Saints bretons à découvrir
saint reconnu par rome
Photo V. Charbey / Ar Gedour 2017

[DEBUNKAGE] »La plupart des saints bretons – comme saint Malo – n’étaient pas religieux ». Vraiment ?

Amzer-lenn / Temps de lecture : 7 min

Le débunkage consiste à prendre des déclarations et à montrer en quoi elles sont erronées ou trompeuses. Ar Gedour a débuté déjà il y a un moment à corriger les propos de divers médias, notamment sur une affirmation visant à dire à tort que les saints bretons ne sont majoritairement pas canonisés. Au vu des propos récurrents erronés, Ar Gedour remettra donc les pendules à l’heure quand cela s’avérera nécessaire.

« La plupart [des saints bretons] ne sont pas des religieux mais des hommes braves, ancrés dans l’histoire de la région, comme Saint Malo » (France Info, 8/02/21)

Tandis qu’un reportage est consacré sur France 2 à la Vallée des Saints, France Info reprend un propos du journaliste dans le document, affirmant que « la plupart des saints bretons ne sont pas des religieux mais des hommes braves, ancrés dans l’histoire de la région, comme saint Malo » :

Maladresse du journaliste ou méconnaissance du sujet ? Si effectivement parmi ceux qui ont rejoint l’aréopage des saints de Bretagne on retrouve un certain nombre de laïcs (entendez par là des personnes non ordonnées), la majorité d’entre eux sont bien des religieux, contrairement à ce qui est affirmé dans le reportage. Au moment de la chute de l’empire romain, des notables locaux prirent la main, des deux côtés de la Manche, et on en retrouve quelques-uns parmi les saints fondateurs. Mais par la suite, la majorité de nos saints bretons furent des missionnaires, et leurs périples correspondaient non à une fuite mais à un choix de vie dicté par une foi profonde en Dieu, identique aux 12000 missionnaires bretons partis à travers le monde à la fin du XIXème siècle et début du XXème siècle. Ils ont voué leur vie à Dieu. En cela, ils sont bien des religieux. Et s’ils faisaient preuve de bravoure, ils la tiraient de leur foi en Dieu !

Quant à Saint Malo, s’il a dit la messe comme indiqué dans le reportage, c’est qu’il était prêtre. D’ailleurs, toutes les sources disent qu’il est entré au monastère de Llancarfan avant d’aller évangéliser l’Armorique. Ce qui en fait bien un religieux.

Etre chrétien est-il une tare telle qu’il est nécessaire pour certains de gommer l’identité propre de nos saints et relativiser leur engagement religieux ainsi que leur abnégation pour pouvoir faire mieux accepter ces figures multiséculaires et les faire passer uniquement pour des semi-dieux homériques issus d’un ouvrage légendaire, une curiosité culturelle dépouillée de son essence spirituelle  ?

Pour ceux qui voudraient en savoir plus

La vie de saint Malo est fort mal connue, en ce sens que le saint, très populaire, fait l’objet de nombreuses légendes. La datation de son abbatiat pose problème : certaines sources, les plus anciennes, le font contemporain de saint Brendan et saint Samson, plaçant sa mort à 565, d’autres, comme dom Lobineau sont au contraire partisans d’une datation tardive.

Selon la tradition, Malo naquit en pays de Galles, dans la région de Gwent dans la seconde moitié du VIe siècle. D’autres sources disent en 497. Il aurait été parent de saint Samson. Son père, comte de la région envoya le jeune Malo à l’école monastique de Llancarvan. Dès ces premières années, il s’y distingue par plusieurs miracles éclatants. Un jour, rapporte la chronique, Malo et ses condisciples s’en furent se promener sur la plage. L’enfant s’y endormit et ne personne ne s’aperçut longtemps de son absence. Lorsqu’au lendemain matin, on se mit à sa recherche, pensant qu’il avait été emporté par les flots de la marée montante, la communauté monastique eut la surprise de découvrir le jeune Malo porté par les flots, chantant les psaumes sans même être mouillé… Malo devint moine de Llancardan après quelques années d’études et il semble qu’il fut fort jalousé de ses frères. La légende raconte encore que, son tour étant venu de quérir les tisons pour éclairer le monastère et donner les premières lumières à l’abbé, il les trouva éteints tout exprès. Il les prit sur sa poitrine, mais arrivé à la cellule de l’abbé, il la trouva déjà éclairé : un ange avait remplacé Malo, sur la poitrine duquel les tisons s’étaient d’ailleurs allumés sans lui faire de mal.

La légende fait aussi figurer Malo au nombre des moines faisant partie du célèbre voyage de Brendan, mais il est plus probable qu’il resta à Llancardan, où il fut ordonné prêtre, puis sans doute évêque.

Malo quitte alors son pays natal et s’embarque pour l’Armorique, où il accoste dans l’îlot du saint ermite Aaron, lequel lui conseille de gagner Alet. Malo y commence son intense prédication, fonde plusieurs monastères et porte sans doute dès lors le titre d’évêque-abbé. Les miracles qui lui sont attribués au cours de son épiscopat ne sont pas moins nombreux que ceux recensés après sa mort. « Nous nous contenterons de dire en général, écrit Dom Lobineau, auteur d’une histoire des saints de Bretagne au XVIIIe siècle, que toute sa vie fut employée ou à guérir des corps ou à sanctifier des âmes, par ses miracles et par ses prédications, et que, ne refermant pas son zèle dans les murs d’Alet, il parcourut le pays pour visiter les églises, guérir les malades, instruire le peuple, donner les sacrements, ordonner des prêtres et faire du bien à tous ».

Malo eut à faire face à de nombreuses difficultés. Il fut mêlé à la politique de son temps, histoire semée d’assassinats. Ainsi Rethwall, gouverneur de l’usurpateur Haeloc fit-il assassiné sept des frères de ce dernier, dont le plus jeune, réfugié au logis même de saint Malo. Persécuteur de Malo, Haeloc devint aveugle, avant d’être guéri par le saint évêque.

Malo eut aussi à affronter la colère de la population qui n’acceptait guère de convertir certains usages païens ou de renoncer à la pratique des mariages entre parents, que l’évêque cherchait à empêcher. Il est possible qu’il connut aussi l’opposition de la communauté chrétienne déjà en place avant son arrivée. Malo s’embarqua alors à nouveau et accosta en Saintonge où il évangélisa les populations. Il y demeure honoré sous le nom de Maclou. Là encore Malo accomplit de nombreux miracles. Rappelé par les habitants d’Alet, il y revint afin de conjurer la famine et une épidémie de peste qui s’étaient abattues sur la ville. Pressé de retrouver une certaine solitude, il s’embarque cependant de nouveau pour la Saintonge, y fonda un monastère où il mourut. Il est fort difficile d’indiquer la date précise de la mort du saint : selon les sources, la datation varie de 565 à 640, en passant par 621.

Les gens d’Alet souhaitèrent néanmoins posséder le corps de leur évêque et envoyèrent en Saintonge une délégation de 12 personnalités. Plusieurs légendes existent quant à la translation d’une partie des reliques à Alet. Quoi qu’il en soit, ces reliques trouvèrent refuge au Xe siècle partie à Montreuil-sur-Mer, partie à Longpont au sud de Paris où les bretons de la capitale les vénèrent encore. Une autre partie des reliques, transportée à l’église Saint-Jacques du Haut-Pas à Paris a été donnée à l’abbaye de Boquen en 1954. Elles s’y trouvent toujours, mêlées à celles de 16 autres saints bretons. Il semble qu’une parcelle soit aussi conservée à Saint-Malo même. Le culte du saint s’est lui répandue bien au-delà des frontières de Bretagne, où plusieurs paroisses lui sont dédiées. Sous différentes formes, dont les plus courantes sont Maclou et Macut, on le rencontre en Saintonge et en Poitou, en Normandie où une église lui est dédiée à Rouen et jusqu’en Allemagne et dans les pays nordiques où des marins bretons l’avaient fait connaître.

 

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À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD".

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5 Commentaires

  1. Si saint Malo n’était pas saint qui était-il ? Un homme brave mais surement pas religieux !!!?…
    Je ne sais si la bravitude de ce « @#* est à l’origine de cette affirmation péremptoire, mais sa christianophobie manifeste sans aucun doute.

    Je conseillerai en toute charité à ce soi disant  »journaliste » de réfléchir rapidement à sa toute prochaine reconversion. Pour le reste pas surpris non plus que les  »France Infox » reprennent à leur compte cette connerie. Tout est bon pour alimenter le décervelage ambiant.
    Autre question : Qu’en pense la direction de la Vallée des Saints ?

  2. Merci pour cette rectification. Ce genre « d’erreur » est curieusement faite toujours dans le même sens. Encore un peu et l’on dira que l’Eglise a récupéré le personnage de Saint Malo… ou de « Malo » !
    En tout cas, trugarez deoc’h !

  3. J’ai été surpris par les commentaires du journaliste mais surtout par ceux du nouveau directeur de la Vallée des Saints pour qui les statuts représentaient l’imaginaire et les légendes bretonnes.
    Les mots prononcés ne sont peut-être pas exacts, mais c’est ce que j’ai retenu et j’en suis outré.
    C’est sûrement plus attrayant et commercial de présenter le site comme une nouvelle « Ile de Pâques bretonne », avec ses mystères.
    Je ne pense pas que les donateurs suivent cette nouvelle orientation vers un parc d’attraction.

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