« O Sant Matelin benniget… »
Entonnez ce cantique traditionnel à Saint Mathurin, à l’occasion du Pardon en l’honneur de ce saint, qui aura lieu à Quistinic à 10h30 dimanche prochain 12 mai 2013.
Mais comment se fait-il que saint Mathurin soit arrivé ici ? Eh bien, pour cela, laissons la parole à l’abbé Marcel Blanchard, recteur de cette paroisse depuis 1971. Un monument, cet abbé… un puits de connaissance musical, un fervent défenseur de la culture bretonne et de l’inculturation du christianisme dans cette culture, et que plus d’un pourrait prendre exemple dans ce que l’on appelle aujourd’hui la nouvelle évangélisation.
La tradition nous dit que ce sont des moines Trinitaires missionnaires qui sont venus établir un prieuré, à Quistinic, plus exactement à Locmaria. Ils avaient une grande dévotion à la Sainte Trinité, ce qui est le point central de notre foi. Et quand ils sont partis de Quistinic, ils ont laissé la belle chapelle dédiée à la Mère de Dieu sous le vocable de Notre-Dame de la Trinité. Or, ces moines avaient aussi beaucoup de dévotion pour saint Mathurin. Pourquoi ? parce que saint Mathurin, aux tout débuts de l’Eglise, au 4ème siècle, avait délivré du démon la célèbre Théodora, qui, après sa guérison devint la femme de l’empereur romain Constance-Chlore, ce qui le rendit célèbre comme exorciste et ce souvenir fut conservé jusqu’au 19ème siècle au couvent St-Mathurin de Paris dont les Trinitaires avaient la charge.
Ce sont donc les moines Trinitaires qui ont fait cadeau à notre paroisse de la dévotion à saint Mathurin vraisemblablement dès le 16ème siècle. C’est donc depuis plus de 500 ans que saint Mathurin est honoré et chanté à Quistinic. Le cantique breton dont nous disposons a été fait il y a une centaine d’années. La langue bretonne en est très belle, les 37 couplets font le récit assez fidèle de la vie de saint Mathurin. En voici le résumé :
Mathurin est un gallo-romain, né en 250, à Larchant, à 80km au sud de Paris, dans une famille de notables que le christianisme n’avait pas encore touchée. Son père s’appelait Marinus (en français : marin), d’où la forme affective du prénom Mathurinus ( Mathurin, et en breton : Matelinn). Dès son enfance, Mathurin ouvrit son esprit et son coeur à l’Évangile de Jésus, que prêchait dans la région un missionnaire nommé Polycarpe. Il s’ouvrit ensuite à la vie divine de si merveilleuse façon, que son père Marin et sa mère Euphémie (qui veut dire : de bonne parole) se convertirent à son exemple. (Voir les vitraux de la chapelle).
Devenu prêtre et, à son tour, missionnaire de l’Évangile dans une civilisation hostile et sous un État persécuteur, les miracles accompagnaient sa prédication. Sa réputation de saint et de guérisseur le fit appeler à Rome, vers l’an 292, où il guérit, en l’exorcisant la fille de l’empereur Maximien. (Voir le grand vitrail de la chapelle). Trois ans plus tard, il mourut à Rome. Son corps fut ramené à Larchant, comme il l’avait demandé.
A Larchant, son tombeau devint le centre d’un pèlerinage très important durant tout le Moyen-Âge. Au 13ème siècle, on y construisit une belle et grande basilique qui fut ruinée au 16ème siècle, mais qui, sauvegardée aujourd’hui par les Beaux-Arts, demeure encore très impressionnante. La dévotion à saint Mathurin se répandit en direction de la Bretagne en raison des échanges religieux qui se développèrent après les invasions normandes du 9ème siècle.
Dès le 15ème siècle, la paroisse de Quistinic devint un centre de dévotion à saint Mathurin, grâce aux moines Trinitaires (appelés ‘Mathurins’ qui étaient venus s’établir au village de Locmaria où ils édifièrent une belle chapelle en l’honneur de Notre-Dame de la Trinité et qui desservaient à Paris l’église St-Mathurin, rue St-Jacques, demeurée très célèbre jusqu’à la Révolution de 1789, mais qui fut détruite au 19ème siècle pour ouvrir le boulevard St-Germain. C’est à Moncontour (Côtes d’Armor) et surtout à Quistinic que la mémoire de saint Mathurin s’est le mieux maintenue…
(Extrait de l’homélie de l’abbé Blanchard lors du pardon de 2010)
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