UN LIVRE EMBLEMATIQUE : « AU TEMPS OU LES BÊTES PARLAIENT BRETON »

Amzer-lenn / Temps de lecture : 4 min

Pour les amateurs de beaux livres bretons anciens, et particulièrement destinés à la jeunesse bretonne, Au Temps où les  Bêtes parlaient Breton est incontestablement l’ouvrage de référence, une sorte de BD des années 1940.

Ce sont les célèbres Editions du Léon de Landerneau, connues encore sous le vocable d’Editions Ololê et de l’Urz Goanag Breiz (Ordre de l’Espérance de Bretagne), et fondée en 1939 par les frères Herry et Ronan Caouissin, qui vont éditer une série de petites histoires illustrées par le célèbre dessinateur animalier, Benjamin Rabier.

Cette maison d’éditions bretonnes pour la jeunesse, en l’espace de quatre ans, va devenir célèbre en éditant des BD, des romans, des contes, des découpages, des histoires de Bretagne, des livres d’études de la langue bretonne, et bien évidement le célèbre illustré Ololê.

Au Temps où les Bêtes parlaient Breton est une compilation d’histoires d’animaux, dont les textes d’origines en français ont été traduits en breton.

Benjamin Rabier est décédé en 1939, mais Herry Caouissin fut son élève et gardait une profonde admiration pour cet artiste animalier qui excellait dans la représentation des animaux dans des histoires dite alors « amusantes ». C’est d’ailleurs le sous-titre de l’album « Histoires en images et dessins amusants ». L’éditeur, en guise de préface, nous explique ainsi son choix :

« Benjamin Rabier ! quel est celui d’entre-nous qui ne connaît pas ce nom, qui n’a pas été charmé, et qui n’a admiré les spirituels dessins de cet artiste pour la jeunesse dont les héros familiers furent les bêtes !

Or, toujours désireux d’enrichir notre imagerie bretonne enfantine, nous avons entrepris d’éditer un album en breton illustré par Benjamin Rabier. Benjamin Rabier n’est plus, mais ses œuvres restent et ne sont pas à la veille d’être oubliées.

Si Benjamin Rabier a toujours fait parler les bêtes dans la langue de son pays, nous avons pensé qu’il était également possible de les faire parler en breton. Et pourquoi pas ? Ne dit-on pas que la nuit de Noël, les bêtes, elles-mêmes, parlent breton ? Ainsi présenté, cet album aura le double avantage d’intéresser les bretonnants et les non-bretonnants puisque nous avons accompagné la version bretonne du texte français original.

Petits Bretons, vous accueillerez avec joie cet album qui vous fera passer d’agréables moments en compagnie de nos frères les animaux. Quant à nous, tout en servant ainsi la langue bretonne, nous aurons été heureux de rendre hommage à la mémoire du regretté artiste que nous avons connu, et qui aurait été si heureux de collaborer à Ololê et à ses éditions ».

Ce livre à l’attirante couverture en couleurs, alterne les histoires colorisées et en noir et blanc ; l’ensemble est parfait, des textes très court initiant les enfants à la langue bretonne. Si l’album n’est pas vraiment une BD, il s’en approche tout de même, et en ce sens, il peut être considéré comme l’ancêtre de la BD bretonne. D’ailleurs les Editions du Léon produiront des séries de BD principalement illustrées par Etienne Le Rallic, et qui avant de paraître en album, paraîtront en feuilletons hebdomadaires dans Ololê : Les découvertes de l’explorateur Duguay-Trouin, du corsaire Surcouf, Jacques Cartier, Gaït la cavalière du Texas, Goneri le filleul de Cadoudal, A la découverte de Ker-ys, et bien d’autres histoires et contes.

Au Temps où les Bêtes parlaient Breton sera un succès, et aujourd’hui encore, de tous les ouvrages édités par cette maison d’éditions landernéenne, il reste le plus recherché, le plus côté (en bon état il peut se vendre entre 400 et 500 euros, voire davantage). Les éditeurs sortiront également Le Dragon du Menez-Are, toujours illustré par Benjamin Rabier (1).

Mais ce que l’on doit retenir des éditions du Léon-Ololê-Urz Goanag Breiz, c’est l’extrême souci d’offrir à la jeunesse bretonne de beaux livres, tant par les textes que par les dessins, et les éditeurs surent s’assurer la collaboration des grands noms de l’époque : outre Benjamin Rabier et Le Rallic, il y avait Thomen, Felix Jobé-Duval, Herouard, Moriss, Lortac, Michau-Vernez, Xavier de Langlais et Xavier Haas, Georges Omry, Pierre Peron.

Elever l’esprit, l’intelligence, le sens du beau étaient les impératifs de cette maison d’édition bretonne pour la jeunesse, et le pari fut gagné, car il ne semble pas qu’en matière d’édition pour la jeunesse une telle qualité ait été atteinte, et à cela une raison : il est bien plus difficile d’écrire, d’éditer des livres pour la jeunesse que pour les adultes …

1)   En 1946, Ronan Caouissin fondera une petite maison d’éditions, les éditions Brittia qui éditerons également du Benjamin Rabier : Histoires de Bêtes et Jobig, Jakig et Julic, Kiki à mal aux dents, ces trois albums sont en fait des reprises des histoires du Temps où les Bêtes parlaient Breton.

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À propos du rédacteur Yvon Abgrall

Publiant régulièrement des articles dans la presse bretonne, il propose pour Ar Gedour des articles documentés sur le thème "Feiz & Breizh" (foi et Bretagne), d'un intérêt culturel mais aussi ancrés dans les préoccupations actuelles.

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