[POINT DE VUE] Langue bretonne : où est véritablement le communautarisme ?

Amzer-lenn / Temps de lecture : 3 min

Il y a quelques jours, je me rendais à la messe, et je me suis (encore) fait cette remarque : toutes les messes trilingues, équilibrées dans une articulation français, latin et breton, remportent les suffrages. Cela permet à chacun de s’y retrouver, d’avoir cette langue du coeur qui permet de se laisser rejoindre, et s’enracine dans la culture du pays. Au pays basque : latin, français, basque. En corse : latin, français, corse, etc…

Il s’avère que le combat est perpétuel pour demander ne serait-ce qu’un chant en breton dans la liturgie dominicale, pour les grandes fêtes comme pour les dimanches ordinaires. Est-ce pareil ailleurs qu’en Bretagne ?

Le problème semble différent lors des pardons où dans l’ensemble, il est accepté d’avoir le chant dédié au saint local, s’il existe encore quelqu’un capable de le chanter ou de l’apprendre.

La langue de coeur

Récemment sur les réseaux sociaux, certains se sont encore offusqués de voir qu’une messe en langue bretonne était proposé le jour d’un grand pardon… alors même qu’une messe trilingue était célébrée dans la foulée. Il ne vient à l’esprit de presque personne de se dire que la langue française, même si elle est devenue par l’histoire la langue de bien des régions, n’en demeure pas moins la langue administrative mais pas forcément la langue de coeur de chaque territoire, chaque territoire étant marqué par des traditions et une culture propre.

Il ne vient à l’esprit de presque personne de se dire qu’il n’est pas normal de couper les racines, y compris linguistiques. Imaginons un seul instant que la langue française soit reléguée à une portion congrue de la vie quotidienne pour laisser place à l’anglais, cela scandaliserait à raison bien des citoyens français. Comment alors peuvent-ils accepter que les langues dites minoritaires disparaissent peu à peu avec leur complicité même indirecte ?

La liturgie doit parler au coeur de l’homme

La liturgie est l’expression d’un sacré qui doit parler au coeur de l’homme, et pour cela les 5 sens sont utilisés. Y compris la langue. Sauf que, si on ose réclamer un ou deux chants en breton, soit on vous sert le service minimal (un petit Re vo melet posé comme un os à ronger), soit on vous fait comprendre que l’essentiel n’est pas là et que le communautarisme, c’est pas top. Et c’est ainsi que nos langues peu à peu se meurent dans l’indifférence générale.

Mais où se trouve finalement le communautarisme ? Chez ceux qui veulent juste que leur propre langue ne soit pas qu’un détail de l’Histoire (et qui en général sont ouverts sur la diversité linguistique) et la défendent coûte que coûte y compris dans l’expression de la foi, ou chez ceux qui ne veulent dans la vie courante que d’une seule langue, celle de “l’une et indivisible”, faisant preuve d’un communautarisme majoritaire qui ne dit pas son nom ?

Le Pape François, lors de sa venue récente au Canada, a dit aux jeunes : “Mes amis, marchez vers le haut, venez à la lumière chaque jour, faites équipe ! Et faites tout cela dans votre propre culture, dans le beau langage Inuktitut. Je vous souhaite, en écoutant les personnes âgées et en puisant à la richesse de vos traditions et de votre liberté, d’embrasser l’Évangile gardé et transmis par vos ancêtres et de rencontrer le visage Inuk de Jésus-Christ. Je vous bénis de tout cœur et je vous dis : qujannamiik! [merci !]” Son propos peut évidemment se transcrire pour chacune des cultures que compte la planète. En Bretagne, nous pouvons sans aucun doute le faire nôtre, sans que l’on s’y oppose.

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À propos du rédacteur Tudwal Ar Gov

Bretonnant convaincu, Tudwal Ar Gov propose régulièrement des billets culturels (et pas seulement !), certes courts mais sans langue de buis.

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4 Commentaires

  1. Tout à fait d’accord. De plus, osez dire du communautarisme pour que le Breton soit parlé et chanté en Bretagne, c’est une utilisation de la dialectique. La langue Bretonne est langue de Bretagne et non pas langue d’une communauté venue d’un autre pays. La langue Française, en Bretagne, si….même si elle est devenue dominante ensuite car il y a eu un communautarisme Français qui s’est installé par la force et par la ruse au fil des siècles….
    Ou alors, doit-on dire que dans certains quartiers ou la langue Française est minoritaire, que vouloir continuer à la pratiquer relève d’un communautarisme Français? Ridicule? Et bien oui….
    On nous rétorquera que le Français est la langue de la France (ou de la république). Très bien!!! Et bien de même, la langue Bretonne est langue de Bretagne. Parler et chanter en Breton ne nuit en aucun cas à la langue Française. Et cela n’est plus à démontrer. Et plus encore, le multilinguisme est une richesse. Toute langue est belle.

  2. A-du penn da benn…met perag Tudwal at Gov-saludiñ a reomp e labour- ne skriv ket e prederioú en Brezhoneg ivez.
    Un e evezhiadenn all:e oamp , ni renerien an AFB-EKB en Oriant digwener 05/08 evit silaou ouzh ar prezegenn Chesnay-Girad prezidant B4. Lavarioú flour ha dedennus en deus district, met…pas ur frazenn en Brezhoneg digantan !Ha perag me heulfe ket ur c’hrashcourse en Brezhoneg ?
    Memestra evit ar Prezidant ar FIL : en Galleg tout evit meuleudi ar “familh hag ar vignonezh etre keltiek. ! Pas ur ger ivez en Saozneg “. Seurt viz da ober deus un anv: ALIENATION.

  3. Une suggestion (voir les deux points suivants):
    .
    .1 Constatation
    .
    Des panneaux présentant le nouveau texte du « Notre-Père » ornent nos églises. Cette prière liturgique, à la racine de la foi chrétienne, a été enfin retouchée il y a peu, pour corriger/améliorer la précédente version (Vatican II, 1964) qui présentait une maladresse très discutable en effet, dans sa version française.
    .
    Il se trouve que le texte breton « Hon Tad », qui reflète plus fidèlement l’original latin « Pater noster » de référence, n’a pas besoin d’être retouché. Tant mieux pour ses utilisateurs…
    .
    .2 Idée

    . Donc, pourquoi ne pas mettre en regard du panneau en français un panneau en breton de même présentation (dimension et caractères). Un tel panneau rappellerait au premier coup d’œil que nous sommes en Bretagne, dans une époque qui aspire au bilinguisme. Pour ceux qui s’intéressent au temps long, civilisationnel, il rappellerait aussi que la langue bretonne comporte certains fondamentaux – ce n’est pas un hasard – qui la rapproche de la culture hébraïque que le Christ a connue.
    .
    Lire du breton n’est pas anodin pour un chrétien… C’est parcourir une distance historique de vingt siècles et plus…
    .
    Bien sûr, ces panneaux seraient adaptés à leur ancrage géographique (KLT/Gwenedeg).
    .
    L’Église, en Bretagne, aurait là une magnifique occasion de prouver qu’elle peut être moderne et capable de rejoindre les populations jusque dans leurs désirs les plus profonds, au cœur de leur humanité…
    .
    Petra a soñjit-c’hwi diwar ar mennozh-se? Din-me e vefe peadra da reiñ fiziañs en dazont, hag ivez d’adkavout hent ar Feiz, evit lod eus an dud…p’emaint troc’het ha nac’het re alies en o fersonelezh (gwad ha spered) betek-henn. Aesoc’h eo d’ur bugel bezañ sachet ouzh un Tad hag a anav e vugale, betek donded o c’halon dezhe, n’eo ket ‘ta?

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