Réaction-Bécassine et l’émigration bretonne au XIXè-XXè siècle

Amzer-lenn / Temps de lecture : 3 min

Suite au film de Bruno Podalydès dont l’héroïne est Bécassine, cette bretonne contrainte d’aller à Paris servir la bourgeoisie, les réactions sont nombreuses dans les médias.

Dans cette vidéo Nicolas Graignic revient sur l’émigration Bretonne de la fin du XIXè Siècle au milieu du XXè et sur la condition des bonnes bretonnes à Paris. N’hésitez pas à lire -« l’émigration bretonne » de Marcel le Moal-

Le revival du folklore bécassin tendant à ridiculiser les Bretons sans en avoir l’air est malheureux. Car l’approche même de Bécassine, Bretonne vue comme une quiche provinciale par le “gotha parisien”, ne peut tendre au respect mutuel des personnes et ne contribue certainement pas à hisser vers le haut. Sans parler qu’elle est une image peu flatteuse de la femme.

Youenn Caouissin, dans son livre « j’ai tant pleuré sur la Bretagne » dit : « On nous la présente comme intelligente, débrouillarde, généreuse, qu’incarne son expression candide, face à une bourgeoisie parisienne imbue d’elle-même. Sans doute a-t-elle ces qualités,  et dans un magazine pour la jeunesse c’est  tout naturel. Cependant, son côté « godiche », paysanne mal dégrossie montée à Paris, qui de plus est affublée d’un ridicule « costume breton », devient rapidement une caricature de la Bretonne ». 

Ce film de Bruno Podalydès ne peut pas être un bienfait pour la Bretagne et les Bretons, et nous ne pouvons manquer l’occasion de rappeler qu’en son temps, une pièce de théâtre avait été créée pour contrer Bécassine. Il s’agissait du fameux « Bécassine vue par les Bretons » (cf image ci-contre). Rappelons aussi qu’il y eut en son temps un autre film adaptant la petite soubrette à l’écran sous le titre « Tout va très bien Madame la Marquise ». Le tournage près de Lannion fut perturbé par des Bretons qui n’entendaient pas se laisser faire. Des députés réagiront contre ce film.  Youenn Caouissin, faisant parler l’abbé Yann-Vari Perrot, raconte :

« D’un côté, il y a des Bretons,  qui, tout en étant fidèles  à leurs traditions, travaillent à promouvoir une Bretagne moderne, de l’autre, des Français qui persistent à dénigrer, détruire ces traditions, toute une culture et une langue. Au Bleun-Brug, nous nous efforçons au milieu de mille difficultés de rendre aux Bretons, aux Bretonnes leur fierté, et nous devrions tolérer que d’autres viennent saboter ce que nous appelions alors une « œuvre  missionnaire de reconquête » ? Herry  Caouissin a alors l’idée de répondre par une pièce de théâtre à la provocante Bécassine. Il écrit, en collaboration avec Léone Le Calvez une comédie anti-Bécassine, « Bécassine vue par les Bretons », et qu’il illustre avec talent. Jouée partout en Bretagne, elle  est immédiatement un succès, et  trouve sa place dans le répertoire du Bleun-Brug.  Et comme Herry ne fait pas les choses à moitié, avec son frère Ronan, ils éditent la pièce en un livre bilingue, et parallèlement sortent une truculente carte postale sur laquelle est expulsée l’indésirable pissouse (sic) hors  de Bretagne. » (in « J’ai tant pleuré sur la Bretagne« )

Cette carte postale, la voici.

Il est certainement déplaisant de voir une femme se faire botter les fesses, comme l’ont fait remarquer quelques personnes, mais il est nécessaire de se remettre dans le contexte de l’époque, et de bien comprendre que sur cette carte, c’est la figure de Bécassine qui est expulsée, non la femme elle-même. Nous renvoyons le lecteur à une autre planche dessinée, sur le thème « Tu es la femme celte, tu es Bretagne » de René Le Honzec.

À propos du rédacteur Tudwal Ar Gov

Bretonnant convaincu, Tudwal Ar Gov propose régulièrement des billets culturels (et pas seulement !), certes courts mais sans langue de buis.

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2 Commentaires

  1. Un film sur bécassine au XXI eme siècle!!!! Au moment où on éveille les consciences sur le racisme, on met sur les écrans un film qui caricature la Bretagne et les Bretons!!!! Le racisme, c’est aussi la volonté de rabaisser, d’humilier, de détruire des peuples pour ce qu’ils sont! Pas que les individus!!!
    Si quelqu’un avait voulu faire un film avec comme « héros » le personnage à chapeau rouge de l’époque coloniale, on aurait entendu à juste titre les plus hautes instances s’offusquer, et le film en question aurait été interdit de projection, à cause d’un racisme explicite ou sous-jacent. Mais pour la Bretagne et les Bretons, c’est de la « liberté d’expression ». De l’art, même….

    Errare humanum est, sed persevere diabolicum….Et bien dans le cas de la brittophobie, nous sommes à force de persévérance, dans cette deuxième partie de cette expression latine!!! SCANDALEUX!!!!!!!!!!!!

  2. Dire que des militants « anti-racistes » veulent faire retirer « Tintin au Congo » des bibliothèques municipales. Dans son genre, « Bécassine » est beaucoup plus raciste, mais bon comme les Bretons sont blancs et chrétiens, ce n’est pas grave de les traiter d’abrutis congénitaux.
    Au passage, j’ai vu la Bande-annonce de ce film qui est sans aucun doute un énorme navet : su vous voulez vous faire une idée, c’est affligeant :
    https://www.youtube.com/watch?v=zzDPcgbsY6o
    Dans un autre genre, le film « le Créateur » dAlbert Dupontel où on le voit exterminer les clients d’une crêperie déguisé en conquistador et en disant : « Kenavo les bouseux »
    https://www.youtube.com/watch?v=d2yFF7vo0Lc

    Cela me rappelle aussi un passage consternant du livre d’Octave Mirebeau :  » les 21 jours d’un neurasthénique » :

     » Je m’appelle Ives Lagoannec. Avec un tel nom, de quel pays
    voulez-vous que je sois, sinon de Bretagne ? Je suis né dans les
    environs de Vannes, en Morbihan — hihan ! hihan ! — qui est
    tout ce qu’il y a de plus bretonnant dans toute la Bretagne. Mon
    père et ma mère étaient de petits cultivateurs, très malheureux,très pieux et très sales. Ivrognes aussi, cela va de soi. Les jours de marché, on les ramassait dans quel état, mon Dieu !… le long
    des chemins. Et bien des fois ils passèrent la nuit à dormir et à vomir au fond des fossés. Selon la coutume du pays, je grandis dans l’étable, avec les cochons et les vaches, comme Jésus.
    J’étais tenu si malproprement, j’avais sur moi tant et tant d’ordures accumulées que, lors
    que mon père venait, le matin, nous réveiller, les animaux et moi, il fallait quelques minutes avant de me distinguer des bouses. On m’éleva dans toutes
    sortes de superstitions. Je connus par leurs noms les diables de la
    lande, les fées de l’étang et de la grève. Avec le
    Pater et l’Ave,quelques cantiques en l’honneur de sainte Anne, et l’histoire
    miraculeuse de saint Tugen
    , c’est tout ce que je connus. J’appris aussi à honorer le Révérend Père Maunoir
    qui, par une simple imposition de la main sur la langue des étrangers, leur
    inculquait le don de la langue bretonne, ainsi qu’il appert d’une fresque remarquable que tout le monde peut voir en la cathédrale de Quimper-Corentin… Je puis dire, non sans orgueil, que j’étais un des enfants les mieux instruits et les plus savants de la
    contrée…  »
    j’en passe plusieurs pages, c’est abject, qu’on ne vienne pas nous parler d’humour.
    Au passahe j’ai beaucoup ri devant la caricature de bécassine par rené Le honzec

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