Saints bretons à découvrir

Philippe Abjean publie « Un rêve de pierre, du Tro Breiz à la Vallée des Saints »

Amzer-lenn / Temps de lecture : 7 min

Philippe Abjean, fondateur de la Vallée des Saints et à l’origine de la résurrection du Tro Breiz, sort dans quelques jours aux Editions Salvator un ouvrage-témoignage particulièrement attendu au moment où une crise de croissance touche la Vallée des Saints mais aussi indirectement le Tro Breiz et l’Oeuvre de St Joseph, des initiatives dont il est à l’origine.

Il explique dans cet ouvrage la genèse des ses intuitions, permettant de livrer au grand public la vision qui a fait naître ces projets fous.

En avant-première, avant le rush médiatique qui l’attend, nous avons interrogé Philippe Abjean pour en savoir plus sur ce livre sur lequel nous reviendrons plus longuement. Un entretien sans langue de bois que nous reproduisons tel quel. Pour vous procurer l’ouvrage, rendez-vous en fin d’article.

L’objectif était d’initier un réveil spirituel, d’appeler les vieux saints bretons à la rescousse pour entamer une ré-évangélisation de la Bretagne (Philippe Abjean).

Philippe Abjean, pourquoi avoir écrit cet ouvrage et à qui s’adresse-t-il ?

L’ouvrage rappelle l’intuition fondatrice du projet de Vallée des Saints et son inscription dans un parcours spirituel. Il était important de rappeler cette vision fondatrice dans un contexte actuel de main mise laïciste et affairiste sur le site de Carnoët. Le livre permet de mesurer la distance entre ce qui était imaginé et la dérive portée aujourd’hui par quelques uns. L’objectif était d’initier un réveil spirituel, d’appeler les vieux saints bretons à la rescousse pour entamer une ré-évangélisation de la Bretagne. Il y avait aussi invitation à relire l’histoire de la naissance de la Bretagne, sa culture populaire faite de mythes et de légendes, à remettre les artistes au travail… A faire de la notion de sainteté une proposition pour les générations en mal de repères. Hélas, pour le moment, ce n’est pas une pandémie de Covid 19 qui affecte la Vallée des Saints mais de Cupid 19. Un quarteron d’affairistes issus des diners mondains parisiens s’attache à gommer le mot même de « saints » pour le remplacer par celui de « géant » avec des slogans aussi grotesques que « Deviens géant toi-aussi ! ». Et à faire payer l’accès au site alors que nous nous étions engagés à la gratuité. Celle-ci devait être prophétique dans un océan consumériste. Et, sur un plan éthique, nous avons toujours pensé qu’il y aurait malhonnêteté à tirer profit d’une aventure qui repose au départ sur le don gratuit de mécènes. Bon nombre participent au financement des statues de saints par foi ou en raison de telle ou telle histoire familiale comme le souvenir d’un défunt. En tirer bénéfice est immoral et rupture de confiance ».

 

Seriez vous en mesure de nous dire en quelques points ce qui est commun à toutes vos intuitions ?

J’ai toujours été animé de la conviction qu’il n’y a pas de fatalisme. Que rien n’est irréversible et que tout dépend de notre volonté. Une petite flamme peut toujours allumer un grand incendie. Devant la sécularisation de l’Occident, la seule attitude possible est la voie de la sainteté. Il ne faut qu’un humble curé d’Ars ou une petite Thérèse de Lisieux pour ranimer cette flamme. En rendant familiers les sept saints du Tro Breiz puis, à travers la Vallée des Saints, le millier de saints – et de saintes – qui ont façonné l’âme de la Bretagne, je n’ai d’autre but que d’inviter à prendre cette direction. Et je suis optimiste. Nous sommes dans le temps long de l’Eglise. Et elle en a vu d’autres.

 

Plus de 10 ans après votre rêve de pierre, quel bilan faites-vous ?

Le succès populaire du Tro Breiz et de la Vallée des Saints me confirme dans la justesse de cette intuition. Je constate que depuis ma démission de la présidence de la Vallée des Saints le mécénat pour le financement des statues s’est tari. Les gens ont bien senti qu’un Esprit avait reflué sur la colline de saint Gildas et que les motivations du petit groupe aux commandes sont bien peu catholiques. Il y a un instinct spirituel qui ne trompe pas. Mais une cathédrale a demandé parfois des dizaines d’années pour être édifiée. Cela repartira… 

 

Reprenant les mots de Calloc’h « apprends moi les mots qui réveillent un peuple et j’irai messager d’espérance l’annoncer à ma Bretagne endormie », vous souhaitiez raviver les braises qui sommeillent encore. Pensez-vous avoir réussi à lancer un souffle ?

Tout est question de souffle en effet, c’est-à-dire de projet, de tension vers un projet commun, un projet qui unit. Encore une fois nous sommes dans le temps long de l’Eglise. Il y a le temps des semailles et d’autres s’occuperont des récoltes. Ceux qui ont posé les premières pierres des cathédrales ne les ont pas vu édifiées… Ce que je sais c’est que mon dernier souffle essaiera encore de ranimer ces braises .

 

Comment articuleriez vous modernité et fidélité à la foi de nos pères ?

Nous sommes héritiers et bâtisseurs. On ne bâtit pas sur du sable et il n’y a pas de ruisseaux sans source. La fidélité n’exclue pas la nouveauté : mieux même, elle la commande au nom de la liberté. Et je remarque combien les saints fondateurs des V ème et VI ème siècle sont étonnamment modernes. Ils ont beaucoup à nous dire car ils se trouvaient dans une région peu ou pas christianisée. Notre situation aujourd’hui. Ils nous montrent le chemin..; 

Comment vos projets peuvent-ils parler au monde d’aujourd’hui et de demain ? 

Nous devons retrouver un esprit missionnaire, un esprit de trans-Mission. Dans une Europe qui a perdu son âme, la Bretagne va donner l’exemple, j’en suis sûr, et réveiller les vocations. La spiritualité chrétienne possède toutes les ressources nécessaires pour traverser le millénaire. En matière d’intériorité notamment car le silence sera la grande parole de ce siècle .

 

Pensez-vous que les nouvelles générations pourraient se saisir de vos projets fous pour les pérenniser tout en gardant l’esprit que vous avez voulu ? Avez-vous pensé à cet après ? 

C’est l’imprévu de l’Histoire. Et celle-ci nous enseigne que les fondateurs d’ordre sont le plus souvent trahis par leurs proches. J’en fais l’amère expérience à la Vallée des Saints. Mais en matière de trahison, il y a un précédent dans les Ecritures.  A tout péché miséricorde ! Et puis Judas avait communié avant de s’enfuir dans la nuit. Il est parti avec un petit morceau du corps du Christ… Alors l’Espoir demeure !»

L’ouvrage est en vente au tarif de 16€+3€ de port. Il sort officiellement le 11 juin 2020. Vous le recevrez donc à partir de la semaine prochaine, dans l’ordre d’arrivée des commandes.

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COMMUNIQUE DE L’EDITEUR

Voici le témoignage puissant et engagé de Philippe Abjean, figure incontournable du combat pour la préservation de l’identité et de la foi bretonne.

Après des études de philosophie, Philippe Abjean part enseigner cinq ans dans la brousse camerounaise. Cette expérience lui a ouvert les yeux sur la nécessité de monter des projets de grande envergure au plus près des habitants afin de rallumer la flamme de la foi.

Revenu en Bretagne, il relance le Tro Breizh, pèlerinage sous le patronage des sept saints fondateurs bretons, et qui fait le tour de la Bretagne. Puis naît ce projet encore plus fou de la Vallée des Saints. Dans cette vallée, des statues monumentales en granit représentent les saints qui ont dessiné le paysage de la foi populaire bretonne.

Ce témoignage étonnant et superbement écrit nous permet de découvrir un homme, son combat et de nous plonger dans la foi populaire de la Bretagne qui renaît aujourd’hui grâce à des initiatives comme celles de Philippe Abjean.

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Philippe Abjean, philosophe et militant breton, a fondé la Vallée des saints et publiés deux ouvrages sur Notre-Dame du Kreisker. Il a aussi fondé l’association « Les ouvriers du Bon Dieu » qui restaure les églises abandonnées.

À propos du rédacteur Tudwal Ar Gov

Bretonnant convaincu, Tudwal Ar Gov propose régulièrement des billets culturels (et pas seulement !), certes courts mais sans langue de buis.

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4 Commentaires

  1. Commentaires et vision très juste, Philippe Abjean sur la vallée des Saints. C’est un magnifique projet que vous avez eu et vous en avez eu la volonté. Mais, quitte à être lucide, précisons que le ver était dans le fruit à partir du moment où vous avez comparé la vallée des Saints à l’Ile de Pâques. Cette comparaison s’est concrétisée avec l’affaire du Moaï que vous avez porté et qui, de prime abord, paraissait être une bonne idée, en reprenant les mots à la mode d’ouverture culturelle, d’ouverture à l’autre….Et puis, du Moaï, on est passé rapidement au géant. Et ainsi, la vallée des géants est née. Exit progressive de la Vallée des Saints. Certains vous avaient prévenu…

    C’est la même chose qui se passe pour nos pardons, messes, et même le Tro Breizh. Là, pour qu’il y ait l’âme Bretonne, il faut être dans une « réserve Indienne », c’est à dire un chapitre Breton. Sous prétexte d’ouverture, on enlève progressivement ce qui fait l’âme de ces événements, la langue Bretonne, pour faire la faire disparaître totalement. Et la plupart (pas tous!!!) des promoteurs de ces situations sont pourtant des personnes dévouées et pour la plupart avec de bonnes intentions. Mais le résultat est là….

    Bien à vous

  2. Un autre erreur initiale a été commise à mon sens. La carte complètement blanche laissée aux sculpteurs. On pouvait au moins s’attendre à ce que, systématiquement et dès le début:

    . le nom du saint personnage (en breton, et en français) soit gravé, incorporé à chaque statue.

    . les éléments – attributs réels, lorsqu’ils sont connus, ou supposés, lorsqu’ils sont uniquement « légendaires » – attachés au saint, les dates même très approximatives encadrant sa vie, permettant de contextualiser au moins son origine géographique et historique (Galles, Cornouaille, Irlande, Bretagne armoricaine,…) soient intégrés à la conception de la statue.

    . des données historiques minimales – par exemple, tout ce qui concerne le monastère de Saint Ildut – bien connues des Britanniques ou des Irlandais soient portées à la connaissance du public continental, généralement ignorant de cet épisode de l’histoire européenne

    Ce réapprentissage aurait très progressivement imprégné et diffusé dans la mémoire populaire. La culture populaire, et aussi pourquoi pas savante, se serait avec fierté et efficacité réapproprié sont histoire. Plus tard, et dans un deuxième temps, une fois le soubassement posé, et le succès suffisamment établi, alors il aurait été possible d’ouvrir vers d’autres horizons, si cela paraissait pertinent et cohérent, rentrer en synergie avec l’idée et la réalité historique initiale.

    Mais dès le début – hormis peut-être les statues des saints considérés comme fondateurs, ceux des sept évêchés placés en cercle autour de la « motte féodale » (le sommet de la Tosenn Sant Weltaz, de fréquentation certainement beaucoup plus ancienne) – dès le début donc, le flou était perceptible.

    Il est attristant, affligeant même d’entendre que l’on s’oriente désormais, si je comprends bien, vers une sorte de Disneyland armoricain à la sauce celto-gauloise. Voilà que l’on bascule du projet signifiant (en dépit des réserves signalées) et enthousiasmant, au gadget touristique.

    Personnellement, je n’ai jamais compris ce rapprochement Ile de Pâques / Bretagne armoricaine. C’est prétendre que paganisme et Christianisme sont analogues et se valent au regard de la longue histoire des civilisations. Il n’en est rien, comme on sait. C’est déclarer que la Lumière et l’obscurité doivent être considérées mêmement. On comprend que des journaux comme Libé, toujours à l’affût, se soient jetés sur une telle proie avec délectation, pour nous torcher une vilaine et bien médiocre page.

    Il eut fallu être à l’écoute du besoin silencieux de nos contemporains, baillonnés dans leur aspiration à autre chose qu’un matérialisme/consumérisme insuffisant. il eut fallu être sainement enraciné, sans complexe, en regardant vers l’avenir ..à inventer. Depuis deux mille ans, chaque jour, le Christianisme, lorsqu’il est vivant, lorsqu’il n’est pas dévitalisé, est invention et jaillissement.

    Ce n’est pas par hasard que le monastère/université de Saint Iltud (Llanilltud Fawr / Llantwit Major), dans le sud des Galles, produisit tant de saints, ou de personnages de haute stature, pendant un ou deux siècles. Derrière les fumées de la légende, il y eût un véritable foyer civilisationnel. Celà qui nous manque tant aujourd’hui. Leurs embarcations légères, lestées de granit, franchirent aventureusement la mer de Bretagne. Quand notre barque sociétale contemporaine, elle, tangue dangereusement. Aucune Foi ne la leste. Et, tournoyant follement, elle semble ne voguer vers aucun horizon… « Messieurs, on ne sait pas où l’on va, et en plus, on n’y va pas ». Et toc ! Ce propos centenaire tenu à la Chambre des Députés, un jour de tumulte, sonne furieusement contemporain.

    En Armorique, changement de décor: ce n’est plus la mer de Bretagne, c’est Tibériade dans la tempête. Sikour deomp!

    Mor Breizh n’eus ket anezhañ ken, lenn Jenezaret dindan ar barradoù-avel ne lâran ket!

  3. Tiens on a arrêté de tendre la joue chez les croyants!

    • Belle occasion de préciser un point souvent mal compris.

      Rappel préalable: l’hébreu biblique est une langue au lexique à la fois réduit et puissant, et donc moins univoque que votre réflexion – très répandue – ne le laisse supposer. La culture biblique, orientale et antique, n’est pas la nôtre, occidentale et techno-moderne. Ce qui est traduit en français par « joue » peut aussi se comprendre par « côté » de manière plus générale.

      Appliqué à Mathieu 5, 39, on peut comprendre ceci :

      En cas de conflit, si l’on t’agresse sur un côté, présente un autre côté de toi-même. Ton agresseur te voit sous un certain angle, offre lui un autre angle de vue. Nul ne peut être résumé à un seul point de vue. C’était déjà vrai dans des sociétés de proximité assez simples, ce l’est encore plus dans nos sociétés compartimentées et complexes. Vie sociale ou vie privée. Larges réseaux ou solitude.

      Je tiens ceci de Simone Pacot qui a travaillé sur l’Evangélisation des profondeurs (c’est aussi le titre de l’un de ses ouvrages)

      A croiser avec ce que l’on enseigne dans les innombrables formations type développement personnel, dont les entreprises, qui se heurtent à ces difficultés, sont friandes.

      La phrase à laquelle il est fait allusion – il s’agit d’une parole de Jésus – est celle-ci :

      « Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends lui aussi l’autre « (TOB, Mathieu 5, 39).

      « Me a lavar deoc’h chom hep derc’hel penn ouzh un den fall, mar sko unan bennak ganit war da jod dehoù, kinnig dezhañ da jod kleiz ivez » (Lec’hvien, Mazhev, 5,39)

      Il faut bien reconnaître que sa traduction que ce soit en français comme en breton n’est pas évidente. Elle constitue un progrès civilisationnel sur la « loi du talion » de l’ancien testament, évoquée dans le verset immédiatement précédent, qui elle-même représentait un progrès civilisationnel sur le paganisme antique entourant Israël.

      Le verset de Mathieu 5, 39 pose donc la question du comportement individuel, mais aussi de l’état général de nos sociétés.

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