Saints bretons à découvrir

SAINT BERNARD DE CLAIRVAUX & LA DUCHESSE ERMENGARDE

Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 min

Le 18 janvier, l’Église célébrait les 850 ans de la canonisation par le pape Alexandre III de Saint Bernard de Clairvaux.

C’est en 1174 que le moine et abbé Bernard de Clairvaux est élevé sur les autels. Né en 1090, il entre à 22 ans à l’abbaye bourguignonne de Citeaux, célèbre pour son austérité. Grand mystique, passionné par saint Augustin, il est l’auteur d’ouvrages qui feront autorité, tels que « De l’amour de Dieu, la Grâce et le Libre Arbitre ». Ses sermons et ses lettres constituent un ensemble très riche, qui en feront un Docteur de l’Église. Malgré sa jeunesse, ses supérieurs le charge de fonder une nouvelle abbaye à Clairvaux, de stricte observance de la règle de Saint Benoît, et il en restera l’abbé jusqu’à sa mort, le 20 août 1153.

Alors qu’il n’aspirait qu’à la solitude et la prière, il sera amené à intervenir fréquemment dans la vie de l’Église, et exercera une grande influence sur son époque, notamment en étant le conseiller des papes et des rois. Il prêchera la deuxième Croisade à Vézelay :

«Il a le verbe puissant et se veut être le promoteur d’un christianisme viril, arbitre de l’Europe, de cette Europe où l’on circulait librement, d’un pays à l’autre, sans passeport, sans visa. Une Europe chrétienne qui en ce XII ème siècle existait vraiment» (1).

Sa très grande dévotion à la Sainte Vierge est de notoriété, et c’est à lui que l’on doit les trois invocations qui terminent le Salve Regina «O clemens, O pia, O dulcis». On lui attribue également le jadis très populaire «Souvenez-vous», prière à la Vierge Marie qui, jusqu’au tournant des années soixante, était régulièrement apprise et récitée dans toutes les écoles catholiques lors de la prière du matin ou du soir.

Mais ce qui nous amène à parler de Saint Bernard, ce sont les grandes et excellentes relations qu’il entretint avec la Duchesse bretonne Ermengarde (1067-1147). Ermengarde, fille du Comte Foulques d’Anjou, n’est donc pas précisément bretonne, mais par sa grande renommée, son efficacité à mener les affaires du Duché que lui a confié son époux, Alain VI Fergent, parti en croisade, sa grande bonté la rendant populaire, vont en faire, bien avant  Anne de Bretagne notre première «Grande Duchesse», trop méconnue par les historiens (2)

«D’une éducation raffinée, d’un goût parfait, Ermengarde porte avec une grâce extrême les vêtements d’étoffes rares. On admire sa beauté, sa taille déliée, son teint si blanc de porcelaine, la blondeur de ses cheveux. Ses cheveux, sa gorge sont parés des pierres les plus précieuses.»

Pourtant, ce faste affiché ne lui fait en rien oublier ses devoirs de charité, d’attention à son peuple breton, bien au contraire, toute cette beauté fait partie de son devoir d’État, de son apostolat, car elle est profondément croyante.

Les soucis du gouvernement du pays ne l’empêche nullement de veiller à l’éducation de ses deux fils, Conan et Geoffroy, qu’elle prépare aux affaires du gouvernement. Ses hautes qualités, ses grandes vertus font naître entre elle et Bernard de Clairvaux, le plus puissant esprit du XIIe siècle, une amitié spirituelle, une édifiante et rayonnante correspondance, qui écrivant à la belle Duchesse de Bretagne, lui fera cet éloge : «Votre joie fait ma joie et votre allégresse communicative tient mon esprit en sécurité. Sainte allégresse née en vous de l’Esprit Saint.»

A cet éloge s’ajoutera celui de l’évêque de Rennes,  Marbode : «Vous suivez les lois de la justice. Vous faites fleurir la paix dans vos Etats. Vous nourrissez les pauvres. Vous étanchez la soif des tourmentés. Vous revêtez ceux qui sont nus. Vous essuyez les larmes de tous ceux qui ont recours à vous»

Par ses relations avec Bernard de Clairvaux, Ermengarde s’attache à créer et à développer en Bretagne les abbayes de Notre-Dame de Bégard, de N-D du Relecq en Plounéour-Ménez, de N.D de Buzai près de Nantes, de N.D de Langonnet, de ND de Botgwen (Boquen), de ND de la Vieuxville en Epiniac, de N.D de Lanvaux en Grandchamp. Sur l’île de Tombelaine, près du Mont Saint-Michel elle dépose dans la chapelle du prieuré, Notre-Dame de la Gisante, ses plus beaux rubis et diamants, et contribue fortement au rayonnement de la célèbre abbaye. Lors d’un voyage en Terre Sainte, elle commença la construction d’une église au puits de Jacob où Jésus parla à la Samaritaine, mais les continuelles incursions des Sarrasins, l’oblige à abandonner son projet.

Le premier juin 1147, elle meurt à Redon, durant toute sa vie, elle aura été une vraie mère pour ses Bretons, qui la proclameront Bienheureuse. Mais par ses relations avec celui qui allait devenir Saint Bernard, elle contribuera aux rayonnements des abbayes qu’elle avait créé.

C’est une fierté dans l’Histoire de la Bretagne, dans sa vie intellectuelle et religieuse que d’avoir eu une Duchesse, qui avec une les plus grandes figures de l’Église, a incarné un christianisme rayonnant. Il importait, en cet anniversaire de la canonisation de Saint Bernard de rappeler le rôle de la Bretagne, alors nation indépendante, dans le rayonnement de l’Église et de la foi. Si Saint Bernard a été canonisé, Ermengarde ne sera que Bienheureuse, titre d’ailleurs parfois contesté par certains historiens et hommes d’Eglise, contestation injuste, car elle a possédé toutes les vertus pour «prétendre» à être sur les autels. Ajoutons, qu’en ces temps où nous n’avons de cesse de prétendre que la femme n’a jamais eu la place qui lui revenait dans les affaires de l’État comme de l’Église, en ce XIIe siècle elle était reconnue comme apte à toutes les fonctions, et ce seront des hommes comme Saint Bernard de Clairvaux qui sauront reconnaître leurs grandes valeurs à mener les affaires, parce que les plus grandes vertus les habitaient.

Notes :

1) Les passages en italiques sont tirés de la vie d’Ermengarde écrite pour une B.D par Jann Poher, autre pseudonyme de Janig Corlay, auteurs de nombreux ouvrages sur de grands personnages de l’Histoire de Bretagne. B.D parue dans le numéro 5 de l’illustré breton pour la jeunesse, l’Appel d’Ololê (1970). Janig corlay, grande admiratrice d’Ermengarde, avait en 1968, commencée à écrire sa vie, hélas, la maladie l’empêchera ne mener à terme ce travail.

2) Lire aussi notre article sur la vie d’Ermengarde publié sur Ar Gedour. Lire également l’ouvrage très complet «Ermengarde, l’autre duchesse de Bretagne » de Philippe Carrer. Edition Coop Breizh (2003)

À propos du rédacteur Yvon Abgrall

Publiant régulièrement des articles dans la presse bretonne, il propose pour Ar Gedour des articles documentés sur le thème "Feiz & Breizh" (foi et Bretagne), d'un intérêt culturel mais aussi ancrés dans les préoccupations actuelles.

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