24 AOÛT 851 : VICTOIRE D’ERISPOE A FOUGERAY/VILAINE

Amzer-lenn / Temps de lecture : 4 min

La déroute du petit­-fils de Charlemagne, Charles le Chauve, en Bretagne, en août 851, fut, pour les Francs de Neustrie, l’égal de ce que fut Marathon pour les Perses, ou Waterloo pour les Français. Confirmant la retentissante victoire des Bretons, en 845, à Ballon, elle mit un point final, pour plus de six siècles, aux efforts de dépècement du territoire de l’Armorique bretonne, en le rétablissant dans son état du 5ème siècle.

 

La rencontre se déroula sur trois journées (22-­24/08), à proximité de la Vilaine, sur le territoire du Fougeray*.  Le 16 août Charles était encore en Anjou, mais ses troupes étaient sans doute en marche. On peut estimer ses effectifs à au moins 4 000 hommes, au vu du rang de comtes qui y prenaient part. Ils évitèrent Nantes et Rennes, qui, un an auparavant , avaient été libérées des garnisons franques. Ils entrèrent donc en Bretagne aux environs de Chateaubriant et passèrent par Rougé, évitant aussi Redon et ses marécages. L’ objectif de Charles semble avoir été Renac, poste de commandement de Nominoé et d’Erispoé. Mais pour l’atteindre il fallait passer la Vilaine par le pont de Beslé et la route évitant les marécages de sa rive ouest, entreprise périlleuse pour une lourde armée, si elle se risquait à progresser en file indienne, à la merci d’ une contre-­attaque. Charles fit donc dresser le camp à trois ou quatre lieues de la Vilaine, prenant le loisir de faire fourrager pour ravitailler les chevaux.

Les troupes bretonnes étaient déjà sur place, mais hors de portée des Francs, n’ayant besoin d’engager que leur cavalerie. Ces unités d’élite, montées sur les petits chevaux bretons, rapides et maniables, étaient entraînées à lancer le javelot au galop, avec précision. Armées, outre leur épée, de deux ou trois javelines, elles galopaient jusqu’à bonne portée de l’ennemi, pour l’atteindre à coup sûr, puis revenaient à leur base chercher de nouveaux javelots, et, au besoin, changer de monture.

 

 

Les Francs, ne sachant où ni quoi attaquer, en étaient réduits à se défendre autour de leur camp. En ligne avancée ils mirent des troupes saxonnes (sans doute venues du Bessin). Mais, dès le premier assaut des Bretons, ils refluèrent sur les unités franques. Les assauts se succédaient, et, après chaque vague des essaims de Bretons, ils ne pouvaient que compter les morts et les blessés. Au coucher du soleil les Francs désemparés s’ écartaient de leurs timides feux de camp, de crainte d’être des cibles trop voyantes.

 

Le jour suivant, les Bretons confiants, les Francs la rage au coeur reprirent le même combat fatidique, Bretons virevoltant, les Francs assoiffés et accablés. Avec la nuit le silence s’abattit sur le camp des envahisseurs, alors que les sommets des collines alentours luisaient des feux des Bretons. Vint le petit jour, et le camp franc grouillait dans le désarroi : le roi Charles avait disparu ! Le petit-­fils du Grand­Charles, le cadet chéri de Hlodovicus Imperator, voyant sa défaite inéluctable, avait fui, au coeur de la nuit, abandonnant ses vassaux, ses soldats, morts et vifs, ses parures et joyaux et jusqu’aux insignes royaux.

 

Chez les envahisseurs, ce fut franche panique. Une seule idée : fuir cette Bretagne mortelle. Les Bretons avaient vu le tumulte chez leurs ennemis et investissaient leur camp. Les Francs prenaient la fuite dans le désordre. Pour la plupart, cette campagne sur la Vilaine fut le Val­-sans-­Retour, mais nul trouvère ne pleura leur mémoire. Là périrent d’orgueilleux “Grands d’ Empire”, Vivian , comte de Tours, Gauzbert le Jeune, comte du Maine, fils du marquis Rorgon , Hlmerad, comte palatin, dont on ne connait que l’obiit , et bien d’autres, effacés dans la Kareldaemmerung, le premier son de trompe de la débâcle carolingienne, en cette nuit du 24 août où le roi chauve, l’angoisse aux entrailles, chevauchait vers l’oubli.

Les Bretons allèrent faucher leurs blés.

 

A.J.R.

 

*Hubert Guillotel , le chantre des Charles, a trouvé bon de lui attribuer le nom de Jengland­-Beslé, ce qui n’est pas justifié, car le hameau de Jengland n’a été le théâtre que d’une escarmouche ou du meurtre d’un paysan, et Beslé se trouve à 6 km. On doit donc en rester à Fougeray­-sur­-Vilaine, authentique et explicite.

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD".

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