[…] Il convient de rappeler que, dans le passé, l’Episcopat de Bretagne n’a pas hésité, à plusieurs reprises, à appuyer les revendications spécifiquement bretonnes. En 1905, Mgr Dubillard, évêque de Quimper et de Léon, approuva la création du Bleun Brug de l’abbé Perrot. En 1919, les Evêques de Bretagne ont signé, avec d’autres personnalités, une pétition présentée au Président Wilson et à la Conférence de la Paix en faveur des droits culturels de la Bretagne. Entre les deux guerres, plusieurs évêques bretons ont défendu fermement la langue bretonne et rendu obligatoire l’enseignement de l’Histoire de Bretagne dans les Ecoles libres de leur diocèse. En 1936, au Congrès du Bleun Brug à Plougastel Daoulas, placé sous le patronage de l’évêque de Quimper, le professeur Le Fur, de la Faculté de Droit de Paris, éminent spécialiste de droit international, a souligné, dans un exposé qui eut un grand retentissement, les droits auxquels sa personnalité propre permet à la Bretagne de prétendre.
Dans un message adressé à Rome le 1er octobre 1963 à l’aumônier général du Bleun Brug, Mgr Gouyon, alors archevêque co-adjuteur de Rennes, écrivait : « Mon passage au Pays Basque et au Béarn m’a montré à l’évidence les valeurs de civilisation qui sont enfermées dans les langues et dans les traditions régionales. Là-bas, je m’en suis fait le protecteur et le défenseur. Vous pouvez donc être assuré de ma sympathie active et de mon appui… »
L’encyclique Pacem in Terris de S.S. Jean XXIII a souligné avec force les droits et les devoirs des minorités ethniques, droits et devoirs qui sont évidemment corrélatifs, les derniers ne se concevant pas sans la reconnaissance des premiers.
Enfin, les travaux de Vatican II ont montré le souci des Pères du Concile, sous l’impulsion notamment des évêques représentant les jeunes Eglises d’Afrique et d’Asie, de voir intégrer les cultures « régionales » dans la liturgie. Ces principes sont évidemment valables dans toutes les parties de l’Europe possédant une culture originale aussi bien en Alsace qu’en Flandre, en Wallonie qu’en Catalogne, au Pays Basque qu’en Bretagne.
Là aussi, le personnalisme breton rejoint les préoccupations de décentralisation et de promotion des cultures autochtones manifestées par le Concile.
Pourtant, jusqu’ici, force est de reconnaître que les catholiques bretons n’ont pas tenu en tant que tels dans le mouvement de renaissance bretonne la place à laquelle leur importance numérique, leur situation, leurs possibilités semblent les appeler. Il y a à cela de multiples causes qu’il n’est pas dans notre propos de rechercher ni d’analyser ici, mais auxquelles n’est sans doute pas étrangère l’influence de structures étatiques centralisatrices sur la mentalité d’un certain nombre de catholiques et sur la vie de l’Eglise elle-même.
Cette présence insuffisante des catholiques en tant que tels dans le mouvement de rénovation bretonne est extrêmement regrettable à bien des égards. Elle laisse trop souvent le champs libre à des tendances non-chrétiennes, sinon parfois anti-chrétiennes.
Les éléments « laïques », voire anti-cléricaux, sont très actifs dans les différents groupements bretons. Certains tentent d’y faire prévaloir un celtisme d’inspiration raciste et néo-païenne. A l’autre extrémité de l’éventail politique, le parti communiste a publié récemment un « plan breton » qui ne se borne pas à préconiser des solutions politiques et économiques mais invite également les Bretons à se grouper autour de cinq fédérations communistes de Bretagne pour « défendre les valeurs culturelles bretonnes ».
La revue des étudiants communistes de Rennes vient de consacrer un des ses derniers numéros au problème de la langue et de la culture bretonne. D’autre part, le mouvement des instituteurs laïques bretonnants « Ar Falz », très influent dans les milieux de gauche, a pris, fin 1963, l’initiative de la création d’un « Comité d’Action pour la Bretagne » groupant les syndicats ouvriers et d’enseignants laïques, les partis de gauche et l’AGER de Rennes. Plus récemment, ce sont les syndicats CGT des cinq départements bretons qui, réunis le 18 septembre 1964 à St-Brieuc, appelaient les travailleurs bretons à une action commune de caractère régional.
Nous ne pouvons certes que nous féliciter de voir augmenter le nombre de ceux de nos compatriotes qui s’intéressent à la Bretagne et à son avenir et c’est avec sympathie que nous suivons toutes les initiatives prises en sa faveur. Nous déplorons seulement l’attitude d’expectative de trop de catholiques, installés dans un prudent conformisme, devant le problème breton ; cette attitude est, il faut bien le dire, une cause de trouble pour un certain nombre de jeunes, d’intellectuels et de militants bretons qui risquent de s’éloigner de plus en plus de l’Eglise.
Il nous est difficile de dissimuler notre inquiétude devant cette situation. Nous ne pensons pas que les catholiques bretons puissent, en tant que tels, rester plus longtemps indifférents au sort de la Bretagne et du peuple breton.
C’était en 1965 dans la revue Bleun Brug N° 152. Que dire si ce n’est que les inquiétudes étaient fondées. Nous le voyons aujourd’hui notamment dans la désertification de nos paroisses, pour ne citer que cela. L’Histoire permet de mieux appréhender le présent pour préparer l’avenir. C’est pourquoi nous exhumons ces textes maintenant oubliés, nos archives méconnues, des témoignages… et les mettons à la disposition de tous sur Internet. Et si cela contribuait à une réelle prise de conscience découlant sur des actions concrètes ?
Il y a belle lurette que les prêtres bretons ont jeté aux orties non seulement les ornements des églises mais avec la langue bretonne….
Et st brieuc est rouge.