Peu avant sa sortie, j’avais entendu dire que les Editions Ar Gedour s’apprêtaient à publier un recueil de cantiques bretons de Noël ; une excellente idée, mais aurions-nous, pensais-je, quelque chose de différent qui n’existait déjà, et qui n’incitait guère à s’intéresser et aimer nos cantiques bretons? Eh bien, le moins que l’on puisse dire est que cette jeune maison d’éditions a su innover, et proposer aux amoureux de nos beaux cantiques bretons un très beau recueil – « Kantikou Nedeleg » (cantiques de Noël) – un ouvrage qui s’adresse aussi à tous ceux qui voudront bien découvrir ce trésor, un vrai cadeau de … Noël. Faites-en vite l’acquisition, car vous ne serez pas déçus …
En effet, depuis bien trop longtemps, des décennies sans doute, il n’y avait plus de recueils de nos cantiques de noël, et d’ailleurs de tous les autres, si ce n’est de très vieilles éditions reléguées aux rayons des collectionneurs éventuels, ou encore de feuillets agrafés, aux pages si peu usées, que l’on voyait bien qu’il n’en était pas fait beaucoup usage. Un cadeau de Noël donc, mais un cadeau somptueux, car ce recueil ne se contente pas d’être que cela. Il est aussi un véritable livre d’art, tout en étant, c’est d’ailleurs son souhait, un outil de travail pour les équipes liturgiques, les animateurs de chorales paroissiales, qui désormais n’auront plus d’excuses pour ne pas inscrire à leurs répertoires, au moins deux ou trois des 30 cantiques qui nous sont proposés, mais aussi un outil pour les apprendre en famille. Trente cantiques, dont certains très connus comme le Peh trouz zo ar en douar ; d’autres, en breton et en français provenant de Haute-Bretagne. Ce recueil, réalisé sous la direction de Louis-Marie Salaün qui signe la préface, offre aussi deux plus : les partitions musicales de chaque cantique et les partitions pour bombarde en trois tonalités.
Le lecteur attentif sera frappé par la simplicité théologique des cantiques. En quelques mots, en deux ou trois phrases, ils nous disent l’essentiel du Saint Mystère de l’Incarnation et, la musique aidant, nous n’avons aucune difficulté à nous « plonger dans ce bain vivifiant de Noël ». Un seul exemple : l’émouvante Cantilène à Notre-Dame, de Haute-Bretagne (Pays de Dol, Saint Malo) qui est en français. En quatre strophes de deux lignes chacune, elle nous transporte du Mystère de l’Incarnation (la crèche) au Mystère de la Rédemption (le Golgotha), avec les sanglots de Marie penchée sur le berceau de son Divin Enfant, et qui pense que ce berceau deviendra la Croix. Son fils bien aimé, lui demande «Qu’avez-vous donc ma Mère, qu’avez-vous à pleurer ? », et elle de lui répondre : « Je pleure pour ces femmes qui sont en peine d’enfants ». Tout est dit, Marie pleure pour son fils Jésus, mais sans doute aussi pour tous les nouveaux nés que Hérode va faire massacrer. Elle pleure à n’en pas douter pour toutes ces mères qui perdent leur enfant. Comment ne penserions-nous pas que les larmes de Marie, transcendant les siècles coulent aussi pour notre époque qui multiplie les massacres des enfants dans le sein de leurs mères, ces « femmes sans enfants », des massacres des Saints Innocents journaliers des temps modernes.
Aimer et promouvoir nos cantiques bretons, ce n’est point faire dans la nostalgie, mais bien au contraire c’est se mettre, en passant par la beauté et le vrai, au service de l’évangélisation. Il serait grand temps que cette évidence soit comprise et acceptée par tous ceux qu’inquiète la baisse de la foi, de la pratique religieuse, et de la désertion de nos églises.
Non satisfaites de nous offrir cantiques et partitions, les Editions Ar Gedour, en préambule des cantiques, des partitions, met ses lecteurs dans l’ambiance du Saint Mystère de la Nativité. Tout d’abord avec deux textes : l’un qui nous invite à « Lever les yeux vers le Ciel », l’autre qui, cantiques après cantiques nous fait progresser sur la route vers la crèche du Divin Enfant. Trois contes de Noël inédits pourront aussi enchanter parents et enfants. Mais aussi le souvenir de l’éditeur qui, enfant, assistait en famille aux messes de minuit à la paroisse de Quistinic (Morbihan) où l’abbé Marcel Blanchard y célébrait des messes où le breton, le latin (chant grégorien), le français cohabitaient harmonieusement dans la beauté et le sacré d’une belle liturgie. Tout le monde y trouvait son compte, la preuve : l’église était alors trop petite, il fallait arriver une heure avant si l’on ne voulait pas rester debout ou … dehors. Moi-même, à ce rendez-vous, auquel, en famille, je ne manquais jamais, seule la neige, à cause de nos hivers morbihannais trop doux, faisait défaut…
Autre cadeau, les très belles illustrations, elle aussi inédites, de René Le Honzec qui donne à l’ouvrage son air festif. Et pour être complet, félicitons aussi les utiles explications linguistiques, musicales du spécialiste Uisant Er Rouz.
N’hésitez donc pas à acquérir ce beau livre : il est pour les sept à soixante-dix-sept ans et plus, tant l’émerveillement appartient à tous les âges…
Bref ! En refermant ce beau livre, il était incontestable que les Editions Ar Gedour, qui ont déjà publié une belle BD sur Sainte Anne d’Auray, venait combler un grand vide. Les nombreuses maisons d’édition bretonnes brillent par l’absence de livres bretons chrétiens ancrés dans une identité chrétienne et bretonne authentique, dans l’idéal Feiz ha Breizh, sans doute par manque d’auteurs convaincus de la dimension religieuse de la culture bretonne, ou encore que foi et culture sont liés. Ar Gedour comble ainsi un grand vide. Que le directeur de cette jeune maison d’édition, mais aussi ses collaborateurs, en soient vivement remercié. Mais Eflamm Caouissin, fondateur et directeur d’Ar Gedour, n’est-il pas le petit-fils d’Herry Caouissin qui fonda à Landerneau les célèbres Editions du Léon / Ololê / Urz Goanag-Breiz, qui publia de magnifiques livres bretons, notamment pour la jeunesse, très recherchés aujourd’hui des collectionneurs. Les Editions Ar Gedour s’inscrivent donc dans cet héritage et cette tradition où les œuvres bretonnes étaient belles, parce que … chrétiennes. Eh oui ! C’est ainsi, la foi qui se marie à la beauté permet de faire de grandes choses. Nos anciens des Seiz Breur, de l’Atelier breton d’Art chrétien (An Droellen) ou le Bleun-Brug l’ont largement prouvé. Comme on dit : « Bon sang ne saurait mentir ! »
Un souhait : que les Editions Ar Gedour nous offrent une suite, tant il y a de cantiques de Noël à découvrir ou à redécouvrir. Mais aussi qu’avec ce premier ouvrage s’ouvre une collection, outils de travail, qui portera à notre connaissance tous les cantiques des divers temps liturgiques, de la vie chrétienne (cantiques à la Vierge Marie, au Christ, aux saints et saintes de Bretagne).
Un dernier mot : tous ceux qui déplorent l’absence, sinon le rejet, de nos cantiques bretons à l’église se doivent d’acquérir ce livre, première action pour travailler à leurs réhabilitations. Kantikou Nedeleg est désormais là pour ça : connaître, découvrir, apprendre et aimer nos cantiques. Alors, il n’y aura plus d’excuses pour dire « On ne connaissait pas ! » Ou encore, « les cantiques bretons, c’est trop compliqué à apprendre, et qui les connaît aujourd’hui ? »
ERWAN FURIC (Lecteur assidu d’Ar Gedour et fervent des cantiques bretons)
Un article qui fait chaud au cœur ! Merci à Erwan Furic pour ce témoignage de reconnaissance autour de ce beau projet fruit d’un beau travail d’équipe !