Des agences bancaires contre les pardons ?

Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min

Ca s’est passé en Bretagne l’an passé. La dimension religieuse des pardons devait être gommée sur les affiches imprimées par une agence bancaire. Etait-ce une initiative personnelle d’un directeur de banque ou est-ce une politique générale ? 

L’argent qui provient des pardons intéresse les banques, mais jusqu’à un certain point, semble-t-il, quitte à inciter à partir ailleurs.

Traditionnellement, moyennant un compte chez elles, les banques et assurances bretonnes n’hésitent pas à sponsoriser des événements notamment en fournissant gratuitement des nappes à leur logo ou encore en assurant la reproduction des affiches, contre la présence de la marque sur les supports. Il en est ainsi pour les comités de chapelle.

Pas de communication politique et religieuse

Selon nos informations, l’agence locale d’une banque connue ne sponsorise ainsi plus depuis l’an passé les affiches de pardons, sauf si les associations acceptent d’en gommer le caractère religieux. Cela a provoqué la stupeur des bénévoles.

D’après l’un d’entre eux qui nous affirmait que cette décision semble dater de 2024, le mot  »pardon », les noms des saints, les logos au caractère religieux (souvent en forme de chapelle bretonne), les mentions  »Messe et procession à 10h30 » ou  »vêpres » doivent totalement disparaître. Même les photos de chapelle peuvent poser problème ». Toujours selon nos sources, seules les activités profanes auraient dorénavant le droit de paraître sur des affiches de pardon en partie censurées !

Il semblerait que ce ne soit pas uniquement un comité de chapelle qui soit touché. En effet, plusieurs personnes liées de près ou de loin à d’autres comités de chapelles de la région semblent tout à fait au courant de cette réalité. La question qui se pose est : cela touche-t-il uniquement une agence locale avec le zèle fondamentaliste d’un directeur d’agence qui ne connait pas grand chose à la réalité du terroir, ou cela relève-t-il d’une politique plus large ? Ceci est d’autant plus intéressant à savoir que les comptes bancaires de nombreux comités de chapelles, de paroisses ou d’écoles privées catholiques du secteur sont domiciliés dans cette banque.  Il y a fort à parier que ce soit un peu partout la même  chose dans le secteur.

un pardon sans dimension religieuse n’est plus un pardon mais qu’une simple fête de voisinage qui ne tiendra pas, et qu’un pardon sans la dimension profane n’est plus un pardon mais une simple messe, qui fera que le pardon ne tiendra plus dans le temps non plus.

Les pardons inscrits à l’inventaire national

L’Histoire de cette banque s’inscrivant dans la réalité bretonne, il est curieux de voir cette tentative de gommage d’une partie de l’identité bretonne dans sa dimension particulièrement rurale, d’autant plus que les pardons et troménies de Bretagne ont été inscrits en 2020 à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel. Comme le dit la Région Bretagne dans sa présentation : « Pas de pardon en effet sans une chapelle, une église paroissiale ou même une cathédrale… Pas de pardon non plus sans bannières, statues de processions, ex-votos, reliquaires, autant d’objets témoignant de la richesse et de la diversité de ces pratiques. »

Il serait sans doute bon de rappeler aux responsables de ces agences bancaires qu’un pardon sans dimension religieuse n’est plus un pardon mais qu’une simple fête de voisinage qui ne tiendra pas, et qu’un pardon sans la dimension profane n’est plus un pardon mais une simple messe, qui fera que le pardon ne tiendra plus dans le temps non plus. Et que le tout est un événement culturel breton, sur lequel finalement ils essuient leurs pieds.

Une censure à la tête du client

Ces établissements ont parfaitement le droit d’imposer leurs conditions s’ils paient les affiches. Mais en exerçant une forme de chantage, ces agences bancaires participent à la chute des pardons concernés, impliquant de facto leur disparition (et donc, soyons pragmatiques, la disparition des comptes bancaires des comités de chapelle concernés). Des choix arbitraires qui laissent clairement planer des interrogations, particulièrement lorsqu’on sait que ladite banque a lancé dans les années 2010 sa première SICAV investie en conformité avec les principes d’une autre religion, ou plus récemment la possibilité de prêt reposant sur des principes fondamentaux qui correspondent aux lois de cette dernière. Nous n’inventons rien : une communication existe sur ce sujet.

Ne plus se laisser marcher sur les pieds

Il n’est pas dans notre intention de jalouser qui que ce soit, mais de souligner une politique prenant pour un poids deux mesures. Le « pas de communication politique ou religieuse » est clairement affiché à la tête du client. Ces banques ont parfaitement le droit de dicter leurs propres règles. Plusieurs solutions s’ouvrent donc aux comités de chapelles confrontés à ces oukases :

  1. signalez sur les réseaux sociaux ce problème, et laissez un avis google rappelant ce positionnement inadmissible. Faites également remonter votre mécontentement non seulement à la direction locale mais aussi auprès de la direction départementale de ces établissements (qui n’est sans doute pas au courant du zèle local).
  2. faites vos impressions d’affiches ailleurs (notamment aux presbytères). Vu le faible coût d’impression, ça évitera de faire de la pub pour des établissements qui ne le méritent pas.
  3.  Vous pouvez également changer de domiciliation bancaire en faisant comprendre pourquoi.

Cette situation montre également qu’il est temps de se mettre en réseau et de ne pas être seuls face à des mastodontes qui semblent dicter leur vision d’un monde nouveau qui s’étend en brisant ce que nos ancêtres ont bâti !

À propos du rédacteur Tudwal Ar Gov

Bretonnant convaincu, Tudwal Ar Gov propose régulièrement des billets culturels (et pas seulement !), certes courts mais sans langue de buis.

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10 Commentaires

  1. C’est délirant, mais nous devons nous attendre à tout. Un horaire de messe sur une affiche de pardon informe les fidèles des moments de célébration, et leur permet de participer aux rites et aux activités de leur communauté religieuse. Il n’y a rien d’épouvantable là-dedans ! La liberté religieuse fait partie des droits fondamentaux garantis par la puissance publique.

  2. La liberté religieuse fait peut-être partie des droits fondamentaux garantis par la puissance publique, mais en attendant personne ne peut plus garantir que notre patrimoine soit transmis aux générations suivantes ! De quoi se mêle cette agence bancaire ? Si j’ai bien compris l’article, et sous le prétexte de ne pas soutenir une « communication politique et religieuse », c’est le patrimoine chrétien catholique de Bretagne qu’il faudrait effacer pour rentrer dans les clous !

    • « Des choix arbitraires qui laissent clairement planer des interrogations, particulièrement lorsqu’on sait que ladite banque a lancé dans les années 2010 sa première SICAV investie en conformité avec les principes d’une autre religion, ou plus récemment la possibilité de prêt reposant sur des principes fondamentaux qui correspondent aux lois de cette dernière ». En effet d’autres modes de financement, permettraient peut-être d’encadrer plus sereinement nombres d’opérations de nature bancaire, par des principes moraux directement issus de l’interprétation du corpus chrétien et de la doctrine sociale de l’Église. Pourquoi n’y aurait-il jamais rien de ce genre pour des catholiques pratiquants ?

  3. Ce que je retiens pour ma part : Le mot  « pardon », les noms des saints, les logos au caractère religieux (souvent en forme de chapelle bretonne), les mentions « Messe et procession à 10h30 » ou « vêpres » doivent totalement disparaître. Même les photos de chapelle peuvent poser problème ! A ce compte là, s’agit-il encore d’une affiche de pardon ?

    • Vous avez tout compris. Si on gomme la dimension religieuse du pardon de ma chapelle de quartier, il ne reste plus que l’apéritif. Et personnellement je ne bois pas d’alcool !

  4. Autrement dit nos banques soutiennent les comités de chapelles qui ont leurs comptes chez elles, et participent mêmes à la réalisation de leurs affiches de pardons, mais à condition que ces dernières soient « politiquement correctes », c’est à dire cplt  »purgées » de toute référence au christianisme !!? … Ce genre d’initiative pitoyable serait risible si la religion discriminée n’était celle du plus grand nombre, et si la tradition des pardons en Bretagne n’était une institution implantée chez nous depuis des siècles. Bien sur cette censure est à géométrie variable.

    • En effet, il est clair que pour conserver l’argent de leurs aimables clientèles, les pratiques bancaires s’adaptent sans problème aux différents systèmes philosophiques ou religieux défendus par leurs clients. Mais là n’est pas le problème. Le problème c’est la soumission presque totale des catholiques de ce pays à la bien pensance du moment. On pourrait presque leur faire subir n’importe quoi.
      Il n’en a pas toujours été ainsi. Les croyants des autres confessions religieuses ne semblent pas aussi soumis ni même dominés intellectuellement à ce point là. De fait les autres croyants se montrent bcp plus réactifs quand il s’agit de défendre leurs droits. C’est à dire que certaines religions se défendent mieux que d’autres en exigeant des aménagements qu’elles obtiennent !

  5. Jean-Louis Pressensé

    Mais pourquoi tourner autour du pot ? S’agit du C.A. ou du C.M.B. Cela pouvant provenir des deux…

    • « Cette situation montre également qu’il est temps de se mettre en réseau et de ne pas être seuls face à des mastodontes… ». La mise en lumière de cette réalité prouve que nous sommes complètement à l’ouest et largement distancé par certaines communautés religieuses particulièrement dynamiques, quoique toujours minoritaires en Bretagne! Et pourquoi ne serions nous pas capables d’en faire autant ?

  6. Honteux !

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