Il n’est pas breton, mais nous allons en parler aujourd’hui car il est un exemple à donner et que le 31 janvier, le calendrier romain le fête : il s’agit de saint Jean Bosco. Nous en parlons aussi car un breton est à l’origine du fait qu’il soit considéré comme patron des magiciens.
Le monde a besoin de structures, de références, de colonnes sur lesquelles édifier un monde plus humain. Parmi elles, il y a souvent une référence à un saint patron, qui bien au-delà d’une figure catholique, est aussi porteuse de sens.
Les corporations se réfèrent ainsi à des personnes qui se sont données d’une manière ou d’une autre : les gendarmes ont Sainte Geneviève, les pompiers ont Sainte Barbe, les avocats ont St Yves, les policiers ont Saint Martin, les paras ont St Michel, les cuisiniers ont St Laurent (de Rome), les gens de la télé (et radio) ont l’archange Gabriel…
Mais qui est ce fameux Jean Bosco, qui a été choisi non seulement par les éducateurs, mais aussi par les magiciens pour saint Patron de leur corporation ?
Les illusionnistes et les éducateurs ont donc Jean Bosco, connu sous le nom de Don Bosco, un prêtre italien qui a voué sa vie entière à l’éducation des jeunes enfants de milieux défavorisés avec un accompagnement basé sur trois piliers : l’affection, la raison et la religion. Son caractère et ses bonnes manières lui donnent une grande influence sur les enfants de son âge qu’il entraîne avec lui vers les divertissements (jonglage, acrobaties, prestidigitation…) et la prière. Doté d’une mémoire extraordinaire, il s’amuse à répéter à ses amis les sermons qu’il a entendus à l’église. Ce sont là les premiers signes de sa vocation apostolique.
Don Bosco et les jeunes
Il ne peut faire d’études, sa famille étant trop pauvre, qu’avec l’aide de bienfaiteurs ou avec l’argent qu’il gagne en travaillant. Il est ordonné prêtre en 1841 et se consacre aux jeunes des quartiers pauvres et abandonnés, notamment aux jeunes ouvriers. On l’appelle Don Bosco.
Jean Bosco, ému par les misères corporelles et spirituelles de la jeunesse abandonnée, décide de réunir, tous les dimanches, quelques vagabonds qu’il instruit, moralise, fait prier, tout en leur procurant d’honnêtes distractions. Mais cette œuvre ne suffit pas à entretenir la vie chrétienne et corporelle de ces pauvres enfants délinquants. Jean Bosco, bien qu’il n’ait pas beaucoup d’argent, décide d’ouvrir un asile pour les plus déshérités. À leur intention, il ouvre à ses frais, à Turin, l’Oratoire Saint-François-de-Sales, une sorte de foyer dont les activités vont sans cesse s’élargir (cours du soir en 1844, un foyer d’apprentis en 1847, une école secondaire et des camps de vacances (1840, cours professionnels et une collection de Lectures catholiques (1853), organisation des loisirs…).
Il est fondateur de maisons d’accueil pour étudiants, de foyers pour jeunes ouvriers, de séminaires pour vocations tardives… Son activité au service de la jeunesse des milieux populaires, les résultats qu’il obtient auprès d’elle dans les divers domaines de la formation générale, professionnelle, religieuse, ses recherches pédagogiques, sont bientôt connus à travers l’Europe où les fondations d’instituts se multiplient.
On lui a attribué des miracles, le don de lire dans les cœurs et de prédire l’avenir, ce qui explique en partie sa popularité immense et les triomphes qu’il remporte dans ses quêtes en France (1883) et en Espagne (1886). Mais on a, depuis lors, insisté sur ses qualités exceptionnelles d’éducateur. Il n’a guère laissé d’exposés didactiques (toutefois en 1876 il a écrit son Traité sur la méthode préventive en éducation), sa pédagogie se comprenant à partir de son action : il faisait de l’éducation une affaire de confiance affectueuse et vigilante qui devait s’exprimer dans la joie et il admettait dans ses groupements une liberté si étonnante pour l’époque qu’on l’a souvent passée sous silence. Une de ses maximes était : « Prévenir et non réprimer ».
Don Bosco, saint patron des éducateurs, des apprentis et des prestidigitateurs.
Don Bosco est béatifié en 1929 puis canonisé par Pie XI le 1er avril 1934, jour de clôture de l’année sainte. En 1958, Pie XII le proclame patron des apprentis. Sa fête est fixée au 31 janvier. C’est le magicien breton Robert Olivaux, alias Treborix (1894-1982), l’un des fondateurs de l’Amicale Robert Houdin de Nantes, qui est à l’origine de la demande patronale pour les prestidigitateurs. Dans les années 1930-35, connaissant bien la vie de Don Bosco (il a été chez les salésiens), il eut l’idée de proposer à l’association syndicale des artistes prestidigitateurs, alors présidée par le docteur Dhotel, saint Jean Bosco comme patron des illusionnistes. Cette proposition fut adoptée à l’unanimité. Il faut dire qu’il se basait sur des sources réelles rappelant que le prêtre italien faisait aussi de la prestidigitation.
Un prêtre italien, Don Silvio Mantelli, a fait une demande officielle de patronage auprès du Vatican. Nous ne savons pas à ce jour où en est le dossier.
Par la suite fut institué l’ordre de Don Bosco (French ring) par le Cercle Français de l’Illusion Jules Dhotel, qui avait pour mission de récompenser ceux qui avaient oeuvré et rendu de multiples services à la corporation.
Voici quelques extraits des « Souvenirs Autobiographiques de Don Bosco »
– J’avais repéré aux Becchi une prairie plantée alors de différents arbres dont un poirier sauvage, encore debout, qui me rendit grand service à cette époque. A cet arbre j’attachais une corde et la nouais à un autre, à quelque distance. Je plaçais à proximité une table et une sorte de sacoche. J’étendais un tapis sur le sol pour y faire mes culbutes. Une fois que tout était prêt et que les spectateurs demeuraient bouche bée dans l’attente de quelque nouveauté, je les invitais à réciter le chapelet suivi d’un cantique. Puis je grimpais sur une chaise et débitais un sermon, c’est-à-dire que je répétais ce que j’avais retenu de l’explication de l’évangile entendue le matin à l’église. Parfois je citais quelque épisode ou quelque exemple que j’avais entendu ou lu dans un livre. Le sermon se terminait par une courte prière et aussitôt commençait la partie récréative. Vous auriez vu alors comme je viens de vous le dire, le prédicateur se changer en acrobate de profession. Tours de prestidigitation, sauts périlleux, marche sur les mains, pieds en l’air; puis, muni de ma sacoche, c’était des pièces de monnaie avalées puis retirées du nez de tel ou de tel spectateur, la multiplication des balles, des oeufs, le changement de l’eau en vin, les volailles dépecées et rendues à la vie au point de chanter mieux qu’auparavant; tout cela composait les divertissements habituels. Puis je marchais sur la corde comme sur un sentier, je sautais, dansais, me suspendais tantôt d’un pied tantôt de l’autre ; parfois c’étaient mes deux mains qui me soutenaient, parfois une seule. Après quelques heures de ces exercices, quand je n’en pouvais plus, on levait la séance, on récitait une courte prière et chacun s’en retournait à ses affaires. De ces réunions étaient exclus ceux qui avaient blasphémé ou tenu de mauvais propos ou refusé d’assister aux cérémonies religieuses.
– Entre mes études et divers passe-temps: chant, musique, déclamation, petit théâtre , (activités) auxquelles je m’adonnais de tout coeur, j’avais encore appris bien d’autres jeux : cartes, tarots, billes, échasses, saut, course. C’étaient des divertissements de très bon goût. Sans y être passé maître, je n’étais cependant pas un piètre joueur. J’en avais appris beaucoup à Murialdo, d’autres à Chieri. Si, dans les prés de Murialdo, je n’étais encore qu’un apprenti, en cette année j’étais devenu un maître compétent. Tout cela causait un véritable émerveillement. Il faut dire qu’à cette époque, ces genres d’amusements peu connus, semblaient choses d’un autre monde. Mais que dire de mes tours de passe-passe ? Je donnais souvent des spectacles privés et publics. Ma mémoire étant très fidèle, je connaissais par coeur une grande partie des classiques, surtout les poètes: Dante, Pétrarque, Le Tasse, Parmi, Monti et beaucoup d’autres. Ils m’étaient si familiers que je pouvais me servir (de leurs oeuvres) comme de mon propre bien. Aussi pouvais-je improviser aisément sur n’importe quel sujet. Lors de ces réunions ou de ces séances, je me mettais à chanter, à jouer de quelque instrument, je composais des vers qui passaient pour des chefs-d’oeuvre, mais qui, en réalité, ne consistaient qu’en bribes d’auteurs que je transformais selon les thèmes proposés. C’est d’ailleurs pour cette raison que je me refusai toujours à communiquer mes compositions à d’autres. Certaines même, que j’avais transcrites, je pris soin de les mettre au feu.
L’émerveillement devant mes tours de prestidigitation allait grandissant. Faire sortir d’une boîte une quantité de balles plus grosses qu’elle, tirer d’un petit sac toute une cargaison d’oeufs, voilà qui plongeait dans l’ébahissement. Quand on me voyait recueillir sur le nez des spectateurs une quantité de boules, deviner dans leurs bourses les sommes qu’elles renfermaient, quand, d’une simple pression des doigts, je réduisais en poudre les pièces de monnaie, de quelque métal qu’elles fussent, ou bien que je faisais apparaître toute l’assistance sous un aspect horrible, même sans tête, tel ou tel commençait à se demander si je n’étais pas un sorcier ou si je pouvais vraiment accomplir de telles choses sans l’aide du diable. Mon logeur, Thomas Cumino , en était convaincu. Chrétien fervent, il ne détestait pas les farces et je savais profiter de son caractère ou, pour mieux dire, de sa naïveté, pour lui en faire voir de toutes les couleurs. Un jour, il avait mis tous ses soins à préparer un poulet à la gelée afin de régaler ses pensionnaires à l’occasion de sa fête. Il apporta la casserole sur la table et, enlevant le couvercle, il vit s’en échapper un coq qui, ailes battantes, poussait d’énergiques cocoricos ! Un autre jour il apprêta un plat de macaronis. Quand il les eut longtemps fait cuire, au moment de les verser dans le plat, il ne trouva plus qu’un peu de son desséché. Maintes fois il remplit sa bouteille de vin, mais, au moment de servir, il n’en voyait couler que de l’eau claire ; ou bien, voulant boire de l’eau, il trouvait le verre plein de vin. Au lieu de confitures, il ne trouvait que des tranches de pain. L’argent de sa bourse se transformait en morceaux de fer blanc tout rouillés et sans aucune valeur. Son couvre-chef se voyait changé en bonnet de femme. Des noix, des noisettes se métamorphosaient en sachets de petits cailloux. Et ces phénomènes se renouvelaient très souvent !
– Un prêtre qui lui parle : « On me dit que tu sais pénétrer la pensée des gens, deviner combien d’argent renferme leur bourse, faire voir blanc ce qui est noir, connaître les choses de loin et mille autres affaires semblables. Cela fait beaucoup jaser. Bien des gens te soupçonnent de faire de la magie et voient en tout cela l’esprit de Satan. Dis-moi donc, qui fut ton maître en cette science ? Où l’as-tu apprise ? Dis-moi tout confidentiellement. Je puis t’assurer que je ne m’en servirai que pour ton bien. »
Sans me décontenancer, je lui demandai cinq minutes pour répondre. Puis je le priai de me dire l’heure exacte. Il porta la main à son gousset ; mais point de montre. « A défaut de montre, dis-je, donnez-moi au moins une pièce de cinq sous. » Il farfouille alors dans toutes ses poches mais ne trouve plus son porte-monnaie.
« Coquin! me lança-t-il, plein de colère. Ou tu es au service du démon, ou le démon se sert de toi. Tu m’as déjà volé ma bourse et ma montre. Maintenant je ne puis plus me taire, je suis dans l’obligation de te dénoncer. Je ne sais ce qui me retient de te donner une volée de coups de trique. »
Comme je ne bronchais pas, que je demeurais calme et le sourire aux lèvres, il sembla s’apaiser et reprit : « Prenons les choses tranquillement. Comment se peut-il que ma bourse et ma montre aient disparu de mes poches sans même que je m’en sois aperçu ? Où se sont envolés ces objets ?
– Monsieur l’archiprêtre, répondis-je respectueusement, je vais tout vous expliquer en peu de mots. C’est tout affaire de dextérité, d’intelligence exercée ou alors quelque chose de préparé.
– Je me demande quelle intelligence il peut y avoir dans le cas de ma montre et de mon porte-monnaie!
– Je m’explique brièvement. A mon entrée chez vous, vous donniez une aumône à un mendiant. Vous avez alors déposé votre bourse sur un prie-Dieu. Passant ensuite dans votre bureau, vous avez laissé votre montre sur cette petite table. Je cachai l’un et l’autre, alors que vous étiez convaincu d’avoir ces deux objets sur vous. En réalité, ils se trouvent sous cet abat-jour. » Je soulevai alors l’abat-jour et apparurent les deux objets que l’on pensait avoir été portés ailleurs par le démon.
Le bon chanoine partit d’un long éclat de rire; après quoi il me demanda d’autres échantillons de mon adresse. Ayant ainsi appris comment je faisais apparaître ou disparaître les objets, il s’en amusa beaucoup, me fit un petit cadeau et, sur le seuil de la porte, il conclut: « Va dire à tous tes amis que ignorantia est magistra admirationis » (L’ignorance est pourvoyeuse d’étonnement.)
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