Saints bretons à découvrir

Les saints et l’eau

Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min

Il est fréquent, en notre Bretagne chérie, de passer près d’une fontaine où coule  une onde pure à l’ombre du clocher d’une chapelle.

C’est le cas, entre autre de la fontaine  Sant Gweltaz sise dans l’enclos du même nom.

Nos fontaines sont fréquentées de multiples manières et divers gestes, pour ne pas dire des rites. La majorité d’entre eux font écho aux pardons qui s’y perpétuent ou existèrent. La plupart de ces gestes en effet évoquent la purification espérée de Dieu par l’intercession des saints.

Nos fontaines semblent signifier concrètement le cantique d’Ezékiel et en particulier : « Je répandrai sur vous une eau pure, …, de toutes vos idoles, je vous purifierai » (Ez36,25).  Cette promesse n’a-t-elle pas été éminemment accomplie dans la vie de nos saints bretons ?

Evangélisateurs, ils furent les témoins de la puissance agissante du Ressuscité. On le comprend de manière évidente, en particulier lorsque les signes de la liturgie sont décrits et sont révélés pour ce qu’ils sont, les vecteurs de leurs victoires sur les forces obscures : baptêmes éclatants de nobles païens, domination au moyen de l’étole, souvent, qui rend dociles les plus terrifiants dragons, …

Nos saints évangélisateurs, quand ils ne furent pas des baptiseurs, bénirent l’Armorique et son peuple, signe patent de leur charisme : les nombreuses fontaines qui « inondent » le sol granitique et verdoyant de nos bocages. Rares sont les églises et les chapelles qui n’ont pas dans un rayon de 200m, au sud-ouest le plus souvent, une fontaine sous le saint patronage de ces héros chrétiens.

La perpétuation des pardons (Pardonioù, en breton), avec leurs processions dextrogyres, bannières en tête, en direction des fontaines où se pratiquent encore ici une ablution, là trempage de mouchoir ou d’un vêtement ou tout bonnement la consommation de l’eau sanctifiée par le saint, témoigne de l’action de ces témoins de la foi dans l’Eglise, le corps du Christ. Par les sacrements de l’Eglise, que les saints introduisirent chez nous, et leurs déploiements (gestes et objets : eau bénite, huile, encensements, …) appelés « sacramentaux », l’intercession des saints est toujours efficace, actuelle et factuelle.

« Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures, de toutes vos idoles, je vous purifierai ». (Ez36,25)

 Dans les chapelles où siègent saints et saintes de Dieu en Bretagne, l’eau est présente :

  • Le baptistère ou fonts baptismaux, pour les baptêmes qui sauvent de la mort ;
  • Le bénitier, à l’entrée, où l’on se marque du signe de la croix en renouvelant les promesses de ce baptême que l’âme doit continuer à vouloir vivre ;
  • Le goupillon avec lequel le clerc asperge l’assemblée pour laver des péchés véniels ou protéger les personnes, les êtres vivants (bêtes et végétaux, …) et les biens (maisons ou voitures, …) des forces ténébreuses ou maléfiques. On parle alors de vertus apotropaïques (« qui détourne loin ») de l’eau, comme des cloches sous lesquelles il faut passer.

Là sont les eaux qui se voient, se touchent, se reçoivent ou se boivent, mais il y a encore autour de l’eau des réalités invisibles chargées de symbolismes forts :

Sous nos chapelles et églises, souvent (au moins jusqu’au 17ème siècle), coulent des veines d’eau, parfois la même qui nourrit la fontaine plus loin. Elles passent fréquemment sous l’autel, le maitre autel, qui est le Rocher, c’est-à-dire le Seigneur (Ps127).  Rocher d’où le Seigneur fait sourdre l’eau (Is48,21) par le bâton de Moïse (Ex17,6), rocher où le Seigneur est tout à la fois le prêtre, l’autel et la victime ; autel où se trouve la croix d’où coulèrent le sang et l’eau. Ce symbole signifié par la prière « secrète » du prêtre qui, faisant couler trois goutes dans le vin du calice dit : « Comme cette eau se mêle au vin (qui deviendra sang du Seigneur), par le sacrement de l’alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité. ». Ainsi l’architecture fait comprendre l’affirmation de la lettre de Jean : « l’esprit, l’eau et le sang rendent le même témoignage » (1Jn5,8).

L’eau du baptême est lustrale, paradoxe où le feu, la lumière, purifie l’eau (Ez36,25). C’est pourquoi la Lumière du monde, Jésus, se laissa baptiser dans l’eau, Lui qui baptise par l’Esprit-Saint (Mat3,15) et c’est ce qui est renouvelé lors de Pâques alors que l’on plonge le cierge pascal « Lumière du monde » dans le baptistère.

En se rendant à la fontaine sanctifiée par le saint, c’est-à-dire l’Eglise, le pèlerin saura s’y laver mains et pieds (Ex30,17-21), comme pour naitre de l’eau et de l’Esprit (Jn3,5) alors il est possible qu’on entendra encore en notre temps : « Je me suis lavé ; et je vois » (Jn9,6-15).

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À propos du rédacteur Tad Kristof

Tad Kristof a été ordonné prêtre en juin 2000. Il a exercé notamment en Afrique où il a créé "Tud a Vreizh" à Libreville. Passionné par la Bretagne, il contribuera à la dimension spirituelle d'Ar Gedour en répondant aux questions qui lui seront posées.

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