OUVRIR LES EGLISES

Amzer-lenn / Temps de lecture : 4 min
Iliz Sant-Pêr Pleiber-Krist

C’est le cardinal Marty, je crois, qui de sa voix joyeuse disait : « Ils ont voulu ouvrir l’Eglise, ils en sont tous sortis ! ».

– Ouvrir la porte du bâtiment, cela suffirait-il ?

– Certes non ; mais c’est un bon début !

– Encore faudrait-il qu’on la passe, cette porte laissée ou rendue ouverte ?

– C’est exact,

– Nous parlons bien de la messe, là ?

– Oui, mais pas seulement.

Viennent-ils par effraction ceux qui, prenant un feuillet ou une image, laissant au pied de la statue de la vierge une modeste fleur cueillie dans la nature, ceux qui, ayant allumé un des cierges et oublié de l’éteindre, laissent, sans la formulation d’une prière, la trace de leur passage ?

Dieu soit loué ! mes « paroissiens » sont plus nombreux que ceux que je connais.

Venez nombreux, mes amis, passez les portes à l’heure qui vous convient, de la façon qui vous plait, venez dans les murs du temple chrétien où les bras de Jésus crucifié vous sont grands ouverts. Entrez y faire ce qu’il vous semble utile. La simple idée d’une fréquentation non recensée, d’une fréquentation buissonnière me réjouit le cœur.

Certes j’aimerais bien que nous soyons tous à la messe où se joue le salut du monde en chaque eucharistie mais parce que, comme l’écrit Xavier GRALL : « Le Christianisme est plus naturel à l’homme qu’on ne l’imagine. » (dans « L’inconnu me dévore »), je me réjouis de cette pratique « en pas de côté ». Qui ne rêverait pas d’une pratique en masse et selon la norme la plus officielle ? Mais les chrétiens de la marge sont à ré-apprivoiser. A la manière du Petit Prince avec le renard. Je n’ai pas dit : attirer et non plus : captiver, qui ont des consonances de chasse ou de traquenard. Non il faut laisser venir les autres à Dieu. Pas de racolage, pas de méthode mercantile, juste laisser venir dans un lieu où tout dit Dieu et ses saints.
Dans le silence habité des odeurs d’encens de la dernière messe célébrée ou du cierge qui s’est éteint ; dans le vide apparent et le silence où se continuent les vibrations des Gloria et sanctus chantés avec les anges et les archanges et toutes les puissances d’en haut ; en l’absence du célébrant qui a béni d’eau aspergée les pécheurs assemblés, le visiteur solitaire trouve un peu d’eau bénite pour plonger le bout de ses doigts et recevoir la bénédiction en toute discrétion et comme par procuration, presque à la dérobée. C’est comme si l’on voyait ces « petits chiens qui se contentent des miettes qui tombent de la table où les petits enfants ont mangé (Mc 7,27).
Dans nos chapelles ouvertes viennent en secret ceux qui ne se sentent pas dignes et courbent la nuque devant une seigneurie qu’ils ne définissent pas, ne décrivent pas mais ressentent. On relira ici la merveilleuse parabole du pharisien et du publicain.

Savent-ils qu’Il est parfaitement là, dans le tabernacle ? Qu’importe. « Venez à moi », leur dit-il et Dieu les convoque dans un colloque solitaire où le silence est roi, où le dialogue est muet : de personne à personne.

 Je fais mienne cette autre phrase de X. GRALL dans le même ouvrage : « Une église fermée, c’est un cœur qui se refuse ». Ceux qui viennent dans le secret sont aussi de notre communauté, laissons-les venir commercer avec Dieu, qui pour son âme ou pour celle des autres, qui portant sa misère ou bien celle des autres, pour demander ou pour remercier. Il est des rites d’intercessions où le sacerdoce commun donné par le baptême suffit, même par le baptême de désir.
Ouvrons les chapelles, laissons Dieu y agir… sans nous.

J’apprécie Ar Gedour et je veux soutenir cette oeuvre d’intérêt général pour la Bretagne. Je fais un don en cliquant sur ce lien.

À propos du rédacteur Tad Kristof

Tad Kristof a été ordonné prêtre en juin 2000. Il a exercé notamment en Afrique où il a créé "Tud a Vreizh" à Libreville. Passionné par la Bretagne, il contribuera à la dimension spirituelle d'Ar Gedour en répondant aux questions qui lui seront posées.

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