monachistes et épiscopalistes donnait un aspect religieux à ce conflit, les premiers, ayant partie gagnée chez les Brittons et des partisans chez les « Logriens », se virent qualifiés de « pélagiens ».
Quel qu’ait été le succès réel de la mission de Germain, elle ne devait pas avoir d’effet durable, sinon, sans doute, d’ institutionnaliser l’ inimitié entre « Logriens » et Brittons, et de paver la route à la mainmise anglaise sur la Logria.
2. DEUXIEME MISSION
2.1. CONTEXTE HISTORIQUE
Entre première et la seconde mission de l’ Auxerrois en Britannie, en 446, 17 ans se sont écoulés. Nous savons fort peu de choses sur les événements survenus dans cette période, pourtant cruciale dans l’ histoire britannique.
2.1.1. Cat Wolof
Les Annales Cambriaedatent de 437 (douzième année du règne de Wortigern) une « bataille de Wolopp », causée par un conflit entre Ambrosius et Wotolin..
On connait bien le nom d’ Ambrosius Aurelianus et ses légendes, moins bien son histoire. Comme il est absent des généalogies brittoniques anciennes, on a lieu de penser que sa carrière se joue dans le sud-est britannique, en Logria, qu’ il était un Britannus et non pas un Britto.
Quant à Wotolin, nous sommes encore moins renseignés . Son nom est bien breton. Le grand-père de Wortigern, suivant la généalogie de l’ HB, portait le nom de Gwitolin, qui est certainement le même (c’est aussi celui de la paroisse de Goudelin (22) en Armorique). Il est donc possible que le Wotolin de 437 ait été apparenté à Wortigern. Par ailleurs l’ Historia Regum Britanniae de Gaufrei, aux chapitres 90 et 92, fait de Guetelinusun archevêque métropolitain de Londres. Contrairement à ce que soutient Faral (LA II, 209), Londres était bien siège épiscopal à l’époque romaine, puisque l’évêque de Londres Restitutus assistait au concile d’ Arles en 314.
Quoi qu’il en soit, il est vraisemblable que le conflit en question se situe en Logria, ce qui expliquerait que les textes gallois n’en aient conservé qu’un si mince souvenir.
2.1.2. In dicionem Saxonum
La Chronique de Prosper enregistre, pour 442-443 : Britanniae, usque ad hoctempus uariis cladibus la{cera}tae, in dicionem Saxonum rediguntur, « Les Britannies, jusqu’ alors frappées par diverses calamités, tombent au pouvoir des Anglais ». Par le pluriel Britannies ne peuvent être désignées que les provinces Britannia Secunda, Britannia Flavia et Britannia Maxima. (Il serait donc plus exact de traduire « des Britannies », i.e. une partie des provinces britanniques.)
Une question se pose ici : l’ instauration de ce pouvoir anglais est-elle simplement l’ effet d’ une conquête violente, ou bien prend-elle une valeur en quelque sorte institutionnelle, avec l’accord des autorités romaines, comme l’ intégration des divers barbares sur le continent ? On verra plus loin que c’est la deuxième possibilité qui parait devoir être retenue.
2.1.3. Gemitus Britannorum
En 446, Aétius portait pour la troisième fois le titre de consul. C’est en cette année que, suivant le De Excidio (ch.20 -un des rares renseignements précis que donne ce texte), les Britanniens adressèrent à ce consul une supplique : Agitio ter consuli gemitus Britannorum « A Agitius, trois fois consul, la lamentation des Britanniens », puis : repellunt barbari ad mare, repellit mare ad barbaros; inter haec duo genera funerum, aut iugulamur aut mergimur »les barbares nous poussent à la mer, la mer nous repousse vers les barbares; au choix : ou bien nous serons égorgés, ou bien nous serons noyés ».
Qui étaient les « barbares » en question ? Il suffit de considérer une carte de la Grande-Bretagne pour se convaincre que ce ne pouvaient être les Anglais, car ceux-ci venaient de la mer et ne pouvaient donc pousser les Britanniens vers l’ Est et le Sud-Est. S’ ils les avaient poussés vers l’Ouest ce n’est pas la mer mais les montagnes cambriennes qu’ils eussent rencontrées. Les Scots sont aussi hors de cause, car d’une part eux aussi venaient de la mer, et d’ autre part leur invasion avait été brisée en 401 par Cunedag.
Restent les Pictes. Mais comme nous l’ avons vu plus haut (1.3.) les Pictes auraient dû franchir quelques 600 km pour se trouver en position de pousser les Britanniens vers la Manche. Et en ce cas n’auraient-ils pas trouvé sur leur route des Anglais, recrutés spécialement pour leur résister et les expulser ?
On en revient donc à la situation déjà soupçonnée en 429 : les « Barbares » ne peuvent être que les irrédentistes de Cambrie, et les « Britanniens » malmenés, dans ce cas, n’étaient pas seulement les citoyens de souche, mais aussi les Anglais intégrés dans le pays (comme l’ admettait déjà Wade-Evans, Archaelogia Cambrensis, 1944, p.119-120).
De fait, l’ HB, aux ch. 43 et 44, narre des événements qui concordent avec ce schéma:
Ch.43 « Entretemps Wortemir, fils de Wortigern, combattait vaillamment contre Hengist et Hors et leur peuple, et il les refoula jusque dans l’ île appelée Tanet; par trois fois il les y enferma et les assiégea, les écrasa… »
Le ch.44 témoigne d’une autre rédaction et expose comment Wortemir battit « quatre fois » les Anglais, à savoir sur la rivière Derwentid(la Derwent, à l’est du Kent), à Episford (alias Rit-er-Gabail, le « gué aux chevaux » ?), près de Lapis Tituli (Stonar près de Sandwich) sur la côte est du Kent, où les Anglais, tentant de gagner leurs navires, furent noyés en grand nombre.
Comme le dit l’ appel à Aétius, ils avaient ce jour-là le choix entre être égorgés ou noyés.
(La quatrième victoire de Wortemir n’ est pas nommée au ch.44; on en revient ainsi au compte de trois indiqué par le ch.43.)
2.2. ELAFUS
Au ch.5 de la Vita Germani, Constantius nous apprend que, lorsque Germain se rendit pour la seconde fois en Britannie, il fut accueilli par un certain Elafus regionisillius primus, i.e. le principal personnage du pays. Il ne nous dit pas de quel secteur de l’ île britannique il s’ agit.
Les commentateurs et historiens considèrent généralement que Elafest ni plus ni moins un « Breton »(on aurait dû dire « un Britannien). Pourtant un linguiste devrait voir au premier coup d’ oeil que le nom d’ Elaf n’est pas breton, mais bien germanique.
Non breton : Aucun nom de ce genre n’est connu en brittonique. En vieux-celtique le Fn’ existait pas. En brittonique , où il provient d’ un ancien PP (ou d’ un Flatin), il est relativement rare et il n’ apparait d’ ailleurs qu’ au 6ème siècle.
Germanique : Les noms terminés en -lafsont tout à fait caractéristiques de l’anglo-frison. On n’en trouve pas moins de 7 dans l’épopée de Beowulf : Ecglaf, Gudlaf, Headlaf, Ordlaf, Oslaf, Wiglaf, Yrmenlaf. Dans les généalogies anglaises de l’ HB, on trouve Frealaf(ch.31), Oslaf(ch.57). Etc. (voir Searle, 1897).
Le nom d’ Elaf apparait en v.anglais , dans le Domesday Book, sous la forme Eilaf; en 960 on trouve le nom de lieu Eglafesford »Gué d’Eilaf » (Eglaf= [] , et il sert à transcrire en vieil-anglais le nom danois correspondant Eileifr. A l’ époque du vieux- danois on trouve la forme Elavus, la pierre runique de Roenninge porte le nom d’ Ailaif (Langebeck 1878, v.Index).
Elafest un composé de *ain, « unique » (Naumann, 4, p.79), et de *laiba, descendance, lignée (Naumann 100, Björkman, 32-34).
Le témoignage de Constantius est parfois, quant aux noms, sujet à caution. Ainsi, lorsqu’il donne aux Bagaudes soulevés en 447-448 un chef du nom de Tibatto, (ch.7, 40), il se trompe, car Tibatto était certainement mort en 437. Il est douteux que Goar, chef des Alains en 405-407, l’ ait encore été quarante ans plus tard (aussi certains remplacent-ils son nom par celui d’ Eocharic). Mais, s’ il extrapole, Constantius n’invente pas. Les noms des fonctionnaires romains cités aux ch. 7, 38, 39, Volusianus, Segisvultus, Acolus, sont attestés par ailleurs et vraisemblables. Dans le cas d’ Elafon n’a pas élevé de doute sur son authenticité, et le fait que Constantius ne lui donne aucun titre romain plaide pour sa sincérité. S’ il eut été romano-breton il aurait pu nous dire quelle était sa dignité, comte, duc, ou autre. Or on constate simplement qu’ il est le chef (primus) et qu’ il détient le pouvoir de fait dans toute une province.
Ceci est d’ailleurs en plein accord avec ce qu’ont constaté les archéologues: « it is important for an understanding of the latest phase of the romano-british activity on the East Coast that East Anglia and the East Riding adjacent to York are filled with late-Roman pottery in Saxon taste and now with some of the earliest Saxon cemeteries in Britain, comparable with those of the late fourth and early fifth century on the continent. » (I.A.Richmond, 64). C’ est donc à un anglais que Germain a affaire en 446. Il ne pouvait d’ ailleurs pas l’ ignorer, puisque son ami Prosper d’ Aquitaine avait noté dans ses Annales que le pays était passé sous la domination des Anglais..
On comprend alors comment il a pu être accueilli par Elaf à son débarquement (ch.5, 26): il a dû s’embarquer à Boulogne ou Calais, qui étaient à cette date occupés par des « Saxons », c.à d. des Anglo-Frisons, qui communiquaient par signaux avec leurs congénères d’outre-détroit.
Si le pays est bien « in dicione Saxonum » depuis 441 (cf.2.1.2.), le pouvoir du chef anglais ne parait en rien menacé, et il n’est donc pas concerné par la situation évoquée par le gemitus Britannorum et par le texte de l’ HB que nous en avons rapproché (2.1.3.). Mais ce dernier texte n’ indique clairement que le Kent, et nous venons de voir que l’archéologie a constaté les premières implantations anglaises en Est-Anglie, au nord de la Tamise. C’est donc là que Germain a dû débarquer. D’ailleurs, à cette date Wortemir devait déjà être mort : post modicum interuallum mortuus est (HB ch.44), peu de temps après sa victoire de Stonar.
2.3. LES EVENEMENTS
Constantius s’étend longuement sur le miracle de la guérison du fils d’ Elaf, qui explique manifestement, pour lui, le succès de l’entreprise de Germain : c’est une des constantes de la littérature hagiographique. Mis à part ce miracle, en voici le récit :
A. Avant le miracle
« Toute la province suit cet Elaf, les prêtres viennent, une multitude ignorante accourt; aussitôt la bénédiction et l’ enseignement de la parole divine sont prodigués. (Germain) constate que le peuple est conforté dans la foi qu’ il avait abandonnée; ils comprennent que la faute en est à un petit nombre; ils recherchent les responsables, les trouvent et les condamnent. »
B. Après le miracle
« Ensuite la prédication est adressée au peuple pour redresser la déviaton et, par la sentence de tous, les instigateurs de la corruption, proscrits de l’ île, sont livrés aux hommes d’église pour être déportés sur le continent, pour que le pays obtienne le pardon et eux-mêmes la pénitence. »
On voit que Constantius reprend deux fois le même récit. Ayant rédigé le passage A, il l’a trouvé trop sec ou peu convaincant, a ajouté le miracle et exposé à nouveau, en B, la condamnation et le châtiment des suspects.
De ce récit, nous pouvons retenir que le chef germain, qui était aussi païen que le franc Childéric, allié d’ Aétius, prêta la main à la procédure inquisitoriale de Germain pour arrêter et déporter les soi-disants hérétiques. L’alliance d’ un romain avec Elaf n’avait rien d’ anormal dans le contexte du 5ème siècle : des auxiliaires germains mobiles et convertibles passaient pour préférables à une dissidence institutionnalisée.
La déportation des clercs suspects, nous dit Constantius (ch.5,27), assura le plein succès de l’entreprise de l’Auxerrois :« …tout ayant été si bien assaini que jusqu’à maintenant la foi perdure sans tache en ces lieux, les béatissimes évêques rentrèrent chez eux sous d’ aussi bons augures que lors de leur venue. »
3. CONCLUSIONS ET DEDUCTIONS
3.1. OBJET DE LA MISSION DE 446
L’année 446 est celle de l’ appel angoissé des « Britanniens » à Aétius et celle de la seconde mission de Germain l’ Auxerrois en Britannie. On admettra difficilement qu’il n’ y ait aucun lien entre les deux événements, sachant surtout qu’ il est admis que Germain n’a pas cessé de jouer un rôle politique (OB 143).
Si le Wotolin opposé à Aurelius Ambrosius en 437 était archevêque de Londres (ci-dessus 2.1.1.) on pourrait penser que le conflit mentionné à l’occasion de la bataille de Wolof était une opposition entre monachistes et pontificalistes et que ces derniers avaient eu besoin de l’ intervention de Germain pour rétablir la situation à leur profit , avec l’ aide des foederati anglo-frisons.
3.2. CAMBRIA ET LOGRIA
A l’ouest, chez les Brittons (les Walensesde Cambrie et de Domnonée), le monachisme régnait sans conteste. C’est ainsi qu’ on verra Wortigern abandonner le pouvoir et se faire anachorète, d’abord en Galles, puis en Armorique (Raude, 1979, 21), tout comme son petit-fils Faust était abbé de Lérins et son autre petit-fils Riagat évêque-abbé, lui aussi en Armorique (OB, 140). Mais aussi on sait comment il fut calomnié, vilipendé, et précisément par un libelle intitulé Liber Sancti Germani.
Un contraste religieux (circonstanciel ou durable ?) entre la Combrogia et la Locria vient donc aggraver la divergence entre la Britannie orientale, romanisée, et les clans occidentaux, où la romanité ne dépassait guère l’ organisation militaire et n’ avait pas occulté la celticité. Ce conflit est bien connu et a été personnifié (peut-être a-posteriori) par l’ opposition entre Ambrosius Aurelianus, « le dernier des Romains », selon Gildas (qui ne l’était pas moins), et Wortigern (OB, 172). Mais en même temps on a attribué au parti breton une hostilité (« occasionnelle ») aux Romains et la responsabilité de l' »appel aux Saxons ». Tout ceci doit être soigneusement pesé.
D’ une part nous avons vu que, selon toute vraisemblance », c’est des montagnes de Galles que descendaient les pillards qui terrorisaient les « Britanniens », et cela est d’autant plus vraisemblable que la structure clanique de la société galloise ouvrait la voie aux initiatives aventurières, même en dehors de guerres apparemment caractérisées comme celle que conduisait Wortemir. Mais ce n’est évidemment pas d’ une hostilité ethnique envers les « Romains » qu’ il peut s’agir.
Quant à la question religieuse, par contre, ce ne sont pas les Bretons monachistes et conservateurs qui étaient agresseurs, mais bien le contraire.
3.3. L’APPEL AUX ANGLAIS
Le recours aux barbares anglais a été attribué à Wortigern sur la seule foi des extraits du Liber Sancti Germani contenus dans l’ Historia Brittonum.. Or ce Liber est un outil de désinformation qui ne prouve que l’ inimitié de ses auteurs. Nous voyons, au contraire, par un document indiscutable, la Vie de Germain l’ Auxerrois par Constantius, que les Anglais , en 446, sont dans le parti opposé, qu’ ils accueillent Germain et lui apportent leur concours pour déporter les clercs monachistes qualifiés de « pélagiens ». En tant que porte-parole du pouvoir romain, Germain reconnait donc les Anglais commme éléments constituants de la Britannie romaine, et l’on peut en déduire que la présence anglaise était bienvenue pour le parti pontificaliste (si réduit qu’ il eut été) de l’ île, et que celui-ci préférait Hengist à Wortemir. Il suffisait que Hengist, ou Elaf, suive le précepte que Rémi de Reims enseignait au jeune chef païen Clovis: « Vous devez traiter les évêques avec considération. Ayez toujours recours à leurs conseils; si vous êtes en bon accord avec eux, votre province s’en trouvera mieux. » (Griffe, GCER, 2, 1O7)
3.4. EFFETS DE LA MISSION
Quant au résultat de la seconde mission de Germain outre-Manche, il n’est que trop aisé de constater qu’il est très loin du satisfecit accordé par Constantius. Bien loin que la foi ait perduré en Britannie, après 446, les archéologues ont pu dater de très près de 450 la prise d’York par les Angles, la destruction des sanctuaires et le début de l’éclipse du christianisme dans les provinces anglaises.
C’est le prologue du drame qu’ évoque le De Excidiode Gildas aux chapitres 23 et 24, et dont sont victimes, non pas les Cambro-Brittons de l’ouest, mais bien les Britanniens de Logria. C’est là aussi que l’on voit les prémices de l’ animosité ethnique entre Anglais et Brittons, qui atteindra son paroxysme lorsque la Rome pontificale fondera l’archevêché de Canterbury et, à nouveau, utilisera les Anglais pour réduire à merci la chrétienté celtique.
Ici il convient de revenir sur un silence significatif : celui précisément de Gildas. Le De Excidione ne fait aucune mention de Germain l’ Auxerrois, ce qui est proprement stupéfiant, car Gildas, au 6ème siècle, représente un parti romain qui aurait pu se reconnaître dans l’ évêque gallien du 5ème siècle. Il était romain indéfectible, un Britannien qui n’a pas assez de louanges et d’ excuses pour les Romains, pas assez de mépris et d’ invectives contre les Bretons. F. Kerlouegan a démontré qu ‘il n’ y a pas, dans son texte, le moindre indice qu’ il ait connu la langue bretonne. Gildas représente un vestige du parti que Germain était venu soumettre à la Rome pontificale. Or lui, qui nous a transmis l’ appel à Aétius, ignore tout de l’ évêque d’ Auxerre, ou ne veut pas le citer. Pas plus, d’ailleurs, qu’ il ne mentionne le « pélagianisme », qui aurait pu lui fournir matière à de cinglantes vitupérations, s’ il avait existé.
L’ argument a-silentio doit être manié avec précaution. Exploité par des chercheurs hyper-critiques il a parfois mené à des conclusions paradoxales et déplorables (telles que celles, dans notre domaine, de E. Faral ou de R. Latouche). Mais ici il nous parait irréfutable, car les deux faces des missions de l’ Auxerrois en Britannie, l’aspect religieux et l’aspect politique, entrent dans le sujet du libelle de Gildas. S’ il ne mentionne pas la pseudo-hérésie pélagienne ni les missions de Germain, c est ou bien qu’ il les a ignorées, et donc qu’elles ont eu une importance négligeable, ou bien qu’ il préfère ne pas en parler, parce que ces événements ne lui fournissent pas d’ arguments valables dans le sens de ce qu’ il veut démontrer.
3.5. GERMAIN, PATRICK, ILTUD ET BRIEUC
Sur la foi de certains textes, on a fait de l’ Auxerrois le maître de plusieurs saints bretons (OB 142 etc.). Cela est fort aventuré.
Pour Patrick, on peut simplement observer que R.Hanson, récent éditeur des oeuvres du saint, est convaincu du contraire: « Tout prouve qu’il reçut sa formation ecclésiastique en Bretagne (=Britannie) et non en Gaule (= Gallie). S’il l’avait reçue en Gaule, il aurait parlé latin couramment; or le latin est toujours resté pour lui une langue étrangère. Et s’ il avait été envoyé par l’ Eglise de Gaule, il n’ affirmerait pas les liens qui l’ unissent à l’ Eglise de Bretagne. » (Hanson, 36-37)
Nous revenons ailleurs en détail sur la chronologie et le curriculum de s. Patrick.
Pour Iltud, on a brodé sur un passage de la Vie de s. Samson, au ch.7, où il est dit que les parents de Samson l’ amenèrent à l’école d’ Iltud : Qui et ipse Eltutus dediscipulis erat Sancti Germani; et ipse Germanus ordinauit eum in sua iuuentute presbyterum. -« Lequel Eltut était l’ un des disciples de s.Germain; et ce Germain lui-même l’ avait ordonné prêtre dans sa jeunesse. »
Cette phrase a l’ allure d’ une double glose interpolée dans un texte complet sans elle. La Vie de s.Iltud contredit ces affirmations et ne mentionne pas de Germain. La Vie de Samson, même interpolée, a bien sûr l’ autorité que donne l’ antiquité, mais l’Auxerrois n’ est pas le seul Germain, et il n’ y a aucune raison de penser qu’ Iltud ait été à Auxerre.
Pour Brieuc, sa Vita mentionne bien un Germain, mais le fait résider à Paris, et comme Brieuc est dit oncle de s. Tudwal et cousin du comte Riwal, il ne peut pas plus être contemporain de l’Auxerrois que de Germain de Paris (+576).
Si un Germanus a joué un rôle dans la chrétienté celtique ce n’ était pas l’Auxerrois. Parmi ceux qui ont porté ce nom on peut mentionner le compagnon de Saint Jean Cassien en Egypte, le Germain compagnon de Patrick en Irlande, le Germain apôtre de l’ Ile de Man, le Germain apôtre du Cotentin…
On peut donc conclure que Germain l’ Auxerrois n’ a aucune place dans l’ histoire des Bretons Armoricains.
(1) Le Pontifex Maximus était à Rome le chef des Flamines de Jupiter et le président du Collège des Pontifes (de Pontifex « faiseur de ponts ») qui veillait au respects des rites de la religion impériale. Le titre était réservé à l’ Empereur en personne. En 375 l’ empereur Gratien, pieux chrétien, renonça à ce titre païen. Damase, le mondain évêque de Rome, s’ en empara aussitôt, après avoir déclaré son évêché « Siège apostolique » et instauré le 29 juin, fête traditionelle de Romulus, fondateur de Rome, une célébration de Saint Pierre Apôtre. Il s’ assurait ainsi les revenus des riches domaines des Flamines.
Ceux des évêques occidentaux qui étaient issus de la classe sénatoriale, habitués à être détenteurs du pouvoir administratif, reportèrent leur allégeance de l’ Empereur au nouveau Pontifex Maximus . Ils s’efforcèrent d’éviter que ne soient élus des évêques issus des milieux monastiques, à l’ instar de saint Martin de Tours et Loup de Troyes. Même le pondéré Sidoine Apollinaire, évêque de Clermont d’ Auvergne, influença dans ce sens une élection au siège de Bourges. Il réussit à faire succéder au patricien Palladius un Simplicius, dont l’ épouse appartenait aussi à la Gens Palladia. Germain l’ Auxerrois était passé directement de l’ administration à l’ épiscopat et conserva constamment le contact avec la ville impériale.
BIBLIOGRAPHIE
H.Chadwick The Early Church, London 1967.
Constance de Lyon Vie de saint Germain d’ Auxerre, éd. R.Borius, Paris, 1965.
E.Faral La Légende Arthurienne – Documents, Paris, 1929.
L.Fleuriot Les Origines de la Bretagne, Paris, 1980.
Gildas The Ruin of Britain, éd.M.Winterbottom, London 1978
E.Griffe La Gaule Chrétienne à l’ époque romaine, Paris, 1964, 1965, 1966.
R.Henning Altnordische Namenstudien, Berlin 1912.
J.Langebeck Scriptores Danicarum medii aevi, Copenhague 1878.
S.Patrick Confession et Lettre à Coroticus, éd. R.P.C.Hanson, Paris 1978.
I.A.Richmond Roman Britain, Hardmondsworth, 1955.
* Ouvrages de l’auteur :
- L’origine géographique des Bretons armoricains. Série Etudes et recherches de Dalc’homp Soñj
- Ecrire le gallo : précis d’orthographe britto-romane
- Petite histoire linguistique de la Bretagne
- Introduction à la connaissance du gallo
- Liste des communes galaises du département des Côtes-d’Armor (avec la coll.de Jean-Luc Ramel)
- Liste des communes du département de l’Ille-et-Vilaine (avec la coll.de Jean-Luc Ramel)
- Liste des communes du département de Loire-de-Bretagne (avec la coll.de Jean-Luc Ramel)
- Liste des communes galaises du département du Morbihan (avec la coll.de Jean-Luc Ramel)
- La Naissance des nations brittoniques – de 367 à 410 -, Ploudalmézeau : Editions Label LN, 2009
Note : tous les articles de ce blog sont la propriété exclusive d’Ar Gedour et/ou de leurs auteurs, et ne peuvent être utilisés sans accord de l’auteur et de l’éditeur. En cas de citation, merci de préciser l’origine de ces articles.
Crédit carte « Culte de St Germain d’Auxerre en Bretagne » : Raphael Valery – CHB / KIB
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Interesante.
Je vous remercie; la explanation au sujet de la identité de les Pictes est magnifique.
Cependant Il reste le mystère de la aversión du ‘roman’ Gildas contre les Sassons, eux-mêmes combattants contre les non-romanisés Gallois; d’après ton texte, les Brito-romains devraient avoir été amies/concitoyens de ces envasseurs teuthoniques, vrai ?