Hildbert, dit Childebert, fils de Hlodweg, dit Clovis, roi de Neustrie de 511 à 558, était un tricheur. Ses contemporains le savaient, puisque l’historien oriental Procope de Césarée a expliqué comment, dans une mission diplomatique il envoyait des Angles pour faire croire qu’ il régnait sur la Britannie anglaise.
Chez les historiens bretons il est présenté sous un jour favorable :
Hlodweg-Clovis, roi des Francs, après l’effondrement du pouvoir romain dans la Gallia du Nord, n’ avait pu soumettre les Britto-Armoricains. Une alliance entre Francs et Bretons devint possible lorsque le chef franc se convertit au christianisme.
Son fils Childebert (511-558), roi de Paris, très favorable aux Bretons pour des raisons politiques en rivalité contre son frère Clotaire – facilite l’arrivée d’ une deuxième vague d’immigrants bretons …. Childebert installe ces groupes en Armorique et aussi l’ Est, dans la future Normandie….(Skol-Vreizh, DMAC, 130)
Passons sur ces « immigrations » du 6ème siècle, qui sont parfaitement imaginaires, et sur les « installations » tout aussi fantasmiques, comme je l’ai déjà démontré. Voyons plutôt en quoi consista la politique favorable du roi franc.
C’ est par la Vie de saint Samson que nous connaissons quelques éléments concrets. Ainsi Hildbert avait payé un chef, appelé plus loin Commorus, pour assassiner le prince régnant Iona et pour lui livrer son fils Iudwal qu’il garda prisonnier. Samson se rendit au palais du roi, et obtint la liberté de Iudwal. Sur ce Samson se rendit avec Iudwal, à l’ embouchure de la Seine, pour s’ embarquer vers les Iles de la Manche, y enrôler des guerriers avec lesquels il débarqua en Bretagne. Commor tué par Iudwal, celui-ci régna désormais sur la Domnonée. Suivant la Chronique de Saint-Brieuc l’usurpation de Commor dura 14 ans, jusqu’ en 540. Hildbert garda donc Iudwal en captivité durant 14 années. Pendant tout ce temps il pouvait évidemment se vanter de gouverner la Domnonée. Il avait barre sur Commor, par la menace de rendre son domaine à Iudwal. Or c’ est précisément ce qui se passa en 540, lorsqu’ il laissa Iudwal partir avec Samson.
Cependant, connaissant la rouerie du roi de Neustrie, on peut être certain que cela ne fut pas sans une compensation appréciable. Dans le même temps on voit ce roi donner à Samson le domaine de Pental, sur la Basse-Seine. Ici encore la tactique est transparente. On avait déjà vu que le fait que l’ évêque de Rennes soit soumis à la métropole de Tours donnait un prétexte au roi qui régnait sur Tours pour prétendre que la ciuitas des Redones relevait de son pouvoir. Or Samson, abbé -évêque, avait fonction apostolique, à partir de Dol, sur une constellation de communautés dispersées dans tout le nord de l’Armorique, y compris dans l’ Avranchin, le Cotentin et vers la Seine. En implantant Samson à Pental, dans sa Neustrie, il s’arrogeait un pouvoir sur toute la congrégation de Dol. Pour la même raison Mewen, disciple de Samson, fondateur de l’ abbaye de Gael, se voit attribuer Sainte-Mère-Eglise comme succursale. On est en droit de dater de cette époque l’ annexion du Cotentin à la Neustrie, parallèlement avec une revendication de suzeraineté sur les princes de Domnonée.