Dernièrement, dans ma boîte aux lettres, une publicité parmi tant d’autres. A première vue, elle ne retint pas mon attention, et allait prendre la direction de la corbeille, destin de 90 % des pubs.
La dite publicité concernait l’achat d’objets en or et argent. «Besoin d’argent ?» disait-elle, «Nous sommes spécialistes du rachat de ces métaux précieux. Nous nous déplaçons, estimation gratuite, paiement immédiat».
Et de proposer son programme d’itinéraires. Jusque là, rien d’original, ce genre de pub garantissant aux vendeurs un petit revenu immédiat est courante, surtout en ces temps de «vaches maigres».
Par contre, si cette pub a, au moment de la jeter, retenu mon attention, c’est parce que parmi la cinquantaine d’exemples proposés d’achats : pièces, bijoux divers, montres, médaillons, bagues, décorations, anciens billets, sacs de marques, etc, figuraient aussi un calice et un ciboire. Bien évidemment, il ne pouvait s’agir de vases sacrés en ferblanterie doré ou argenté, donc sans valeurs vénales, mais de vases sacrés en l’un de ces métaux précieux, donc beaucoup plus rares et ayant souvent une histoire particulière liée à un prêtre, à une église, chapelle, alors que les objets liturgiques en simple métal, sont souvent de séries.
Nous avons encore en mémoire, les années 1960-1970, et aussi les suivantes où un clergé iconoclaste organisa, en toute illégalité, de grandes braderies» des objets servant au culte, du mobilier d’églises ou des vêtements liturgiques voulant en finir avec tous ces «grigris» d’une «foi infantile et d’un autre temps», pour la plus grande joie d’antiquaires, brocanteurs peu scrupuleux. Mais on pensait aussi que ces années qui vidèrent les églises de leurs richesses ou d’un simple patrimoine ayant son histoire, servant au culte divin, étaient enfin révolues, et que la prise de conscience aidant, jointe à un retour au sacré interdisait ces ventes. Cette publicité prouve qu’il y a toujours un marché de l’objet religieux. A Alençon, il y a chaque année une vente, légale d’ailleurs, d’objets religieux, très prisée par des communautés religieuses qui viennent, via des associations de sauvetages, «s’approvisionner».
Mais, ici, par cette pub, nous avons une approche différente, c’est l’invitation à des particuliers de vendre leurs objets liturgiques. La question est alors de savoir comment ils détiennent ces objets de valeurs. Biens de famille dans laquelle il y avait un prêtre, chapelle privée (châteaux, manoirs), acquisitions anciennes lors des braderies citées ? Ces maisons qui achètent or et argent ont pour finalité, à défaut de revendre les objets en l’état, de les recycler par la refonte, donc leur disparition pure et simple, et cela nous pouvons le regretter.
Il y a trois ans, à la suite du décès d’un prêtre, un ami me signala que la famille du défunt faisant le ménage de ses affaires, vendait son ciboire et son calice, qui lui furent offert lors de son ordination, donc ayant sa petite histoire. Sachant que j’étais sensible sur cette question, et reconstruisant une chapelle dans ma propriété, il pensa donc à moi pour sauver d’un éventuel usage profane ces deux vases sacrés. Malheureusement, bien que ceux-ci étaient en simple métal doré, la famille demandait entre 200 euros pour chacun deux, une estimation très exagérée, l’affaire en resta là, préférant indiquer leur vente à une communauté religieuse que cela pouvait intéresser.
Mais notre époque où tout fini par être désacralisé, ces ventes ne scandalisent plus. Fin janvier, aux actualités TV, un énième reportage sur ces pauvres églises désertées, en plus ou moins mauvais état, que les évêchés vendent faute de fidèles et de moyens pour les restaurer. Là aussi le marché est florissant, porteur d’avenir, tant il y a d’édifices religieux en déshérence, et les promoteurs, les acheteurs, la joie au coeur et au portefeuille, de nous faire admirer les transformations qui en font des hôtels, des studios ou des restaurants de luxe. Et pour se donner bonne conscience, de nous expliquer qu’il vaut mieux de tels reconversions que de voir raser l’église au coeur du village. Effectivement, nous pouvons voir ces drames, car ce sont des drames de la foi, de la culture, du patrimoine, de cette façon, avec peut-être un vain espoir qu’un jour l’église soit à nouveau rendu à sa vocation première. Ainsi, en est-il aujourd’hui de presque tout de ce qui relève du sacré : être «recyclé» dans une société de consommation désacralisée, ou disparaître …