Nous exhumons aujourd’hui de nos archives un beau texte, issu initialement de « La Liberté du Morbihan » du 11 avril 1954 et publié par la suite dans le N°34 de Bro Guéned 1954. Un bel article qui mérite d’être remis à l’honneur alors que nous approchons de la Fête des Morts (2 novembre), des mots couchés sous la plume de Pierre Madec :
« … Ainsi, nos vieux cimetières.
Il n’en reste plus guère, de ceux-là où les tombes, à l’abri des ifs, des lauriers, ou du lierre, sous le regard attendri des vieux saints du pays, se blottissaient autour de l’église. Les morts participaient, en permanence, de la communion des fidèles, et pas un qui n’eût sa part des pieuses pensées de tous et de chacun au sortir de l’office.
Sans doute !…oh ! oui, sans doute, il a fallu « déménager » les morts, le vieux cimetière était devenu trop petit, ce qui est une raison valable. Ou bien les morts s’étaient faits encombrants. On ne voulait plus les voir là. C’était obsédant. Il fallait faire de la place, pour faciliter la circulation. Dans certains cas, l’explication avait sa valeur… Mais pas toujours…
Ainsi remarque-t-on, en maintes bourgades où l’on a rasé l’ancien cimetière, des espaces immenses, d’un vide désespérant. On a fait de la place pour les chauffeurs et pour les romanichels, avec leurs manèges et leurs casse-gueules. Comme c’est la place « à tout le monde » chacun en profite pour y étaler son tas de bois, ses machines, pour ne pas parler d’autre chose…
On aurait puy songer qu’à défaut du cimetière dont le déménagement, peut-être, se justifiait, on aurait pu garder l’enclos… du moins là où la circulation n’était pas trop exigeante. Cet enclos avec sa table de pierre d’où M. le Maire et le crieur public prononçaient les bans dominicaux, avec ses vieux arbres, et son calvaire ancien, pouvait se transformer en un « square » charmant.
Tandis que maintenant, l’église est bien dégagée… C’est un fait. Et si bien dégagée qu’elle a l’air passablement désorientée, parfois même un peu bête, au fond d’une sorte d’immense aire à battre…
Qu’a-t-on gagné ? Dans beaucoup de cas : rien.
Mais on a perdu une bonne occasion de donner à nos bourgades un charme de plus…
« Que des plus nobles fleurs leurs tombes soient couvertes » disait Pierre Corneille.
A défaut de tombes, gardez les fleurs, et les arbres, les ombrages, les oiseaux et leurs chansons.
Et que devienne un lieu de refuge pour les vivants, ce qui fut la terre des morts »
N’était-ce pas la conclusion de J. Danigo dans l’article de Bro Guened ?
« En Angleterre, parait-il, on a trouvé une formule qui respecte les lieux saints. De nouveaux cimetières sont construits en marge des agglomérations, mais les anciens sont conservés. Les tombes ont disparu, remplacées par un gazon soigneusement entretenu. De place en place, les dalles funéraires sauvegardées rappellent qu’ici la terre est faite de la cendre des morts. Le vieil if parle toujours d’éternité et l’église se recueille dans son cadre traditionnel. Sous leur terre de gazon les morts reposent en paix.
En Grande-Bretagne… pourquoi pas chez nous ? »
Photo : Croix tombale de YB Calloc’h – Groix (Photo Ar Gedour)