Self-service au Vatican ???

Amzer-lenn / Temps de lecture : 8 min

Oui, il en existe un, très simple et très bon en matière de nourriture dans la maison Sainte Marthe. Mais, tout comme le Saint Père qui s’y restaure, en compagnie d’autres personnes, on n’y fait que choisir des plats et des boissons ! Rien n’est prévu pour les doctrines, les règles liturgiques, tout ce qui concerne la vie spirituelle de l’Eglise ! Dans ce domaine, on ne choisit pas. Et cela pour une raison très simple, la constitution hiérarchique de l’Eglise est de droit divin, fondée sur l’Ecriture Sainte et la Tradition. A la tête de cette Église se trouve le Successeur de Pierre, Vicaire du Christ, dont l’autorité spirituelle est supérieure aux conciles et infaillible dans son exercice de maintien de l’unité de la foi et de jugement sur les mœurs, telle que définie dans la Constitution dogmatique Pastor aeternus du Concile Vatican I (1870).

Je ne veux pas entrer dans les discussions de « degré » d’autorité de la parole du Pape ! Qu’on me fasse la grâce, même si je suis un ancien luthérien, de m’accorder quelque connaissance entre la différence qu’il faut faire entre une réponse du Pape à un journaliste, une exhortation apostolique qui ne fait que résumer une suite de réunions qu’il a présidées, et une encyclique qui exprime sa pensée comme successeur de Pierre et qui engage le Magistère ! Cela dit, dans tous les cas, il faut entendre cette parole avec respect. On peut ne pas comprendre, voir n’être pas d’accord, on ne peut réagir n’importe comment, si l’on est catholique ! Dans une société hiérarchique, nul ne peut juger un supérieur. Aucun laïc, aucun diacre, aucun prêtre ne peut juger le Pape. Je ne dis rien concernant les évêques et les cardinaux. Ils sont mes supérieurs hiérarchiques.

C’est pourquoi je trouve inconvenant de voir circuler sur internet des propos de catholiques contre le Saint Père, et pire l’existence d’une pétition pour une « correction filiale en propagation d’hérésies » du Pape ! Voulant m’en tenir aux seuls principes, je n’entrerai pas dans le détail de ce qui a provoqué ces accusations contre le Saint Père.

Je veux donc tout d’abord rappeler que le Pape exerce dans l’Eglise un ministère singulier. Il ne peut donc être comparé à aucun autre. Certes il est évêque, et plus précisément évêque de Rome. C’est cette fonction qui le fait Pape, parce que Successeur de Pierre. Il est chargé de veiller à l’unité de l’Eglise et reçoit de l’Esprit Saint des dons particuliers pour exercer sa tâche. Il ne devient donc pas Pape dès que la majorité requise du conclave l’a désigné comme tel, mais seulement quand, à la question posée, il accepte le vote. Et dans la foulée il donne le nom qu’il a choisi pour régner (reprise de la pratique connue déjà dans l’Ancien Testament qui assimilait le changement de nom à un changement de fonction, de vocation, pratiquement d’être). Le pouvoir papal relève donc essentiellement d’une relation personnelle entre un homme et l’Esprit Saint, fondée sur plusieurs paroles du Christ.

Contrairement à un autre évêque il n’est pas soumis à l’autorité conciliaire. C’est lui qui donne autorité au Concile. A titre d’exemple, je rappelle que Paul VI signait le premier les textes du Concile Vatican II. Et la terminologie employée était essentielle : « Paul, évêque de l’Eglise catholique ». Ce qui manifestait sa juridiction immédiate sur toute l’Eglise. Cela ne signifie pas pour autant qu’il est du pouvoir du Pape de défaire ce qu’un Concile précédent a décidé. Non pas à cause du Concile lui-même et de la majorité de voix qui s’est dégagée pour promulguer telle ou telle doctrine. Mais tout simplement parce qu’un de ses prédécesseurs avait, par sa signature, donné l’autorité apostolique à ce concile. Et pour cette même raison il ne peut abroger un ancien texte du Magistère. Quand ceux-ci comportent des anathèmes, il peut simplement vérifier qu’ils s’appliquent toujours aux personnes et aux doctrines visées à l’époque.

Enfin de par ce ministère unique en son genre le Pape a connaissance de toutes sortes de faits et réalités touchant à toutes les formes de notre vie sur la terre. Il parle en fonction de ce qu’il sait et pour l’Eglise et le monde. Aucun chrétien ne peut en dire autant, et n’a donc, là encore, le pouvoir de le juger. Mais par voie de conséquence logique, je pense qu’il est tout à fait possible à un catholique d’adapter ce que le Pape a déclaré pour l’Eglise et le monde, aux personnes auxquelles il s’adresse dans un cadre plus restreint. L’Eglise catholique n’est pas un parti totalitaire qui oblige ses fidèles à se transformer en perroquets. Je ne donne qu’un exemple. Un homme politique français catholique, s’il veut tenir compte de l’exhortation papale à accueillir des migrants, ne manquera pas à ses devoirs religieux si, en fonction de son devoir d’État, il estime devoir réduire considérablement le nombre des personnes à accueillir, voire devoir en en faire repartir certaines. Contradiction dans mon propos ? Non! Simplement une distinction dans les compétences des pouvoirs. Il appartient au pouvoir politique seul de maîtriser les flux migratoires ! Il a le devoir d’écouter ce que disent les autorités spirituelles, d’autant plus qu’il s’agit de l’Eglise catholique qui a façonné notre civilisation française. Mais, compte tenu de la situation intérieure du pays, il est en droit de dire que pour véritablement accueillir et non « parquer », il ne peut laisser entrer tout le monde.

A titre personnel, j’ajoute qu’il y a selon moi risque de guerre civile avec arrière fond religieux. La lâcheté de certains catholiques, et aussi certaines naïvetés, qualifions les ainsi pour essayer de rester charitables, y contribuent grandement. Et je n’oublie pas les farouches partisans de la Laïcité à la française qui savent tirer profit de la loi de 1905. Car ne nous y trompons pas, le conseil d’Etat qui vient d’ordonner qu’on retire à Ploërmel la croix qui se trouve au-dessus de la statue de Jean Paul II ne fait qu’appliquer l’article 28 de la loi de 1905, que tant de catholiques continuent à trouver bonne, alors qu’ils ne l’ont pas lue ! Ils auront d’autres surprises, si certaines choses ne bougent pas. Car je vous garantis qu’on peut faire « encore mieux » dans ce type d’action. Et je ne donnerai pas d’exemples pour ne pas fournir des idées à nos adversaires.

Enfin, je rappelle que trois Papes ont condamné cette loi. Léon XIII d’une manière préventive en 1892 dans l’encyclique Au milieu des sollicitudes (qui n’organise pas de « ralliement » comme les ennemis de ce Pape se plaisent à le dire – il y en avait déjà en ce temps-là), Pie X en 1906 dans l’encyclique Vehementer nos et Pie XI, en 1924 qui dans l’encyclique Maximam gravissimamque maintenait les positions de Pie X, tout en acceptant la formation d’associations cultuelles diocésaines. Le Pape ne revenait donc pas sur la condamnation par son prédécesseur de la loi de 1905. Il ne faisait qu’accepter une disposition réglementaire permettant à l’Eglise catholique de disposer d’un cadre juridique, non satisfaisant, mais qui était préférable à un vide. Parmi ceux qui reprochent au Pape actuel de contredire ses prédécesseurs, on en entend peu reprendre les sérieux avertissements et condamnations de Léon XIII, Pie X et Pie XI !

Enfin, je crois utile de rappeler qu’il ne faut jamais isoler le ministère d’un Pape qui de par sa nature même s’inscrit dans une continuité. Il n’est pas, comme nos politiques, esclave de l’instant. Quand je réfléchis aux Papes que j’ai vu régner, de Pie XII à François, je suis émerveillé que de tels hommes si différents, aient pu être les pierres bien taillées qui convenaient à l’édifice du Christ au moment où elles étaient posées sur le chantier. Chaque Pontife a su à sa manière, tant par ses paroles que par ses silences, assumer l’héritage de ses pères prédécesseurs. Un catholique doit en faire autant, et pour ce qu’il a du mal à comprendre, faire confiance à celui que le Christ a choisi comme suprême berger en ce monde. Qu’on se méfie des médias et de ceux qui montent en épingle des discussions théologiques et liturgiques, voire peut être des tensions, pour y discerner les fumées de Satan ! Le temps de triomphe de ces dernières est passé ! Elles faiblissent au rythme de l’augmentation du nombre des années de quelques vieux thuriféraires ! Des jeunes prêtres venant de bons séminaires sont prêts à monter en ligne. Car en fin de compte, et c’est le moment de s’en souvenir en ce temps de commémoration des 500 ans de la Réforme luthérienne, il vaut mieux avoir tort dans l’Eglise, que raison à l’extérieur ! S’éloigner, puis se séparer du Siège de Pierre, même pour des raisons qui peuvent paraître bonnes à première vue, conduit toujours à des erreurs funestes. Le catholicisme, qui n’est pas concevable hors de la communion du Pape, forme un tout qu’on accepte ou qu’on refuse.

À propos du rédacteur Père Michel Viot

Prêtre catholique du Diocèse de Blois, ancien pasteur et évêque luthérien, ancien franc-maçon, il a été aumônier de prison, vicaire épiscopal du Diocèse de Blois puis aumônier militaire chargé des anciens combattants. Il est aujourd'hui au service du Diocèse de Paris. Rédacteur occasionnel pour le blog breton Ar Gedour, certains des articles de son blog sont aussi parfois repris avec son aimable autorisation.

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2 Commentaires

  1. Donc ce prêtre approuve le laissez aller doctrinal, par exemple sur la communion des divorcés remariés, devenue possible outre Rhin par sa faute, et aussi , entre moult autres exemples (par exemple sas prises de position suicidaires pour ll’europe Chrétienne de laisser entrer les immigrés clandestins qui de plus manqueront à la mise en valeur de leur pays d’origine !) son retour sur le décret sur la liturgie de 2001 : il vient de désavouer son cardinal Sarah en charge de ce dossier en l’obligeant ce 24 Octobre (par la publication de sa lettre !) à envoyer la mise au point du pape : désormais, ce sont donc les conférences épiscopales qui ont la main sur l’approbation de leurs propres missels en alngue vernaculaire.

    http://temoignagechretien.fr/articles/pour-la-gloire-de-dieu-et-le-salut-du-monde

    En réalité l’Eglise est devenue ingouvernable à cause d’une interprétation fausse du « principe de collégialité » et du fait, il faut bien le dire, que « les fumées de Satan » sont dans l’Eglise. Ce prêtre ancien fanc-maçon le sait obligatoirement, et le fait qu’il soit anciennement luthérien me laisse très circonspect sur le fond dur problème : il veut reconnaître le Pape comme chef de l’Eglise mais en réalité sans aucun pouvoir. Une autorité sans pouvoir cela s’appelle de la figuration.

    Jean-Paul II et Benoit XVI étaient de bons Papes. François non. Ce qui console c’est que plus il va contre la doctrine catholique deux fois millénaire, ils sont de plus en plus nombreux à s’en apercevoir.

    https://www.riposte-catholique.fr/en-une/dubia-pape-francois-ne-repond

    Et ici au point de vue du droit comment le Pape François doit-il être « déposé ». C’est arrivé plusieus fois dans l’Histoire.

    http://dieuetmoilenul.blogspot.fr/2017/10/le-pape-francois-refuse-de-repondre-aux_29.html

  2. Merci, Père Michel Viot, pour cette affirmation de la primauté de Pierre.
    Je me permets quelques remarques.

    Catholique dès le berceau (‘cradle catholic’), mais ayant l’expérience du protestantisme, pour avoir été élevé dans un pays protestant, L’Angleterre. Dans cette expérience, mon point de départ identitaire
    n’est donc pas tout à fait le même que celui d’un luthérien converti.

    Je me permets un procès d’intention, en pensant qu’un luthérien converti va, par réaction, s’accrocher particulièrement à l’autorité apostolique de l’Eglise Catholique, garantie par l’évêque de Rome.
    Le catholique anglais, par contre, tout en acceptant cette autorité, va plutôt, pour déjouer les accusations de totalitarisme émises contre l’Eglise de Rome par ses compatriotes, mettre en valeur la réelle
    liberté de conscience, que permettent à ses fidèles les structures d’autorité de l’Eglise Catholique.

    Quand on parle de liberté de conscience, il serait peut-être plus exact de parler de liberté d’intelligence.
    Il existe deux distinctions complémentaires, qui peuvent servir à éclairer le débat. Une distinction entre intelligence et conscience, en liaison avec celle entre Evangile et évangélisation.

    L’intelligence permet de différencier le vrai et le faux. La conscience va plus loin, en distinguant entre le bien et le mal. Suivant cette distinction, le Magistère de l’Eglise lie la conscience mais pas l’intelligence.
    L’Eglise seule a autorité de parler définitivement au nom de ce bien suprême de l’homme, qui est l’Evangile de Jésus Christ. L’Eglise seule peut définir les absolus de la loi morale. Quand le Magistère confirme la réalité de l’Assomption de la mère du Christ (Pie XII 1950), notre conscience est liée. Quand le Magistère déclare la contraception artificielle être un mal intrinsèque, notre conscience est liée.
    Si vous n’acceptez pas l’enseignement dogmatique de l’Eglise, vous n’êtes plus en communion avec Elle. Mais en contrepartie, l’Eglise ne peut jamais vous demander, comme condition d’appartenance,
    d’accepter des contre-vérités dans les domaines dogmatiques. Ceci définit les limites de ce qu’on a coutume d’appeler, l’infaillibilité. L’inerrance serait d’ailleurs un terme plus exact.

    En dehors de ces domaines précis et limités, vous restez libre d’être en accord ou en désaccord avec les décisions des autorités de l’Eglise, dans les multiples domaines (liturgie, catéchétique, pratiques dévotionnelles etc.) où elles sont prises. Mais avec une condition importante. L’Eglise, comme toute institution d’ailleurs, vit sous la nécessité d’imposer à ses membres des règles de conduite, et en correspondance, des sanctions pour la non-conformité à ces règles. Autrefois, la règle de l’abstinence
    le vendredi était en vigueur. L’acte délibérément d’y contrevenir était sanctionné comme péché. Il fallait respecter la règle, même si vous n’étiez pas d’accord avec son utilité.

    Le Magistère ne peut pas se tromper concernant l’Evangile du christ, mais les autorités de l’Eglise peuvent se tromper, quand elles élaborent les stratégies d’évangélisation. Dans ce domaine, c’est une question de bon jugement, de bon sens, d’intelligence. Ici, le Saint esprit aide, mais ne garantit pas.
    Au niveau d’une paroisse, d’un diocèse, d’un concile écuménique purement pastoral (stratégies d’évangélisation), nos pasteurs peuvent se tromper. Le fidèle est libre de le constater et d’exprimer son désaccord, mais dans les limites du respect et de la courtoisie.

    Pour prendre un exemple, où la stratégie officielle de nos pasteurs a provoqué beaucoup de divisions et
    de souffrance morale parmi les fidèles (ma mère convertie de l’Anglicanisme, par exemple) : les formes liturgiques. Si les autorités de l’Eglise proscrivent le rite extraordinaire de la Messe, comme ça a été effectivement le cas à la suite du Concile Vatican II, le fidèle a un devoir de respect, mais non pas d’assentiment intellectuel, par rapport à la stratégie d’évangélisation en question.

    A terme, une société se dissout, du moment où elle commence à nier ses valeurs fondamentales.
    L’Eglise ne peut s’abolir, parce qu’Elle jouit de la cohésion du Corps Mystique du Christ. Malgré ses turbulences internes, petites ou grandes, dues aux péchés et aux aveuglements de ses membres, Elle perdurera jusqu’à la fin des temps.

    L’Eglise, il faut l’aimer sereinement.

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