Parole de la semaine – 22e dimanche du temps ordinaire

Amzer-lenn / Temps de lecture : 7 min

Pour ce 22e dimanche du temps ordinaire, l’Eglise nous invite à méditer sur Matthieu 16, 21-27 qui font suite à la célèbre confession de Pierre et à la non moins célèbre promesse de Jésus : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise… ». Et voilà qu’ensuite, ce grand apôtre se fait traiter de Satan ! Pourquoi ? Tout simplement parce que n’admettant pas la passion et ce qui devait suivre, il n’envisage la glorification de son Maître que selon les critères de ce monde, il refuse le mystère de la croix. De fait, la croix comme supplice est un échec cuisant et infamant, tant pour les romains que pour les juifs ! Maudit est celui qui est pendu au bois ! Mais dans le cas de Jésus, c’est une apparence ! C’est « l’hameçon » auquel le diable, Satan justement se fera prendre, et à sa suite tous ceux qui demeurerons volontairement ou non des aveugles devant la Lumière du Christ. Réfléchissons à tout le mal qu’ont produit ceux qui ont trahi la refondation chrétienne de l’Europe au moment où il s’agissait de la reconstruire. Le « arrière de moi Satan » est aussi pour eux :

Père Michel ViotRegardez le chemin parcouru entre un des grands moments fondateur de la reconstruction de l’Union Européenne, le traité d’amitié Franco-Allemand signé par Charles de Gaulle et Konrad Adenauer. Cette réconciliation fut scellée par une messe à la cathédrale de Reims où les deux chefs politiques prièrent. Et voyons où nous en sommes aujourd’hui depuis que d’autres chefs d’Etat ont poussé l’Europe à apostasier en refusant de reconnaître ses origines chrétiennes.

Les responsables de cette méchante affaire n’ont pu attirer que le malheur sur eux et sur ceux qu’ils gouvernent. Ainsi aujourd’hui ce sont des institutions européennes elles-mêmes que viennent les idées de lois saugrenues que nous subissons. Et soumises à cette « fidélité diabolique », cette même Europe soutiendra par tous les moyens dont elle dispose les pires aberrations morales. Un groupe quel qu’il soit n’échappe pas aux conditions qui l’ont vu naître. Or la notion d’Europe est née avec Charlemagne et le Christianisme en a été son principal principe unificateur, le judaïsme y étant partout présent et y apportant sa contribution spécifique.

Oublier en Europe les principes judéo-chrétiens, c’est oublier ses racines et pire, prétendre reconstruire en détruisant ces fondations c’est construire sur du sable pour reprendre la parabole célèbre des deux maisons dans l’Evangile selon saint Matthieu.

On s’aperçoit alors que finalement la prétendue laïcité de nombreux Etats européens n’a été qu’un leurre, tout simplement parce que c’est un système intrinsèquement contradictoire.

Autrement dit si l’on ne veut pas de religion d’Etat, ce qui peut se comprendre, on a qu’une alternative : la neutralité bienveillante ou la neutralité hostile. Un cardinal français l’a excellemment dit il y a quelques années avec des développements du plus haut intérêt. Je souhaiterais personnellement qu’à la lumière de ses propos, et avec sa permission, ce sujet soit repris et développé tant pour l’Europe que pour notre pays qui vit maintenant sous le régime de la neutralité hostile.

Fidèle à saint Paul (Romains 13) et à saint Augustin (La cité de Dieu) je n’en ôte pas pour autant à l’Etat son origine divine, mais par Satan interposé, prince de ce monde et maître des royaumes de la Terre de par la volonté de Dieu. Au point où nous en sommes, certains pourront dire que je me suis éloigné du texte, pas du tout ! L’évocation du pouvoir politique et de Satan nous y ramène sans pour autant nous en avoir éloigné par ce qui précède.

Jésus, en traitant Pierre de Satan, fait référence à une tentation personnelle qui pourtant déborde sa personne. Au début de son ministère, dans la version de saint Matthieu, Satan propose à Jésus dans sa troisième tentation de lui donner tous les royaumes de la Terre s’il se prosterne devant lui et l’adore. C’est la gloire de ce monde sans les souffrances et la croix. Très exactement ce que propose Pierre. A la fin de son ministère, Jésus crucifié se voit proposé par les grands prêtres moqueurs très exactement la même chose : « qu’il descende maintenant de la croix et nous croirons en lui » (Matthieu 27, 42). Et là encore c’est Satan qui parle, proposant à Jésus d’échapper in extremis au supplice dans le même sens que les propos de Pierre dans notre récit. Et Jésus ne leur dit rien. Il avait pourtant répondu à Satan lui-même, lui objectant le commandement de n’adorer que Dieu seul, à Pierre il parle encore en lui disant de passer derrière lui pour apprendre ou réapprendre, mais à cette dernière espèce de « Satans », les chefs politico-religieux qui à la tentation ajoutent l’ironie méprisante de leur non croyance, il n’oppose que le silence mais pas l’inaction en ce sens qu’il mourra pour ressusciter et que sa résurrection sera l’acte de jugement de leur condamnation.

Il y a un temps pour tout dit l’ecclésiaste et c’est pour cela qu’on peut parler d’histoire du salut. Pour ce qui nous occupe ici, il y a un temps pour se convertir et un temps pour recevoir son châtiment. Qui allons-nous suivre ? Pierre ou ceux des chefs de cet Israël ancien ? Oh certes nous ne pouvons pas reprendre à l’identique la tentation de Pierre parce que nous savons ce qui est arrivé à Jésus. Mais comme ses disciples, acceptons-nous ces exigences exprimées à la fin de notre texte. Au travers de ses disciples alors présents, c’est nous aussi qu’il interroge. Sommes-nous prêts à prendre comme un relais la croix qu’il a portée et à faire passer en premier le service de Dieu ?

Pareille acceptation a, de tout temps, entraîné la souffrance. Avant Jésus Christ le prophète Jérémie dans notre première lecture s’en fait l’écho. Las d’annoncer la parole de Dieu qui ne lui attire que des injures et des moqueries, comme c’est le cas aujourd’hui dans notre beau pays de France et ailleurs, il veut essayer d’oublier Dieu pour avoir la paix : « je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son nom » va-t-il même jusqu’à dire. Mais Jérémie a reçu un appel qui conditionne son destin. Il sent un feu dévorant qu’il ne peut maîtriser. Il doit donc, avant la lettre, porter sa croix.

Et dans notre deuxième lecture de saint Paul, il n’est pas dit autre chose aux romains quand l’Apôtre leur demande d’offrir à Dieu leur personne en sacrifice saint, appelant un renouvellement de leur pensée.

C’est donc un appel à apprendre encore du Christ et à progresser dans sa connaissance afin de ne pas être des « Satans » pour nous-mêmes.

Hors de cette attitude de continuité du service en portant sa croix, il n’y a que perdition ! Le silence de Jésus aux chefs d’Israël incrédules est le prélude de leur ruine, ruine de leur temple, de leur ville et de leur pouvoir. C’est le sort promis à toutes les autorités de ce monde qui se moquent du Christ. Non, Jésus ne descendra pas de la croix pour leur faire plaisir parce qu’ils l’ont abordé avec mépris, mais il viendra avec ses anges sur les nuées pour leur rendre selon leur conduite, eux, dont les éclats de rires moqueurs du Golgotha, résonnent jusqu’à aujourd’hui sur des visages que nous ne connaissons que trop bien.


Extrait du livre « A l’écoute de la Bible, homélies Dimanches et fêtes – Année A », Artège 2013. Commande possible via ce lien

À propos du rédacteur Père Michel Viot

Prêtre catholique du Diocèse de Blois, ancien pasteur et évêque luthérien, ancien franc-maçon, il a été aumônier de prison, vicaire épiscopal du Diocèse de Blois puis aumônier militaire chargé des anciens combattants. Il est aujourd'hui au service du Diocèse de Paris. Rédacteur occasionnel pour le blog breton Ar Gedour, certains des articles de son blog sont aussi parfois repris avec son aimable autorisation.

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