Alan Stivell, légende de la musique celtique, qui vient de publier son autobiographie, nous renvoie vers son passé artistique à travers quatre vinyles jamais réédités dans ce format depuis leur sortie. Il s’agit des albums Reflets (1970), Renaissance de la Harpe Celtique (1971), Chemins de Terre (1973) et E Langonned (1974). Ils seront bientôt à nouveau disponibles par le label Pias dans une version remasterisée.
Un soin particulier a été apporté au remastering, d’après le master original, afin d’améliorer la dynamique, ainsi que le rapport signal/bruit, et enfin de mettre en valeur certaines fréquences, tout en veillant à bien conserver l’esprit originel de l’enregistrement. Un soin tout aussi particulier a été apporté à la gravure des laques pour obtenir le meilleur rendu musical par une gravure plus en profondeur et donc un son avec plus de relief.
De Reflets à Chemins de Terre
Reflets, c’est l’album des débuts “officiels”. Comme disait Jacques Vassal, de Rock & Folk : “Enfin !… Stivell montre une voie oubliée en France : cette voie consiste à tourner le dos aux pâles imitations, aux démarquages, et à les remplacer par une musique incarnée en exploitant les sources dont le musicien est issu comme une base solide pour aller plus loin”. On y apprécie les débuts d’un folk-song breton, et l’écouter en mode vinyle donne à l’oeuvre ce petit plus au son qu’on ne se lasse pas d’écouter.
Renaissance de la Harpe Celtique, donne à la harpe celtique la place qu’elle doit prendre en Bretagne après sa résurrection par Jord Cochevelou, qui signe une présentation sur la jaquette du disque. Se positionnant dans les pas de Merzhin, de Brizeux et d’Anatole Le Braz, Stivell brosse ici un tableau totalement celtique, de la Gwerz Pontkalleg à des titres issus de manuscrits gallois ou issus du folklore irlandais, des Iles Hébrides, de l’Ile de Man ou d’Ecosse. Les cordes de la harpe offrent un diskan au canntaireachd des Highlands, thèmes bien appuyés par une équipe de musiciens en totale harmonie. Un régal à écouter, encore plus sous la forme d’un 33 tours.
Chemins de Terre, c’est l’approche déjà un peu plus rock. D’ailleurs, l’album produit par Franck Giboni est renommé From Celtic Roots… en anglais et Celtic Rock en Allemagne. Il deviendra rapidement disque d’or. Ce disque, disons-le, est une étape importante dans le chemin musical de Stivell qui est autant accompagné de ses amis du Bagad Bleimor que des musiciens plus électro. On soulignera ainsi le Ian Morrisson reel très rock (appuyé par la guitare inimitable de Dan ar Braz et de la batterie efficace de Michel Santangelli), Metig, An Dro Nevez ou encore Brezhoneg ‘raok, sans oublier le côté plus ballade, avec des titres phares du répertoire breton ou irlandais mais à l’interprétation parfumée de blues. Voici ce qu’en dit le barde breton : « D’abord, être le plus intensément possible. M’exprimer le plus totalement, le plus sincèrement possible. D’où, obligatoirement mes racines (celtiques), mon époque (électronique), mes références (classiques, américaines, orientales…). Naissance d’une musique européenne, équivalente à la rock-music américaine, une musique vraiment populaire, ne cherchant pas la facilité, croyant à la dignité des hommes. Ensuite, faire le monde nouveau, chanter la Bretagne embryonnaire des travailleurs et des coopératives, des villes sous-marines, des cités de verre et de granit, d’acier, de marées, de pain. Reprendre les chemins de terre avant de s’embarquer pour les îles. »
Enfin, E Langonned, c’est le côté vraiment trad du Kreiz Breizh après avoir emprunté ses chemins de terre, un disque qui donne à l’auditeur d’écouter les Montagnes Noires où sont aussi les racines d’Alan. L’enracinement et la (re)connaissance de notre culture bretonne, celle que Stivell promeut, va ici de pair avec la perception du caractère celtique de l’approche musicale. On perçoit en filigrane un côté très Menez Kamm, comptant des titres issus du répertoire traditionnel, mais aussi des titres aux textes originaux et très engagés de Yan-Ber Piriou, choisis volontairement par Stivell. Certains y verront à juste titre une expression d’une opinion politique, mais il y a aussi dans cet album -cela restant toutefois un avis très personnel – un tournant non pas musical cette fois mais presque métaphysique dans le cheminement de vie d’Alan.
Précurseur de la world music, inventeur du folk / rock celtique et du concept de musique celtique, artisan de sa diffusion au grand public, Alan Stivell a profondément marqué la musique bretonne et les musiques celtiques. Il a ainsi ravivé l’intérêt mondial pour la harpe et modernisé la musique traditionnelle bretonne et inspiré plusieurs générations d’artistes bretons et même irlandais.
Les paroles en breton seront-elles aussi proposées dans leur intégralité dans les albums réédités?
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Je me souviens de la sortie de tous ces disques, en particulier de “Renaissance de la Harpe celtique” aperçu à la vitrine d’un disquaire, dans une région où la musique celtique était parfaitement inconnue, très loin de la Bretagne (e-pad ma c’hoñje d’ar mare-mañ, en ur vrav a c’hornig-vro, mes pell-pell diouzh Breizh).
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Na pegen fier-ruz e teuen da vezañ o welout-se!