Les lecteurs d’Ar Gedour connaissent le travail de Bernard Rio tant dans les domaines de l’architecture sacrée que de la religion populaire, notamment le culte des saints et les pardons en Bretagne. Notre regretté ami et chroniqueur Yves Daniel avait ici présenté en 2020 un ouvrage digne d’un bréviaire pour les marcheurs, livre justement intitulé « Marcher » paru aux éditions Museo. Dans une veine similaire qu’un autre ouvrage publié en 2017 aux éditions Ouest-France « Sur les chemins de France, sentiers d’histoire et de légendes », voici que Bernard Rio publie aux éditions Vagnon un ouvrage intitulé « Chemins creux de Bretagne », avec en sous-titre 30 balades au fil de la mémoire bretonne.
Bernard Rio nous rappelle ici qu’il n’est pas seulement un écrivain et un historien, mais aussi un marcheur devant l’Eternel. Il nous livre pour notre bonheur de lecteur et notre plaisir de pèlerin ce nouveau livre rempli de bon sens et illustré d’images de chemins dont il nous raconte l’histoire.
« La marche peut-elle s’apparenter à une écriture ? interroge l’auteur. Le chemin suivrait-il, serait-il une ligne ? Tandis que j’écris ces mots, mon esprit vagabonde déjà dehors et lorsque je marche ma pensée trotte à vive allure. Toute chose imprévisible que j’entrevois et que je surprends amène une idée et un plaisir tout aussi fugitifs. Après que le soleil ait pulvérisé la rosée du matin, après avoir abandonné l’idée que je me faisais de l’itinéraire, il advient qu’une vipère péliade, qu’une salamandre, qu’un lièvre, qu’un lucane, qu’un geai, qu’un écureuil me tirent leurs révérences, pas plus étonnés que cela de m’apercevoir l’œil rond et la bouche bée au détour du talus moussu. C’est signe que j’ai trouvé ma voie, que je suis au milieu. D’ordinaire, les créatures sauvages fuient l’homme. Ce serait donc que je me serais ensauvagé en si bon chemin ! »
Parmi les trente chemins de Bretagne mis en écriture par Bernard Rio, chacun fera son choix en fonction de son humeur, de son histoire et de la géographie, mais assurément il y en aura toujours un pour prendre la poudre d’escampette. Le programme de ce livre d’histoire, de balade, de flânerie, de randonnée et de pèlerinage est plus qu’une invitation, c’est une sommation à quitter son fauteuil, à se lever et à découvrir la Bretagne en majesté :
Voie romaine à Langon, récréation pédestre à Gomené, ascension à Sainte Barbe du Faouët, trait de couleur à Moëlan sur Mer, en dehors de la route à Saint-Jean-la-Poterie, Errance solitaire à Messac, sur la trace du chat de Barbechat, faux pas légendaires à Saint-Aignan, le chemin des meuniers à Moncontour, de la terre à la mer à Plougrescant, passage secret à Langolen, dédale solaire à Guérande, le sentier des douaniers à Crozon, marcheur à la ligne à Guenrouët, au gué à Conquereuil, le chemin du roi à Clohars-Carnoët, le chemin des chouans à Brec’h, le passage de pont Roc’h à Spézet, à pas de loup à Iffendic, digression granitique à Locarn, de passage à Dinan au carrefour du Tro Breiz, Jacquet à Fégréac, Melrand un chemin de l’an mil, le chemin de l’autre à Saint-Aubin-du-Cormier, concerto pour une lande à Monteneuf, évasion à Rochefort-en-Terre, le chemin des dames et des saulniers au Sel de Bretagne, feuille de route à Boussay, la circumambulation de Samson à Landunvez… Voilà qui donne envie de partir se promener. Et bonus pour ceux qui hésitent encore, voici un extrait de chemin au hasard des pages :
« Le temps passant, chemin faisant, je finis par justifier mon attirance pour cette allée secrète. Ici, je retrouve l’âge et la beauté que Gustave Flaubert ne percevait plus en 1847 et qu’André Suarès réinventait en 1900 : un chemin vénérable qui a la chevelure des hêtres, les rides des siècles enracinés, la couleur de la terre, l’odeur des champignons, le sourire d’une journée solsticiale. Je trouve à mon tour ce que j’espérais rencontrer en un si bon chemin : l’âme errante d’un paysan glazik qui se repose silencieusement à l’écart du monde sonnant et trébuchant, à l’abri des regards pesant et soupesant. Je me fais des idées. Je rêve au lieu de marcher, mais comment puis-je ne pas me laisser piéger par ce haut chemin de Langolen. Cent cinquante mètres, ce n’est pas très haut, mais en Bretagne l’altitude est sans rapport avec la hauteur. »
Alors, vive la lecture en chemin avec Bernard Rio :
« Chemins creux de Bretagne », Bernard Rio éditions Vagnon, 128 pages , 14,95 euros