[PLEVIN] Pardon du Père Maunoir ce samedi 28 janvier 2023

Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 min

Le Père Julien Maunoir – an Tad Maner – est né en 1603 près de Rennes, et est mort le 28 janvier 1683 à Plévin, dans les Côtes-d’Armor, à la frontière du Finistère, non loin de Carhaix. La population de la paroisse et des entités voisines s’était vigoureusement opposée au transfert du corps du prêtre jusqu’au siège de l’évêché de Cornouaille, à Quimper, où il devait être enterré, solennellement, dans la cathédrale. Seul son coeur a donc été emporté à Quimper vers le collège des Jésuites.

Un pardon d’hiver

Depuis, le pardon d’hiver a lieu à date fixe, le 28 janvier, date à laquelle est vénérée “an tad mad” sur le diocèse. Le diocèse de Vannes, quant à lui, le célèbre la veille (27 janvier)

Cette année, la messe solennelle sera célébrée ce samedi 28 janvier 2022 à 10h30, en l’église de Plévin. Le cantique traditionnel dédié au Père Maunoir y sera chanté, cantique que vous pouvez retrouver sur ce lien.  

Un missionnaire infatigable

Le Père Maunoir était un apôtre infatigable, prédicateur de talent et qui ne ménageait pas sa peine pour évangéliser. Il désirait partir en Nouvelle-France (Canada) mais c’est la Bretagne qui sera sa terre de mission. A la suite de Dom Mikael Le Nobletz, il parcours le pays. La force de ce prêtre jésuite missionnaire dans la campagne bretonne, était sa manière de prêcher. Il a su utiliser des méthodes modernes pour l’époque, en allant à la rencontre de tout un pays, en organisant plus de 400 missions (des rassemblements religieux sur plusieurs semaines) et en utilisant des illustrations (les fameux taolennoù). Il avait compris que pour être efficace, il fallait s’imprégner de la culture propre du pays qu’il évangélisait. Il fallait donc apprendre le breton, qu’il apprit en quelques semaines seulement. En lui se résume le grand élan missionnaire qui remua profondément toute la Bretagne au 17eme siècle.

A propos de sa béatification

A l’occasion de la béatification du Père Maunoir en 1951, Pie XII prononça une très belle allocution aux pèlerins venus à Rome. En voici quelques passages. 

[…] Par suite de quelle transformation, la Bretagne a-t-elle réussi à mériter, depuis, d’être montrée au monde en exemple de vie ardente, morale, profondément chrétienne ? Elle-même en attribue l’honneur, après Dieu, la Vierge et ses saints patrons, à ses missionnaires, au premier rang desquels elle vénère le bienheureux Julien Maunoir.

Qu’a-t-il donc fait et quel fut son secret ? Il fut tout simplement apôtre, mais il le fut dans toute l’extension et toute la force du terme : apôtre du Christ, formé à son école, docile à ses principes et à ses leçons, pénétré de son pur esprit. Beaucoup de catholiques fervents ont à cœur d’être aussi de ces apôtres-là, quelques-uns sans en connaître les caractères et les conditions, bien d’autres, et Nous Nous en réjouissons, avec une notion et un programme précis. Action intense, adaptation aux dispositions et aux méthodes du temps. Il nous semble bien que ce furent là, entre autres, les traits de la physionomie et de l’activité du bienheureux Julien Maunoir, vrai congréganiste de la très sainte Vierge, comme le furent, au même temps, saint Jean Eudes et, après lui saint Louis Grignion de Montfort. Peut-être les entendait-il à sa manière, comme d’autres les entendent à la leur, et peut-être aussi, pour ne pas dire certainement, sa manière de les entendre en a assuré le succès.

 

En fait d’action intense, Maunoir peut soutenir aisément et victorieusement la comparaison avec qui que ce soit : labeurs, fatigues, incommodités, souffrances, sans jamais se reposer ni s’épargner dans la succession ininterrompue des missions, et quelles missions ! sur le continent et dans les îles, prédications, processions, catéchismes, confessions, visite des malades et le reste. À lire sa vie, on se demande comment un seul homme a pu suffire à tant de travaux, comment sa nature a pu tenir tête à un tel surmenage. Comment ? Par l’effet de l’adage entendu au sens chrétien : Mens agitat molem (Verg. Aeneis, 6, 727). Homme d’action plus que personne, il mettait au-dessus de l’action l’étude, au-dessus de l’étude la prière. Si puissant était son attrait pour elle que son maître Michel Le Nobletz croyait devoir le mettre en garde contre un excès, qui pût compromettre l’expansion de sa vie apostolique. L’histoire montre que, de sa part, ce préjudice n’était pas à redouter. Elle montre en même temps de quelle source, exubérante et pure, jaillissait sa prodigieuse activité extérieure. Il avait, dit-il lui-même, reçu de Dieu un don d’oraison, qui le tenait en continuelle union avec lui.

Avec raison, avec aussi, parfois, quelque illusion ingénue de découverte et d’innovation, on prône l’adaptation du zèle : il faut être de son temps, il faut être de son milieu. Saint Paul le disait déjà ou, mieux, il en donnait l’exemple : Omnibus omnia factus sum, ut omnes facerem salvos (1 Co 9, 22). Ainsi faisait également le bienheureux Julien Maunoir, et il faudrait bien chercher pour lui trouver en cela un émule qui le surpasse. C’est pour se mettre à la portée de tous qu’il apprend leur langue difficile, qu’il enseigne à l’aide de grands tableaux figurés la doctrine et la morale, qu’il les met en refrains et en couplets, si bien imprimés dans la mémoire qu’on les chante encore aujourd’hui. Il sait mettre en œuvre maintes industries qui touchent la foule plus profondément encore que vivement. S’il voyage surtout à pied et par les grand chemins, c’est dans l’espoir de rencontrer au passage et de recueillir les agneaux dispersés, les brebis errantes. Pareil au bon père de famille, il tire de son trésor « nova et vetera » (Matt. 13, 52), le vieux et le neuf, ce qui convient pour le moment.

Fiers bretons, acclamez votre bienheureux, soyez fidèles à ses leçons, comme l’ont été vos pères, demandez-lui avec confiance la persévérance et le progrès dans votre foi et dans votre vie chrétienne. Prêtres et apôtres de la Bretagne et de partout, inspirez-vous à ses exemples ; son école est sûre et de bon rendement ; son intercession, de là-haut, continuera par vous son œuvre d’ici-bas.

Vous tous enfin, que la flamme du zèle dévore, qui, d’un cœur sincère et ardent, vous dévouez au salut et à la rénovation de votre temps et de votre pays, imitez le bienheureux Julien Maunoir infatigable dans l’action, mais action qui déborde de la surabondance de sa vie intérieure surnaturelle ; imitez-le, hardi dans l’adaptation aux circonstances présentes et fermement attaché à ce qui, dans les traditions, est toujours actuel, parce que immuable et éternel.

Et Nous, chers fils et chères filles, qui invoquons sur vous les grâces sanctificatrices de Dieu, les faveurs les plus exquises de la Vierge Immaculée, l’appui de sainte Anne, de vos célestes Patrons, du bienheureux Julien Maunoir, Nous vous donnons, avec toute Notre affection paternelle, Notre Bénédiction apostolique.

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD".

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3 Commentaires

  1. Je me suis toujours demandé pourquoi on parle souvent de la sainteté de Julien Maunoir, et jamais de celle de Mikael an Nobletz. N’y a-t-il pas là un oubli, qui a éventuellement son parfum de colonialisme ? Un prêtre saint, mais bretonnant, pauvre, de pure souche bretonne, a-t-il moins de valeur qu’un autre ? D’autre part, l’attitude de Maunoir durant la Révolte des papiers timbrés, dite Révolte des Bonnets Rouges, ne fut-elle pas ambiguë ? Il participa à la soumission des paysans bretons révoltés, par les troupes du Duc de Chaulnes, envoyés par le tyran de Paris, Louis XIV: tortures, massacres…un missionnaire avait-il sa place du côté des bourreaux?
    J’ai appris à me méfier de l’enfumage français en ce qui concerne la légitime revendication bretonne. Catholiques: prouvez que vous ne participez pas à l’enfumage, et que vous avez définitivement tiré un trait sur la passé d’humiliation et de domination du peuple breton, auquel vous avez largement participé !
    Un catholique breton, et breton seulement !

    • Bonsoir Jiler , il semble , lors des révoltes bonnets rouges , que les bourgeois de toutes les villes ont participé à ” calmer” les gens , pour leurs intérêts propres , l’ argent …Après si affirmer que le clergé n’ as pas aidé le ” petit peuple ” cela est possible . Vous évoquez l’ enfumage , je pense vous avez donc , de notre temps , beaucoup de sollicitations vis à vis de l’ état actuel et ses mensonges en tous genres et de plus la répression très sévère des manifestations dites des “gilets jaunes ” doit vous vous interroger vous aussi . Mais votre presque “saint breton ” est largement honorable autant que le pere Maunoir lui aussi issus du bas peuple. Merci , bien respectueusement.

  2. Pur hasard, je reçois ce jour un mail de Louis Melennec au sujet du Père Maunoir. Il s’agit d’une étude fouillée, relue par J C Le Ruyet. Le Père Maunoir, qui était sûrement un saint, a réformé le vocabulaire, l’orthographe et l’écriture de la langue bretonne. Il a notamment oeuvré pour que le breton s’écrive comme il se prononce, ce qui est un réel avantage pour son étude. Je reconnais la sainteté et la grandeur du personnage. Mais tout de même : en 1683, ” Il assiste les malheureux expirant sous les coups des bourreaux (pendaisons, tortures, amputations, bris de membres sur la roue, bûchers) et pense accomplir son devoir, et les aider à gagner le ciel, après avoir pacifié leur esprit meurtri” (dixit louis Melennec) . L’évêque du Chiapas, Bartolomeo de Las Casas, osa dire presqu’un siècle auparavant : ” Vous êtes tous en état de péché mortel à cause de votre cruauté envers une race innocente”. Il parlait des abominations commises par les Espagnols en Amérique du Sud. N’est pas Bartolomeo de las Casa qui veut ! Et il écrivit, en 3 volumes, ce qui se perpétrait à l’encontre des Amérindiens ( “Histoire des Indes” ).

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