[CONCERT] Le Trio Kervarec-Le Bot-Dudognon et le chant des trépassés en tournée d’été

Amzer-lenn / Temps de lecture : 12 min

Le Trio Kervarec Le Bot Dudognon récidive en cet été 2021 avec une tournée de concerts sur un thème éternel dont la Bretagne possède une richesse musicale inouïe. Ce que raconte le trio  dans “Kan an Anaon / Le chant des trépassés” vient des relations singulières qu’entretiennent les bretons et l’Au-Delà. L’Ankou n’est pas seulement un personnage de légende. Ce conducteur des morts dans l’au-delà apparaît toujours au XXIe siècle comme en attestent plusieurs témoins dignes de foi. Du passage entre la vie et l’au-delà, du chant des âmes au bal des trépassés. Un seul adage : aujourd’hui c’est toi, demain ce sera moi.

C’est toujours un régal d’entendre le trio, et parfois leurs invités, tant au niveau instrumental qu’au niveau du chant, et nous ne pouvons qu’encourager nos lecteurs à se rendre à l’un des nombreux concerts proposés par le trio cet été, dont vous retrouverez les dates ci-après.

 

“Comme vous savez dans le Finistère, les enterrements étaient interdits dans les églises, les toilettes mortuaires des défunts et les rituels funéraires étaient interdits pendant ce 1er confinement. Mon grand-père et ma mère étaient attristés que nous n’ayons même pas le droit de lui dire un au-revoir sans être surveillé par une infirmière, sans pouvoir la toucher, l’embrasser. Ce sont des images qui marqueront à vie” (Per-Vari Kervarec, 7/07/2021).

Après la tournée qui a débuté ce week-end à Pont L’Abbé et à Carhaix, emportant un vif succès, nous avons souhaité en savoir plus avec Per-Vari Kervarec, talabarder et chanteur :

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Per-Vari, même si certains de nos lecteurs vous connaissent déjà, pouvez-vous présenter votre trio ?

Bonjour, nous sommes un trio composé de Eliaz Le Bot, (originaire du pays Lorientais) au saxophone et biniou, Tony Dudognon qui est un organiste de Brest et moi-même, Pêr Vari Kervarec, originaire de la région de Coray-Elliant, sonneur de bombarde et chanteur. Cela fait 2 ans que nous parcourons la Bretagne principalement à travers les églises et cathédrales avec des découvertes un peu partout en France (comme à la Cathédrale de Bourg en Bresse, Brunoy, Conches sur Ouches, Limoges). Notre volonté de départ est de faire connaitre notre patrimoine breton autour des cantiques et des gwerzioù et les remettre au goût du jour.

Vous entamez une nouvelle série de concerts cet été, avec pour thème Kan an Anaon, le chant des trépassés. Pourquoi ce choix ?

Au décès de ma grand-mère pendant le 1e confinement, je ne comprenais pas forcément ce qui bloquait mon grand-père et ma famille pour faire le deuil. Comme vous savez dans le Finistère, les enterrements étaient interdits dans les églises, les toilettes mortuaires des défunts et les rituels funéraires étaient interdits pendant ce 1er confinement. Mon grand-père et ma mère étaient attristés que nous n’ayons même pas le droit de lui dire un au-revoir sans être surveillé par une infirmière, sans pouvoir la toucher, l’embrasser. Ce sont des images qui marqueront à vie. Nous avons donc fait une cérémonie 2 mois après son départ vers l’Au-Delà et mon grand-père m’avait confié la mission d’organiser de A à Z la cérémonie à l’Eglise de Coray. Mon objectif était clair : offrir à ma grand-mère une cérémonie à la hauteur de l’amour que je lui portais et en utilisant uniquement notre riche répertoire breton. C’est là que j’ai d’abord lu le livre de Bernard Rio  “Voyage dans l’Au-Delà, les bretons et la mort” et là j’ai compris ce qui se passait avec mes proches concernant les différents rites funéraires et coutumes des bretons envers la mort et les morts. Puis j’ai découvert le fabuleux : « les Hymnes de la Fête des Morts en Basse-Bretagne » du Chanoine Pérennes et bien entendu la « Légende de la Mort » d’Anatole Le Braz  et enfin Le Mirouer de la Mort ». Mais sans oublier Eflamm Caouissin et Ar Gedour, qui m’ont fait découvrir certains cantiques qui avec leurs paroles m’habitaient.

Avec ces lectures, des discussions avec les anciens, j’ai compris que le rapport à la mort a complètement changé avec notre société moderne qui fait tout pour cacher la mort et la maladie. Le déplacement des cimetières en sortie des villages, la relégation des personnes agées dans les EHPAD, la mort à l’hôpital, l’incinération et la dispersion des cendres. Comme le dit Bernard Rio : « le défunt est acheminé dans un salon funéraire, maquillé, paré et exposé dans un cercueil capitonné. C’est la dernière évolution de la présentation macabre, présentation destinée à atténuer l’image de la mort. »

 Puis après, avec ce contexte sanitaire, je me suis dit que cela serait intéressant de mettre en spectacle cette croyance que les Bretons ont de l’Au-Delà, cette relation si particulière que l’on a avec la mort et les morts. Tout en mettant en corrélation ce que nous vivons ces derniers mois, avec comme leçon apprise qu’il faut profiter de chaque instant de nos proches, de la vie car nous ne savons pas de quoi demain sera fait. Qu’il faut vivre dans un monde d’Amour et de Paix, où l’on aide son voisin.

Vous allez interpréter des cantiques, mais pas seulement. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le répertoire que vous allez interpréter ?

Le répertoire qui compose le spectacle « KAN AN ANAON » est tout d’abord de cantiques rares tel que « Gwerz ar Garnel » qui a été composé par l’Abbé Fiacre Cochart, en 1750. (cantique chanté jadis dans nos cimetières au moment où la procession funèbre arrivait devant l’ossuaire) ou bien « Kan an Anaon » (le chant des trépassés) et le « De Profundis » (version bretonne écrite par l’Abbé Pierre Le Goff (1860-1941) d’après le psaume 129 et composée est de Dom Louis Hervé. Par ailleurs, nous sommes partis, à partir de vieux textes comme « Kimiad an Ene » et « Inneaoù ar Purgator » à raconter et chanter ces mots, ces phrases dans le but de leurs redonner de la signification, nous avons procéder comme si avions eu à composer de la musique pour un film avec nos instruments et la voix. Les Gwerzioù ont leurs places également dans le spectacle, avec ces chants sombres, fantastiques, tragiques mais poétiques comme « Plac’hig Eusa » ou bien « Intañv al Lochenn » (issues de poèmes de Yann Pêr Vari ar Skourr). Enfin, nous traitons de l’Amour et de l’Espérance avec notre imagination de ce qui se passe après le voyage de notre âme en direction de l’Au-Delà avec « Hent ar Baradoz » ; Enfin nous aurons une pensée aux gens qui nous ont quitté, qui ont compté et qui veillent sur nous avec « Salud deoc’h Iliz ma farrouz ».

Le répertoire religieux et profane breton parlant de la mort est souvent magnifique et donne à toucher du doigt une certaine transcendance. Comment avez-vous sélectionné vos titres ?

Tout d’abord, nous avons voulu créer un véritable spectacle avec un fil conducteur commençant au départ de l’âme (Kimiad an Ene) jusqu’à l’arrivée dans l’Au-Delà, en passant par les veillées funèbres et les rites consacrés, le chemin des âmes (Hent Sant Jakez)  qui est la voix céleste qu’empruntent les âmes pour passer dans l’autre monde…(en voyageant entre l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis). A partir de là, nous avons  réfléchi à des Cantiques ou Gwerzioù correspondants à ce que nous voulions raconter. En faisant des recherches dans le livre : « les Hymnes de la Fête des Morts en Basse-Bretagne » nous avons découvert de nombreux textes qui nous parlaient. Je pense par exemple à « Gwerz ar Garnel » qui nous dit demande d’aller à l’ossuaire voir nos parents et amis. Et continuer à rendre visite à nos tombes, car quand nous prions pour nos morts, ils sont présents dans notre esprit. Ou ce splendide cantique, qui nous prend tous au trippes, qu’est le « Salud deoc’h Iliz ma farrouz » qui nous dit qu’au jour du jugement, quand Dieu nous appellera, vivants nous nous lèverons de la tombe, pour aller de l’église de la paroisse à l’église du Paradis. 

Enfin concernant le choix des Gwerzioù, il a été naturel car nous voulions traiter des histoires qui nous touchaient comme « Intañv al Lochenn » qui parle d’un père de famille qui perdait sa femme en laissant ses 6 enfants, et le père se questionne sur la réussite de ses enfants pour retrouver un sens à sa vie. Ou « Plac’hig Eusa » afin de rendre hommage à ces grands passeurs de mémoires qui nous ont quitté comme Louise Ebrel, Yann Fañch Kemener, Georges Cadoudal, Jacky Hétet.

Je me souviens des échanges que j’avais avec Yann-Fañch Kemener lorsqu’il préparait son album Ar Baradoz. Vous placez-vous dans cet héritage qu’il nous a laissé ?

Yann-Fañch était un passeur de mémoire et un transmetteur au grand cœur, un véritable modèle. A notre niveau, nous avons étudié des textes, des collectages, écouté de nombreuses choses, nous nous sommes intéressés à cette littérature, au sens des mots, des notes comme il savait également le faire. J’ai été très touché par son disque « Ar Baradoz », des textes choisis, de l’interprétation de chaque mots, chaque note. Mais je dirai qu’il nous a inspiré et motivé à tracer notre propre route avec nos convictions, nos idées, nos envies, nos expériences de la vie (décès de proches). En décidant de créer un spectacle sur le « Kan an Anaon », il est vrai que notre intention est déjà de traiter un sujet qui est présent chez les bretons, et même chez les celtes depuis la nuit des temps. Mais nous le faisons aussi comme si nous nous devions remettre en lumière ce répertoire comme un héritage à transmettre à notre tour, un patrimoine avec de très beaux textes et très belles mélodies émouvantes qui expriment toute l’âme bretonne face à la mort. Et qui font toujours sens aujourd’hui, avec une transcendance et une sorte d’élévation de l’âme.

Il est regrettable que la majorité de nos cantiques dédiés aux trépassés soient passés de vie à trépas dans nos paroisses ? Par vos concerts, pensez-vous pouvoir faire reprendre conscience de la richesse de ce répertoire ?

En effet, c’est un objectif de faire reprendre conscience de la richesse de ce répertoire car de nos jours, les obsèques en Bretagne jadis bretonnante, sont à l’image des obsèques de n’importe quelle région de France. Nous regrettons que nos cantiques bretons des défunts, ne soient plus que des «pièces de musées»; à leur tour, ils sont morts. Nous souhaitons insuffler un renouveau afin de les faire revivre en les rendant aux vivants. L’année dernière nous avons été demandés pour nous occuper 4 cérémonies d’adieu où les familles nous demandaient de faire de belles messes composées de cantiques bretons et gwerzioù. Ce sont des signes d’espoir.

On ne peut vous écouter sans songer à souhaiter un album ? L’avez-vous envisagé ?

C’est vrai que cela fait quelques temps que ce projet est dans nos esprits, mais nous ne voulions pas faire un album pour en faire un. Nous voulions laisser une trace de ce travail de recherches, de création et de collectages avec un thème qui me touchait particulièrement pour avoir eu plusieurs décès dans ma famille depuis le début de cette crise sanitaire. Avec ce spectacle « Kan an Anaon », nous avons je pense, la matière de proposer quelque chose de mûr. L’arrivée d’Eliaz Le Bot dans notre duo avec Tony Dudognon, apporte également de la fraîcheur avec le saxophone qui apporte autre chose que le couple biniou-bombarde, une autre vision, une certaine douceur qui fait chanter les notes et les mots avec une très belle sensibilité. Le CD sera enregistré donc à la fin de notre tournée de 30 dates soit en début septembre pour une sortie de « Kan an Anaon » pour les fêtes de fin d’année.

 

 Concerts de l’été :

  • Samedi 10 Juillet à 21h00 PLOUESCAT Eglise Saint-Pierre
  • Dimanche 11 Juillet à 17h00 ROSPORDEN Eglise Notre Dame
  • Samedi 17 Juillet à 20h30 CHATEAULIN Eglise Saint-Idunet
  • Dimanche 18 Juillet à 20h30 PLOUGASNOU Eglise Saint-Guinal
  • Mercredi 21 Juillet à 21h00 LA FORET FOUESNANT Théâtre de Penity
  • Jeudi 22 Juillet à 20H45 LARMOR PLAGE Eglise Notre Dame
  • Vendredi 23 Juillet à 20h45 CARANTEC Eglise Saint-Carantec
  • Samedi 24 Juillet à 21h00 PONTIVY Basilique Notre Dame de la Joie
  • Lundi 26 Juillet à 21h00 QUIMPER Cathédrale Saint-Corentin
  • Mardi 27 Juillet à 18h30 QUIMPERLE Eglise Notre Dame
  • Samedi 31 Juillet à 21h PLOGONNEC Chapelle Saint Theleau
  • Dimanche 1er Août à 20h30 LANNILS Eglise Saint-Pierre et Saint-Paul
  • Lundi 2 Août à 10h30 LESNEVEN Eglise Saint-Michel
  • Vendredi 6 Août à 20h45 PAIMPONT Abbaye Notre Dame
  • Lundi 09 Août à 20h30 ROSCOFF Eglise Notre-Dame de Croaz Batz
  • Vendredi 13 Août à 20h45 ARZON Eglise Notre Dame de l’Assomption
  • Samedi 14 Août à 21h00 SIZUN Eglise Saint-Suliau
  • Dimanche 15 Août à 18h ROSTRENEN Eglise Notre Dame du Roncier
  • Mardi 17 Août à 20h30 PLEYBEN Eglise Saint-Germain
  • Mercredi 18 Août à 20h30 HENNEBONT Basilique Notre Dame du Paradis
  • Jeudi 19 Août à 21h00 PLOZEVET Eglise Saint-Demet
  • Vendredi 20 Août à 21h00 CANCALE Eglise Saint-Méen
  • Samedi 21 Août à 20h45 GUER Eglise Saint-Gurval
  • Dimanche 22 Août à 17h LANNION Eglise Saint-Jean du Baly
  • Mercredi 25 Août à 21h00 DOUARNENEZ Eglise Saint-Herlé

  Contact : Pêr-Vari KERVAREC     07 68 98 99 82

                     Tony DUDOGNON      06 20 04 29 64

=> triokervareclebotdudognon@gmail.com

Retrouvez-nous sur   https://www.facebook.com/kervareclebotdudognontrio

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD".

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