Il sort le 16 avril, mais déjà nous ne résistons à vous en parler. Stur an avel / Le gouvernail du vent est le titre du nouvel opus de Denez, un album flamboyant aux sonorités électro-traditionnelles dans une fusion dont il nous a habitué.
Chaque sortie d’un album de Denez est un événement, et on se demande à chaque fois quel feu d’artifice musical nous offrira le chanteur breton. Après la sortie de son live Trañs, ce onzième disque était attendu. Ici encore, les instruments traditionnels se mêlent avec brio aux programmations d’un James Digger au top. Les accompagnements du beatmaker sont comme autant d’entrelacs qui forment un écrin bien actuel pour un style musical traditionnel qui ne vieillit pas. Il faut dire que pour ses gwerzioù, le barde breton à la voix empreinte d’une nostalgie issue du fond des âges s’est entouré dans ce voyage musical des meilleurs musiciens : ses fidèles compagnons comme Jonathan Dour (violon) ou Cyrille Bonneau (duduk, bombardes, kozh, bagpipe et veuze), mais bien d’autres invités comme Ronan Le Bars, Youn Kamm, Jean-Charles et Fred Guichen ou Emilie Quinquis pour ne citer qu’eux, ou encore les sonneurs et les percussionnistes de la Kevrenn Alre et enfin Yann Tiersen, au piano, accordéon et ondes Martenot.
La surprise vient particulièrement sur le troisième titre Waltz of Life qui voit un mariage avec Oxmo Puccino et Aziliz Manrow pour un résultat étourdissant plaçant l’amour au centre de tout. Mais chaque titre, composé par Denez himself, est comme chacun de ces innombrables bourgeons qui se déploient pour offrir un arbre aux milles couleurs issu d’un jardin enchanté.
La jaquette de l’album évoque sous la plume de Denez ce qui semble être un arbre de vie enraciné dans une barque solaire. Deux symboles profonds et intemporels. La vie, de l’aube au crépuscule, que Denez ébauche en 14 titres – magistraux et hypnotiques – aux rythmes de l’âme, comme une épopée mélancolique vers d’autres rives. Il se pose comme un passeur de deux mondes : celui des vivants et celui des morts, celui du visible et celui de l’invisible. Il chante avec émotion le cycle de la vie, cette valse perpétuelle emportée dans la quête d’un bonheur qui semble insaisissable, en un monde aux allures d’un bâtiment de misère aux vérités éphémères. Tantôt sombres, tantôt lumineux, Denez dessine dans la tradition ces rivages comme autant d’histoires qui traverseront les générations. Des textes qui interpellent, parlant d’identité, de différence et de désillusion, témoins du désespoir engendré par le déracinement, la disparition de sa culture, de son pays… multiples échos aux drames contemporains. Il les laisse se dévoiler au fil des laments comme s’efface lentement un brouillard laissant entrevoir une terre promise. Une terre que nous risquons de perdre si nous restons ces myriades d’ombres fantomatiques errant dans une course vers le néant.
Au printemps naissant, dans une poésie composant avec la symphonie des étoiles et les notes bleues, fermons les yeux, oublions l’hiver qui ne finit pas et laissons-nous porter sous vents arrières ou vents contraires vers un Ithaque qui se joue des frontières de l’espace et du temps. Denez tient le Gouvernail du Vent.