Traonienn ar Sent… Gouel an Hollsent…
Il y a un siècle, deux druides avaient gravi la Tossenn Sant Weltaz. Après que l’un d’entre eux ait nommé tous les clochers et collines jusqu’à l’ horizon, l’autre célébra son union avec la terre de Bretagne en glissant un anneau d’or entre les pierres du sommet. Qui aurait cru que des années plus tard, cet omphalos serait le repère de ces hommes et femmes qui ont fondé la Bretagne montrés en exemples de vie.
Aujourd’hui, tandis que dans nos villes, à l’ombre des immenses bâtisses évolue dans les ruelles sombres le défilé des enfants réclamant au passant surpris ou à l’habitant effarouché le bonbon d’Halloween, jeunes et moins jeunes grimés à faire frémir un mort, exorcisant d’un coup de griffe la frayeur d’une fin redoutée et reléguant l’Ankoù au rang de personnage de carnaval, la nuit de Sahmain se déroule sur la terre d’Armorique. Samonios, ce début d’hiver que les druides célébraient en ce nouvel an celtique.
Dans la froidure d’un automne aux couleurs d’or, seul le cri de quelque animal se fait entendre, dans la brume et au vent. La cohorte des géants de pierre se dresse, visages tournés vers le ciel comme pour nous montrer, à l’aube de la Toussaint, le chemin à suivre. Hier eux, nous demain. Ils semblent murmurer à nos enfants l’histoire d’un pays d’un autre âge en traversant les temps, une époque où offrir notre foi n’était pas une option mais un idéal se moquant de la traversée des mers et des luttes du curragh face aux lames d’un océan parfois déchaîné. Un témoignage de foi qui à travers les siècles s’est enraciné dans un pays de granit, comme la pluie lentement imprègne la dure roche de Bretagne pour mieux l’irriguer. Saints et saintes de Dieu, héros véridiques, libérateurs et découvreurs, voies d’avenir qui comme les arbres ouvrent leurs bras au firmament et oxygènent le monde.
Les voici aujourd’hui se dressant sur la Tossen. La tradition dit qu’en Bretagne, à la Toussaint, il est conseillé de laisser des crêpes et un verre de lait pour les âmes perdues, ainsi qu’une bûche allumée dans l’âtre pour qu’elles puissent se réchauffer. Le crissement des roues de la charrette de l’Ankoù nous le rappelle.
Ce que la tradition ne dit pas encore, c’est que chacun de ces géants de pierre prend vie lorsque sonne le douzième coup de minuit, entre le 1er et le 2 novembre, jour des morts. Comme une chrysalide laisserait échapper un papillon, ces cocons de pierre resplendissent d’une douce couleur d’argent et le halo se fait peu à peu plus puissant, glissant à travers champs vers les cimetières comme un doux voile caressant les tombes et disant à chacun qu’il n’est pas délaissé. Une pensée pour les réchauffer comme une de ces bûches qu’on omet désormais. Un léger bourdon se fait alors entendre alors que gronde la terre du Kreiz Breizh et que jaillit des profondeurs comme une lamentation, une prière, un appel, un chant des pierres pour les vivants, chant envoûtant des saints pour les trépassés oubliés, cri poignant qui se joue de l’espace et du temps et semble provenir de nulle part, couvrant le silence qui enveloppe le pays d’Armorique, rappelant juste l’espérance d’un paradis auquel nous sommes tous appelés et que la solennité de la Toussaint nous invite à redécouvrir.
La fête de la Toussaint est une invitation à prier les saints plutôt que de se préoccuper des esprits des morts, un chant vers la joie de la vie éternelle plutôt qu’une supplique laconique dans les ténèbres. Et sur la Tossen, Edern, Erwan, Efflam, Ninnog, Gwenole, Kaourintin, Malo, Brieg, Tugdual, Paol, Samzun, Patern, Klervi, Enora et tous les autres nous attendent et nous tendent la main : grands saints et saints anonymes qui ont entendu le message des béatitudes et y ont répondu. C’est la fête de tous les saints connus et inconnus.
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Texte Eflamm Caouissin – Tous droits réservés.
merci pour cette belle réflexion!
Ya “Bro ar zent eo va bro !”
merci pour cette belle réflexion!
Ya, “bro ar zent eo va bro !”