(XIe-XIIe siècles)
La réforme grégorienne a été mise en place en Bretagne plus rapidement et plus profondément qu’on ne le dit souvent, d’autant plus que Grégoire VII, comme l’a suggéré en son temps B.-A. Pocquet du Haut-Jussé, avait vraisemblablement choisi d’utiliser la prétendue métropole de Dol comme le relais de sa politique de vassalisation de la principauté bretonne à l’égard du Saint-Siège : en 1076, le pape déposa le pontife dolois, Juthaël, qu’il déclara simoniaque et nicolaïte et le remplaça par l’incontestable Even, moine de Saint-Florent de Saumur devenu abbé de Saint-Melaine de Rennes, « auquel il conféra le pallium, pour lui et pour ses successeurs à perpétuité, en le qualifiant d’archevêque de Dol »[1]. Grégoire VII s’étant réservé le pouvoir de modifier les circonscriptions religieuses, on peut supposer qu’il s’agissait là d’une première étape vers « l’érection de la Bretagne en province ecclésiastique sous l’autorité des titulaires du siège de Dol »[2] ; mais, faute de pugnacité chez le prélat dolois et de véritable innovation chez les partisans de la métropole bretonne, ce projet a tourné rapidement court après le décès d’Even en 1081. Par la suite, l’affaire doloise « ne fera que se survivre, essentiellement parce que le soutien des prétentions métropolitaines devait rester l’un des mots d’ordre de la politique des ducs de Normandie, devenus rois d’Angleterre »[3].
Ainsi, à la fin du XIe et au début du XIIe siècle s’opéra en Bretagne un véritable renouvellement de l’épiscopat, lui même rendu possible par le « renouveau monastique qui l’avait précédé »[4] : à la suite de la réforme initiée à Dol, furent majoritairement promus à la tête des évêchés bretons des moines dont plusieurs, à l’exemple d’Even, avaient été formés dans les grandes abbayes bénédictines extérieures à la Bretagne et en particulier dans les établissements de la vallée de la Loire ; ce tropisme ligérien est d’ailleurs une constante du monachisme breton, dont on a trop souvent exagéré la dimension « celtique ».
Cependant notre constat objectif de la qualité de nombreux prélats de l’époque ne doit pas nous entraîner trop loin dans l’irénisme : la tâche était immense, les moyens peccamineux et les conflits d’intérêts omniprésents.