Dès qu’il est question de la défense de la langue, culture ou histoire bretonne, le couperet du « repli identitaire » n’est jamais loin. Et pour cause : dans une France en proie aux doutes politiques, sociaux ou même économiques, il pourrait être facile de chercher un réconfort – temporaire et stérile – dans un repli sur soi, une exécration sans discernement d’un système qui, à bien des égards, prête le flanc à la critique. Certains ironiseront donc en présentant le souhait d’inculturation bretonne comme du « folklore » attrape-touristes, tandis que d’autres le rangeront dans la case des velléités séparatistes mal placées, en passant donc à côté du sens profond de cette question pourtant essentielle.
A ces critiques, le Projet de Mission du Diocèse de Vannes répond de la plus belle des manières, en citant la Lettre Pastorale pour la Promulgation des Orientations diocésaines : « Notre région de Bretagne est riche d’une grande culture qui a façonné la vie des générations qui nous ont précédés et qui est bien vivante au travers d’un patrimoine architectural et musical prolifique, au travers de modes de vie spécifiques et d’une langue qui est un des vecteurs fondamentaux de sa transmission. Comment y serons-nous acteurs aux côtés de ceux qui vivent de cette culture et qui veulent la partager ? »
De plus, il est également important de rappeler que la connaissance et la reconnaissance d’une identité régionale ou nationale, par une culture, une langue, une histoire ou un patrimoine spécifique, n’impliquent pas intrinsèquement au rejet des autres identités régionales ou nationales. C’est toute l’ineptie de la rhétorique du « repli identitaire » face au souhait d’inculturation bretonne : souligner la beauté de la culture bretonne et souhaiter témoigner du Christ en son sein n’exclut pas l’œuvre d’évangélisation dans les autres régions et langues, ni n’en abaisse la valeur. Comme l’écrivait parfaitement bien Saint Jean-Paul II dans l’Encyclique Redemptoris Missio : « Les chrétiens et les communautés chrétiennes sont profondément intégrés à la vie de leurs peuples, et ils sont des signes évangéliques par la fidélité à leur patrie, à leur peuple, à leur culture nationale, tout en gardant la liberté que le Christ leur a acquise. »
De fait, en reprenant l’image du chanteur Denez Prigent de la « fleur bretonne au milieu du champ français », le souhait d’inculturation en Bretagne est simplement la préservation de cette belle fleur, pour l’annonce du Christ. Car c’est là une dimension toute particulière de la Bretagne : profondément marquée par le catholicisme dans sa culture et son histoire, les nouvelles générations de bretons n’ont pas à faire cette « intime transformation des authentiques valeurs culturelles par leur intégration dans le christianisme »[1], mais simplement à préserver, transmettre et faire resplendir toute cette histoire catholique bretonne, que ce soit par la connaissance des Saints Bretons, la préservation de ses pardons et de ses cantiques, ou tout simplement par l’entretien de ses chapelles, calvaires et églises.
Paul VI demandait, dans son Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi sur l’évangélisation dans le monde moderne « d’évangéliser – non pas de façon décorative, comme par un vernis superficiel, mais de façon vitale, en profondeur et jusque dans leurs racines – la culture et les cultures de l’homme, dans le sens riche et large que ces termes ont dans Gaudium et spes […]. Le Règne que l’Évangile annonce est vécu par des hommes profondément liés à une culture et la construction du Royaume ne peut pas ne pas emprunter des éléments de la culture et des cultures humaines ».
L’Inculturation bretonne, loin d’être un repli identitaire, relève bien d’un sursaut nécessaire pour l’évangélisation, d’une fleur catholique qui doit non seulement grandir et s’épanouir mais, espérons-le, remplir l’ensemble du champ, à la plus grande Gloire de Dieu.
[1] Redemptoris Missio
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Article initialement publié dans Kroaz ar Vretoned 2021
le terme « sursaut nécessaire pour l’évangélisation » est particulièrement juste. Plus j’étudie la langue de nos père – qui, trop souvent, ne nous a pas été transmise – plus j’y découvre les clés de nos réflexes mentaux les plus originaux.
Vous savez quoi? Ar Gedour pourrait retravailler cet article pour en faire un manifeste et effectuer une diffusion internet (par mail donc, avec l’accord des évêchés) en direction de TOUS les prêtres qui officient en Bretagne.
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Certains prêtres connaissent déjà très bien cette thématique, et se réjouiraient sans doute d’une telle initiative. D’autres sont ignorants, parfois ignares (et donc exposés ou sensibles à la méchante langue des adversaires de la Bretagne, toujours actifs) quand ils ne sont pas bourrés de préjugés (négatifs, voire mortifères). J’assume ce propos.
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Leur rappeler la pensée de Paul VI et Jean-Paul II, sur ce point sensible de la culture séculaire locale et chrétienne, mais distincte de la culture dominante officielle, et surtout qui veut continuer d’exister dans l’avenir, serait, espérons-le très utile.
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Face à certain comportement, je me demande même si nos évêchés (KLTG, aujourd’hui 29,22,56) ne devraient pas envisager une action positive et ciblée – par exemple sous forme d’un MOOC de bienvenue , esquissant la matière chrétienne en Bretagne – à destination des prêtres venus d’autres régions, d’autres pays d’Europe (y compris ex-communiste), voire d’autres continents. Bref, à destination de prêtres venus d’autres traditions ou d’autres cultures, et qui se retrouvent en responsabilité sans avoir les moyens d’appréhender ce qu’est la Bretagne.
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Cela éviterait peut-être de regrettables tiraillements (le mot est faible) dans certaines paroisses.
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Les Evangiles nous montrent un Jésus ouvert à la société multiforme de son époque, et qui à aucun moment ne s’est rangé du côté du pouvoir dominant. Ce constat est aussi valable pour la Bretagne d »aujourd’hui. Mais voilà, tout le monde n’en a pas conscience.
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Tout le monde ne comprend pas que la langue est là, tapie au fond des coeurs. Comme une braise rougeoyante, obstinée, et prête à s’épanouir en belle flamme à l’occasion. Porteuse de vie, et par la même portant à la foi. Ce propos n’est pas un effet théatral ou littéraire, c’est plutôt une alerte.
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Evit ur vro vev-virvidik, en he feiz, en he yezh ivez.
Ret eo da zeskin brezhoneg dre-oll evit komprenn feiz en hor pro , en hon kalon hag e Breizh a-bezh ive . Ho bedennoù e brezhoneg zo krenv -kenan , kaer ha peurgetken don en hon speredoù atav !
Ar re-hont a zo o vont en Neanv diouzhtu betek A .O Doue ! Ez -wir .
Kerent eus Breizh deskin hor yezh ar vrezhoneg ho pugale evit harpan ar feizh en Doue ha savetien hon bro !
Mirout a raimp goanag (spi) dalc’hmat !