S’il y avait une fête religieuse des plus populaires et des plus belles, c’était bien la « Fête-Dieu », la fête du Saint-Sacrement. Nous sommes contraints d’en parler au passé, car aujourd’hui peu de catholiques connaissent cette fête ; qu’une telle fête eu pu exister, beaucoup l’ignorent encore. La Fête-Dieu unissait dans une même adoration le Divin, le sacré, le beau, et…la nature. Elle ne pouvait être s’il n’en était pas ainsi. C’était l’époque où le festif religieux prenait encore le pas sur le festif profane, car toute la société d’alors, la ville, le village, les paroisses vivaient au rythme de la chrétienté. Hélas ! La Fête-Dieu, expression simple mais riche de symboles de la foi du charbonnier, a été sacrifiée au profit d’une foi cérébrale, froide et…insipide qui nous permet, nous dit-on, de « prendre conscience et d’assumer les démarches de notre vécu spirituel ».
Peu de paroisses ont donc maintenu cette fête, la reléguant parmi « les vieilleries religieuses d’autrefois ». Cela est regrettable, car à elle seule, la Fête-Dieu est une très belle page de catéchisme pour expliquer et adorer Jésus-Hostie. Mais elle s’est aussi maintenue dans certaines communautés religieuses soucieuses de la beauté de la liturgie et de la Tradition, ce qualificatif étant entendu dans le sens d’une fidélité à la Tradition de l’Eglise autant dans sa liturgie que dans ses dogmes. L’arrivée de communautés dites « nouvelles » a aussi permis, à la suite des Communautés « traditionnelles » de restaurer l’Adoration Eucharistique qui est tout naturellement liée à la Contemplation, d’où, içi et là, un renouveau, encore timide, des Fêtes-Dieu.
POUR LE ROI DES ROIS, UN LONG TAPIS DE FLEURS
Parmi ces communautés qui célèbrent avec beauté la Fête-Dieu, nous citerons la communauté des religieuses Dominicaines du Saint-Esprit, sise en forêt de Pontcallec (Morbihan). Depuis toujours fidèles à la Tradition, elles la célèbrent le jeudi, comme jadis, ce qui, évidemment, ne rend pas aisé d’y assister. Mais si on en a la possibilité, surtout ne pas s’en priver, car avec la messe et la procession au reposoir dans le magnifique parc du château, ce sont deux heures inoubliables qui redonnent du tonus spirituel pour l’année.
La veille, en priant pour que la météo soit agréablement de la partie, les jeunes filles de l’école Saint-Thomas d’Aquin que tiennent les religieuses, sont mises à contribution pour récolter des paniers de fleurs en tous genres, de la mousse. Leurs pétales multicolores et la sciure de bois colorée permettront d’exécuter dans la grande allée centrale du parc, des fresques bibliques, des personnages de saints et saintes, des blasons, des fleurs de lys, des hermines et autres symboles, des citations religieuses, etc. Chaque équipe ayant son « plan de travail ». Et le jeudi, au matin, la météo nocturne ayant été compréhensive et sympathique, après la messe solennelle, la procession s’organise avec force bannières. En tête, le prêtre portant sous le dais l’ostensoir qui contient au centre de son « soleil » la Sainte Hostie. Le cortège « royal » est escorté des enfants de chœur portant les lampes du Saint-Sacrement, l’encensoir, précédé d’enfants tout habillés de blanc et lançant sur le passage du Saint-Sacrement une pluie de pétales. Car la Fête-Dieu, c’est aussi une fête des enfants. La procession avance vers le Reposoir, suivie des fidèles, laissant au seul prêtre et servants l’honneur de marcher sur le magnifique tapis de fleurs, personne ne voulant abîmer par ses pas ce chef-d’œuvre éphémère, qui le lendemain ne sera donc plus.
Notre plaisir spirituel est encore comblé, puisque cette Fête-Dieu nous permet de chanter, outre la « Messe des Anges », des hymnes et cantiques comme : Pange lingua, Adorote, Ô Saluaris hostia, Ô l’Auguste Sacrement, Loué soit à tout instant, et même, petite surprise, le chant de la promesse scoute « Je veux t’aimer sans cesse », ou le très populaire « Chez nous Soyez Reine », des cantiques dont on est depuis bien trop longtemps privés dans nos paroisses, au profit d’insipides chansonnettes. Des hymnes et des cantiques qui furent populaires et savaient exprimer par des mots simples et une belle musique les Vérités de la Foi.
La nature avait aussi tenu à louer son Créateur en mettant à contribution la chorale des grillons et criquets du parc, rythmant la lente avancée du Soleil d’or. Seules, cette année, les belles digitales, si prisées pour exécuter les belles fresques avaient, par une floraison tardive, manquée la fête. Quant au soleil du ciel, il avait tenu à inonder de ses chauds rayons les rais d’or de l’ostensoir : une manière pour l’astre du jour de louer et de reconnaître la Lumière de son Créateur : la Fête-Dieu, c’est aussi une vraie fête de la Nature…
A l’année prochaine donc. Un petit souhait qui devrait être réalisable, vu le grand talent de la chorale de cette école : ce serait de nous faire l’heureuse surprise de mettre au programme avec les hymnes grégoriens et les cantiques traditionnels en français, au moins un cantique en breton, car il y en a pour la circonstance de si beaux, comme Ô Elez ar Baradoz, O Sakramant burzudus, le O Kalon Zakr- Kalon Jezuz, et bien d’autres ; ils ne sont pas difficiles à apprendre, et nous sommes tout de même…en Bretagne ; car comme le chant grégorien, comme les cantiques traditionnels français, nos cantiques bretons sont dans la majorité des paroisses, exclus de la liturgie, parfois tolérés ; alors, contribuer à les remettre à l’honneur, c’est plus qu’une bonne action, c’est un devoir.
A noter aussi, que l’école de Berné ainsi que l’école de la Sainte Espérance d’Hennebont avaient amené leurs jeunes élèves, ce qui ne pouvait qu’être la plus excellente des leçons de catéchisme sur le Saint-Sacrement. L’occasion valait bien de «sauter » un cours de maths ou de géographie…
La Fête-Dieu, c’est le sacré et la beauté qui sont en fête.
Crédit Photos @ArGedour 2016
Merci pour ce beau « rappel » salutaire à tous vos lecteurs, et pour les images qui sont éloquentes; cela donnera peut-être des « idées » à quelques paroisses, où la foi simple est restée vivante.
Merci à Yvon Abgrall pour ce bel article qui mets en valeur la fête-Dieu !
Je me permets une petite remarque : dans l’article vous parlez des « hymnes grégoriens ». Il faudrait dire : « les hymnes grégoriennes » car lorsque le mot hymne est utilisé pour parler du chant religieux il est au féminin (un hymne national, une hymne grégorienne).
Bien d’accord avec vous sur le fait de chanter nos beaux cantiques bretons lors des processions de la fête-Dieu.
A Brest, le Dimanche suivant la fête Dieu il y a une procession au cours Dajot à 16 h tous les ans, organisé par la FSSPX. Cette année la procession comprenait des fidèles dans l’habit national breton, un Kroaz Du, et puis il y a eu le Adoromp Holl, O sakramant burzhudus et le refrain du Dafeiz hon Tadoù kozh, en plus d’un petit bagad… tout ceci à l’instigation d’un prêtre basque de père et breton de mère. Bennozh da Zoue !
Et avec la participation de quelques musiciens du bagad Feiz & Sevenadur, réseau de musiciens qui dépasse les clivages habituels 😉