Régulièrement nous pouvons encore retrouver dans des paroisses en guise de Credo un « je crois en Dieu qui chante », « je crois en Dieu le Père.. », le « Je crois en Dieu qui est le Père de tous les hommes et qui leur a confié la terre » ou bien d’autres chants qui ne sont pas conformes à ce que demande l’Eglise, tout comme le Gloria dont le texte est mis de côté pour un « Pour tes merveilles Seigneur Dieu « ou autres. Or, à force de ne plus dire les mots de la foi, c’est la foi elle-même qui en pâtit.
Le site Proliturgia l’a rappelé dans un récent billet, que nous vous partageons car il souligne un réel problème auquel nous sommes souvent confrontés, à savoir la question de la vie éternelle et le glissement qui s’opère sur la question des funérailles qui, la plupart du temps, deviennent des messes d’hommage, glissant peu à peu vers un certain paganisme, alors même que la messe est célébrée afin de prier pour le défunt ! Pas pour lui rendre hommage, mais pour l’accompagner de nos prières vers son Créateur, car la majorité d’entre nous ne meurt pas en état de grâce, et à ce titre les défunts ont absolument besoin de ces prières !
Récemment, l’un de nos collaborateurs a participé à l’organisation de funérailles ayant attiré plus de 400 personnes. Il nous faisait part de nombreux témoignages de gens loin de l’Eglise et qui cependant avaient été touchés par la qualité de la cérémonie au niveau des chants -très priants- mais aussi et surtout de l’homélie elle-même, qui leur avait parlé au coeur. Ces personnes lui rapportaient qu’à chaque fois qu’elles allaient à des obsèques, c’était triste et sans espérance. Pour eux, là, c’était différent. Or qu’est-ce qui change ? La liturgie des funérailles était respectée à la lettre, mais plus encore, il y avait cette idée que nous ne pouvons être chrétien sans croire à la vie éternelle, sans croire à la résurrection de la chair. Il y a une espérance, et c’était affirmé clairement et de manière convaincante.
C’est ce qu’attendent les familles lorsqu’elles s’adressent à l’Eglise en ces moments douloureux de séparation. Car autrement, qu’est-ce qui la différencierait des Pompes Funèbres, dont certains représentants connaissent parfois largement mieux la liturgie des défunts et les attentes des familles que les équipes funérailles elles-mêmes qui, malgré les formations, semblent parfois démunies. Il n’est pas question de juger ces dernières qui donnent ce qu’elles peuvent, mais de nous demander là où nous péchons, alors que les circonstances permettent de s’adresser à une population qui n’attend souvent que cela car elles sont une occasion unique de réveiller le désir du retour vers Dieu.
Voici donc ce que dit Proliturgia, de manière certes directe, mais cela a le mérite de soulever cette vraie problématique :
Dans le “Symbole des Apôtres” nous affirmons que nous croyons “à la résurrection de la chair et à la vie éternelle.” Dans le “Symbole de Nicée-Constantinople” (IVe siècle), c’est-à-dire le “Credo” que nous chantons à la Messe, nous disons que nous “attendons la résurrection des morts, et la vie du monde à venir.”
Or le problème actuel est le suivant, qui transparaît dans nos liturgies des défunts : seule une toute petite minorité de fidèles catholiques se soucie encore de la “vie éternelle”, du “monde à venir”. Seule une toute petite minorité de fidèles catholiques se demande :
“Qu’est-ce que je deviens après ma mort ?”
Autrefois, on espérait le Paradis et l’on craignait l’enfer. Ce n’est plus guère le cas : ce que sera la “vie éternelle” n’est plus la préoccupation majeure des catholiques [NDLR : faites un sondage à la sortie de messe et demandez qui croit encore en la résurrection. Le résultat sera édifiant]. D’ailleurs, dans les paroisses, la liturgie des défunts avec ses textes et ses mélodies grégorienne spécifiques qui nous plaçaient immédiatement face aux limites de notre existence terrestre, cette liturgie sublime à la fois consolatrice et capable de nous pousser à porter un regard intérieure sur nous-mêmes, cette liturgie qui unissait toutes les générations de croyants confrontés à la mort, cette liturgie n’existe plus. Elle a été, en effet, remplacée partout par des cérémonies vides, ternes, ponctuées de chants dont les mélodies n’évoquent rien ; la liturgie des défunts a été remplacée par des rassemblements “pour rendre hommage” et au cours desquels ne subsistent que quelques coups d’encensoir et de goupillon […]
Un autre symptôme de ce glissement se trouve dans le fait que dans les Litanies, l’Eglise nous fait demander“A subitanea et improvisa morte, libera nos, Domine.” Aujourd’hui, on entend les fidèles catholiques dire au sujet de quelqu’un qui est décédé :
“Il est mort subitement : c’est très bien, il ne s’est pas vu partir…”
A croire que tout le monde décède en état de grâce !
Que peut offrir l’Eglise à des fidèles qui ne songent plus à la vie après la mort, au jugement de l’âme, à la possibilité d’une damnation éternelle, à la résurrection finale ? Réponse : rien. Ou plutôt si : une religiosité de substitution faite de bons sentiments. C’est ainsi que l’Eglise se transforme en une pieuse ONG dans laquelle on occupe les fidèles : les prêtres font des réunions, les évêques maintiennent en état de marche des structures qui ne produisent rien, les laïcs font de l’animation de ce qu’ils croient être de la liturgie… Tout devient une routine – dit le Pape François – dans laquelle la foi, la croyance, la référence à une doctrine claire doivent être remplacées par une religiosité à la carte [NDLR : ce qui explique certainement pourquoi l’on retrouve aisément Johnny Hallyday, Calogero et autres musique de variétés ayant plu au défunt au lieu des chants de Vérité l’accompagnant avec nos prières devant son Créateur].
Il devient alors évident que dans une telle Eglise, qu’il y ait des vocations ou pas, que la liturgie soit respectée ou pas, que le “Credo” dominical ait un sens ou pas, qu’un document magistériel soit clair ou pas… Tout cela n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est que le curé soit un “type sympa”, que le nouvel évêque soit “plus tolérant que son prédécesseur”, que la messe soit “animée et vivante”. Autrement dit, que l’Eglise devienne tout sauf catholique, se mêle de tout sauf de la foi, ait un avis sur tout sauf sur les erreurs que font les prêtres qui n’enseignent plus les chemins menant au Salut éternel.
Jean-Charles Perazzi, journaliste et écrivain, posait en 2012 une requête sur le site de l’Agence Bretagne Presse que nous vous proposons en guise de conclusion :
Il se dit qu’en Bretagne -ailleurs aussi- la mort et tout ce qui se passe autour sont des sujets tabous. Raison de plus pour en parler. D’ailleurs, chez nous, Anatole Le Braz, Xavier Grall, Pierre-Jakez Hélias, Glenmor, Anjela Duval, Youenn Gwernig, et bien d’autres plumes et artistes de Bretagne ont su évoquer le sujet avec talent. Et sans faire systématiquement dans la sinistrose, le langage abscons.
Ainsi Xavier Grall, évoquant la disparition de son père (quatre-vingt-trois ans) dans une lettre à un ami : » Il est mort en paix, sereinement. Comme un bon ouvrier qui a bien fait son labeur (…) Mon père était un juste. Cette certitude essuie quelques-unes de nos larmes (…) Ma peine est silencieuses et profonde, mais il s’y mêle une sorte de joie de nature, je le crois, spirituelle. «
Obsèques civiles, obsèques religieuses : on ne s’y rend jamais comme à une fête. Juste pour partager avec d’autres la peine qui est la nôtre. La qualité de l’office peut contribuer à les rendre moins pénibles. Sereines. Apaisantes.
Est-ce trop demander à ceux qui la préparent, l’organisent, qu’il en soit toujours ainsi ?
Si, comme le répète le pape François, la nouvelle évangélisation passe certainement par le fait de « sortir » de nos églises et de nos habitudes, elle doit aussi profiter des rares moments où nos contemporains « du dehors » entrent dans les lieux de culte [1]. Il n’est pas inutile de rappeler ici que Mgr Denis Moutel, évêque de Saint-Brieuc & Tréguier, publiait en février 2015 un document important donnant les orientations diocésaines pour les funérailles chrétiennes (disponible ici). Nous le citons :
L’Eglise répond à une demande humaine profonde. Elle ne saurait être un simple prestataire de service. Nous avons à entendre les demandes des familles mais pas au point de tout accepter. En effet, en célébrant les funérailles, l’Eglise annonce le mystère pascal du Christ et témoigne de la foi en la résurrection. Les funérailles et toute la pastorale qui les entoure sont un lieu privilégié de la proposition de la foi. Je vous invite donc à veiller à ce que les funérailles que nous célébrons soient chrétiennes, que le Christ mort et ressuscité y soit célébré, que la Parole de Dieu y soit proclamée, que l’espérance chrétienne soit annoncée et que tous les rites prévus par le Rituel soient mis en œuvre. A ne pas le faire, nous trahirions notre mission et nous provoquerions de la déception, tant chez les familles qui demandent les rites de l’Eglise que parmi les participants.
[1].Les funérailles, une occasion d’évangéliser à ne pas perdre (Lettre Paix liturgique)
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