[DIOCESE DE VANNES] Une relique de Sainte-Barbe au Faouët ?

Amzer-lenn / Temps de lecture : 7 min

Se pourrait-il donc qu’une relique de sainte Barbe fut vénérée au Faouët, dont une chapelle très ancienne et très connue lui est dédiée ? C’est la question que nous nous sommes posé lorsque, il y a plusieurs années, lors d’un rangement de la sacristie du Faouët, nous sommes tombés sur un petit reliquaire, relégué au coin d’une armoire.

A une certaine époque (et toujours un peu de nos jours), les reliques étaient délaissées, « preuves d’un fétichisme qui entravait une foi d’adulte » disait-on. Les reliques de nos saints, comme les bannières et leurs cantiques, n’avaient plus leur place dans nos églises et chapelles. Comment pourtant ne pas comprendre qu’à travers la relique d’un saint que l’on vénère, c’est Dieu que l’on adore.

« Nous honorons les reliques des martyrs, afin d’adorer celui dont ils sont les martyrs » (St Thomas d’Aquin)

Le secteur du Faouët est très connu notamment pour Saint Fiacre et Sainte Barbe, qui ont chacun une chapelle dédiée, et un pardon qui avait une ampleur considérable. Il n’est donc pas incongru de se demander si une relique de Sainte Barbe soit conservée au Faouët.

Le culte de Sainte Barbe se répandit en Europe quand des reliques ramenées d’Orient permirent l’accomplissement de miracles, notamment de guérisons. Il ne toucha pas vraisemblablement la Bretagne avant le XIème siècle.

 

Sainte Barbe du Faouët

Selon la légende locale, la chapelle Sainte-Barbe est le résultat du vœu d’un seigneur de Locmalo, Jean de Toulbodou, qui, pris dans un orage à cet endroit lors d’une chasse, promit d’édifier un lieu de culte à sainte Barbe s’il échappait à la foudre, à l’endroit où s’arrêterait un énorme bloc qui dégringolait vers lui. Le lendemain Toulbodou achète le terrain au baron du Faouët, Jehan de Bouteville, et fait entreprendre sa construction à partir du 6 juillet 1489. En réalité, la construction a probablement été encouragée par les seigneurs du Faouet, les Du Fresnay très actifs dans la paroisse profonde, afin de favoriser les dons des fidèles lors du pardon de sainte Barbe et des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle, la construction ultérieure de l’escalier monumental facilitant les processions et pèlerinages*.

L’ampleur du pardon, la chapelle elle-même, la fontaine de dévotion / guérison, la réputation de ce lieu placé sur les flancs d’un vallon boisé financé par les seigneurs locaux entre le XVIème et le XVIIIème siècle, le fait que cette chapelle soit sur le chemin de St Jacques de Compostelle, tout cela mène à penser qu’il n’est pas impossible qu’une telle relique ait pu arriver au Faouët.

On peut même en être certains. Il existait en effet une châsse-reliquaire qui contenait des reliques de St Fiacre et de Sainte Barbe, pièce d’orfèvrerie qui aurait été réalisée vers 1460-1470. Ce reliquaire est désormais à Vannes, et la relique de Sainte Barbe y est toujours présente, nous a indiqué Diego Mens, chargé de la Conservation des antiquités et objets d’art pour le Conseil départemental du Morbihan. L’authentique (à savoir ce qui authentifie la relique), nous a-t-il précisé, est assez tardif (1886) et date de l’oculus bricolé contenant ladite relique. Il faut savoir que, lors de la Révolution Française, bien des reliques furent emportées et cachées, mais sans les attestations. Ce n’est qu’au XIXème que les authentiques furent délivrés par les autorités ecclésiales.

1886… c’est effectivement assez tardif, et nous ne pouvons nous baser sur cette date uniquement. Il n’est pas inutile de se pencher ici sur les traces de la présence de reliques dans la fameuse gwerz de Louis le Ravallec, collectée par Hersart de la Villemarqué. Fait-divers sanglant, la mort de Louis Le Ravallec en avril 1732 a marqué les esprits dans le pays du Faouët et de Langonnet. Le drame est à l’origine de cette célèbre complainte… qui mentionne les reliques. Le 26 avril 1732 est découvert le corps noyé de Louis Le Ravallec, originaire de Langonnet et disparu depuis 12 jours. Dans la gwerz, nous voyons que les assaillants de Louis Le Ravallec l’auraient frappé sans l’achever – à en croire la mémoire populaire – mais, protégé par les reliques de sainte Barbe qu’il avait avec lui, il aurait survécu sous un tas de feuilles où on l’avait jeté à demi-mort. Ce dernier aurait demandé qu’on le débarrasse des reliques pour pouvoir expirer.

 

Si une gwerz si ancienne évoque des reliques, il est probable que Le Faouët en possédait déjà à cette époque… bien avant 1886. Qui plus est au vu de l’importance de la chapelle et du pardon. Et la présence du reliquaire du XVème atteste bien de l’existence de ces reliques.

Le reliquaire trouvé dans la sacristie n’est pas en métal précieux. Il a la forme d’une croix celtique contenant en son centre un petit morceau d’os. La question est de savoir à qui appartient celui-ci.

Lorsque nous avons trouvé l’objet, nous avons posé la question autour de nous, aux gens du cru. Impossible de savoir de qui est la relique. Mais, en démontant récemment le reliquaire pour y trouver une indication éventuelle, voici les inscriptions découvertes :

Il semblerait que ce soient les lettres rbe, le début du papier s’étant désagrégé. Nous pouvons donc aisément penser que le reliquaire trouvé dans la sacristie contiendrait une seconde relique de Sainte Barbe, chose oubliée depuis bien longtemps des Faouëtais, à moins que…

Deux pistes s’ouvrent :

  • Dans certains lieux, il y avait plusieurs reliques d’un même saint. Il se peut donc que ce soit  Sainte Barbe.
  • Le reliquaire du XVème siècle contenait normalement les reliques de saint Fiacre et de sainte Barbe. Or celles du saint dédicataire ne s’y trouvent plus.  Se pourrait-il qu’une personne ait transféré cette relique et se soit ensuite trompée de nom ?

Nous sommes donc preneurs de tout élément qui nous permettrait d’en savoir plus.

Qui est Sainte Barbe ?

Elle vécut au IIIème siècle. C’est la légende qui nous rapporte les éléments de la vie de sainte Barbe. Elle était née en Nicomédie (Asie Mineure) dans une famille fortunée païenne. Son père l’obligea à vivre dans une tour afin de la préserver des hommes, puis il voulut la contraindre à épouser un fiancé de son choix. Elle refusa. Pis, elle s’ouvrit à la religion nouvelle.
Son père, rendu furieux par cette attitude, l’ayant menacée, elle s’enfuit. Elle fut reprise et livrée au gouverneur romain qui la fit supplicier cruellement. On la frappa rudement, on l’exposa nue, on lui coupa les seins et, finalement, son père la décapita lui-même. Mais, au moment où la tête tranchée toucha le sol, un orage violent éclata et la foudre tua son bourreau.

La sainte est surtout invoquée dans les trois diocèses occidentaux de Bretagne.

Dans les Diocèse de Saint-Brieuc & Tréguier, le culte vit toujours à Trémorel (canton de Merdrignac) où sainte Barbe est priée en la chapelle des Treize-Chênes (XIXème siècle). Elle y a sa statue au pied de laquelle on peut brûler un cierge, dire une prière pour conjurer les peurs. Si la chapelle est fermée, on peut se procurer la clé dans la maison située en face de l’édifice.

Dans le Diocèse de Quimper & Léon, à Gouesnac’h (canton de Fouesnant), existe, en campagne, près des vestiges d’une ancienne chapelle, une fontaine Sainte-Barbe. L’eau de cette fontaine dite « fontaine aux chrétiens » aurait un effet bénéfique sur les diverses formes de la peur. L’eau d’une fontaine voisine dite « fontaine aux chiens » aurait le pouvoir de tuer les chiens enragés qui s’y désaltèreraient.

Dans le Diocèse de Vannes, une chapelle et une fontaine sont placées sous le vocable de sainte Barbe au Faouët. Il semble que les invocations y relèvent plutôt du domaine matrimonial, même si certaines demandes autres sont formulées.

Extrait de :
(1) Les Fontaines de Bretagne, Albert Poulain – Bernard Rio, YORAN EMBANNER, 2008, p.48
(2) Le Chemin des Fontaines, Roger LE DEUNFF, Editions DANCLAU, 1996, p.188
(3) Les saints qui guérissent en Bretagne, Hippolyte Gancel, Editions Ouest-France, janvier 2004, p.64

*source wikipedia.

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD". En 2024, il a également publié avec René Le Honzec la BD "L'histoire du Pèlerinage Militaire International".

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2 Commentaires

  1. dominique de lafforest

    bravo pour ce très intéressant article! Heureusement que le « petit reste » des croyants reprend lentement conscience de l' »utilité » des reliques, après des décades de dédain…Et en dépit de millions de témoignages au cours de générations plus confiantes et moins « cérébrales ». Non, les reliques ne sont pas superstition. Elles nous rappellent que la « race humaine » est appelée à tellement plus grand que de faire partie d’un « compost » pour la Terre Mère!

  2. de penguilly marie alix

    il y a aussi la chapelle ste Barbe à Plouharnel et à Arradon qui a son pardon fin aout avec sa fontaine

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