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[NOEL] Pourquoi Marie et Joseph se sont-ils fait refouler à Bethléem?

Amzer-lenn / Temps de lecture : 4 min

Il n’est pas rare, au moment de Noël, d’entendre que Marie et Joseph ont été refoulés de partout, pauvres hères rejetés comme le seraient des sans-abris ou encore des étrangers. Si Jésus est bien né dans le dénuement dans une humble étable, revoyons-en cependant les raisons.

Alors que la Vierge Marie est presque au terme de sa grossesse, l’empereur Auguste ordonne un grand recensement qui oblige chacun à se rendre dans sa ville d’origine. Joseph et Marie se rendent donc à Bethléem, berceau familial de Joseph.  Relisons ensemble l’Evangile de St Luc (2, 1-7) :

En ce temps-là, l’empereur Auguste publia un édit qui ordonnait le recensement de tous les habitants de l’Empire. Ce recensement, le premier du genre, eut lieu à l’époque où Quirinius était gouverneur de la province de Syrie. Tout le monde allait se faire recenser, chacun dans la localité dont il était originaire. C’est ainsi que Joseph, lui aussi, partit de Nazareth et monta de la Galilée en Judée, à Bethléem, la ville de David : il appartenait, en effet, à la famille de David. Il s’y rendit pour se faire recenser avec Marie, sa fiancée, qui attendait un enfant. Or, durant leur séjour à Bethléem, arriva le moment où Marie devait accoucher. Elle mit au monde un fils : son premier-né. Elle lui mit des langes et le coucha dans une mangeoire parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la pièce réservée aux hôtes.

Passons le fait que la traduction montre bien, de la même manière que le dit la Septante, que ce n’était pas un déficit d’hôtellerie qui a laissé Joseph et Marie sans toit : il n’y avait pas de place POUR EUX dans la pièce réservée aux hôtes, c’est-à-dire la chambre d’hôtes (rappelons que Luc utilise le terme grec kataluma qui veut dit chambre d’hôtes au lieu du terme auberge). De manière traditionnelle, l’hospitalité était de mise pour ceux qui étaient de passage. Cependant, il faut savoir que dans la culture juive de l’époque, la femme accouchante était considérée comme impure, ce qui explique pourquoi 40 jours après, la femme est invitée au temple pour ce qui est appelé la « purification », avec une offrande dédiée. La tradition des relevailles, que nous retrouvions aussi en Bretagne, en est issue.
INFO :

Dans le judaïsme antique, la femme ayant accouché d’un garçon était considérée « en état de purification » pendant 40 jours (à savoir que pendant les 7 premiers jours elle était considérée comme impure. Le 8ème jour avait lieu la circoncision de l’enfant. puis pendant 33 jours, la mère ne pouvait se rendre au temple). Au terme de ce temps de purification, elle offrait en guise de sacrifice expiatoire un agneau et une colombe si elle était riche, et deux colombes si elle était pauvre (cf Lévitique 12, 1-8). Les relevailles célébrées jusqu’à il n’y a pas si longtemps prenaient leurs racines dans cette tradition.

Si Marie n’avait pas été enceinte, après avoir parcouru la centaine de kilomètres séparant Nazareth de Bethléem, le couple aurait certainement pu loger dans la salle commune, comme les autres. Ils n’ont pas été rejetés parce qu’ils étaient des parias, des sans-le-sou ou des étrangers mais parce que Marie étant sur le point d’accoucher, il n’y avait simplement pas de salle convenable pour qu’elle puisse le faire sereinement à l’écart et parce que les prescriptions de l’époque imposaient une mise à l’écart de toute femme accouchante. Il lui a donc été proposé ce lieu humble, dans lequel on logeait parfois les bêtes. Jésus a été placé dans une mangeoire qui servait aux animaux, ce qui nous fait reprendre ici les propos de saint Aelred de Rievaux (+ 1167) se basant sur une réflexion de Bède le Vénérable :

Bethléem, « la maison du pain », c’est la sainte Eglise, où l’on distribue le corps du Christ, le vrai pain. La mangeoire de Bethléem, dans l’Eglise, c’est l’autel. C’est là que se nourrissent les familiers du Christ. Au sujet de cette table, il est écrit: Tu prépares la table pour moi (cf. Ps 22,5). Dans cette mangeoire se trouve Jésus emmailloté. Cet enveloppement de langes, c’est l’aspect extérieur des sacrements. Dans cette mangeoire, sous l’apparence du pain et du vin, il y a le vrai corps et le vrai sang du Christ. Là, nous voyons qu’il y a le Christ en personne, mais enveloppé de langes, c’est-à-dire présent de façon invisible sous les sacrements. Nous n’avons pas de signe aussi grand et aussi évident de la naissance du Christ que le fait de consommer quotidiennement son corps et son sang au saint autel, et le fait que lui, qui est né pour nous d’une vierge une seule fois, nous le voyons chaque jour s’immoler pour nous.

À propos du rédacteur Tudwal Ar Gov

Bretonnant convaincu, Tudwal Ar Gov propose régulièrement des billets culturels (et pas seulement !), certes courts mais sans langue de buis.

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2 Commentaires

  1. Merci pour cet article, mais de fait il n’y a pas forcément opposition entre plusieurs approches de la question. En effet, s’il peut de fait y avoir des motifs religieux (un peu proche du pharisaïsme tout de même), la tradition d’accueil se fait d’autant plus forte que la femme est enceinte. Car l’impureté rituelle apparemment ne provient pas du fait d’être enceinte, mais liée plutôt au péché (que nous appelons aujourd’hui originel) et sans doute au rapport.
    Toutefois, si la sainte Vierge et st Joseph avaient semblé avoir une bourse plutôt bien garnie, on aurait plu peut-être trouver une solution….on en trouve toujours….
    Enfin, n’oublions pas que c’était la cité de st Joseph. Donc, avec de la famille plus ou moins présente sur la ville… De plus, les motifs religieux ne pouvaient pas être ignorés de ces deux « observants » comme on dit aujourd’hui, ceci dès le départ de Nazareth. S’ils se mettent en route, c’est qu’ils ont peut-être quelques raisons d’espérer trouver quelque chose.
    A approfondir en tout cas !
    Bien à vous, Nedeleg laouen !
    Frère Edouard

  2. MERCI pour cet article ! Frère Edouard complète s’il était besoin cet excellent article.
    Pace e salute !!!! en ce 30 décembre. Bone Natale également puisque nous sommes en octave de Noël et pour mon côté breton Nedeleg laouen !

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