Elles fascinent le monde depuis longtemps ! Elles… ce sont les 887 statues de l’Ile de Pâques, située au large du Chili, des statues géantes de 9m de haut qui émerveillent et intriguent. Connues sous le nom de Mo’ai (ou Moaï), elles auraient été sculptées entre le XIIIe siècle et le XVIIIe siècle, dressées sur des « terrasses sacrées » (ahu), dos à la mer.
Hier, à l’occasion du Kan ar Vein, la fête de la Vallée des Saints inaugurant les 18 nouvelles statues (dont saint Dewi) et rassemblant une foule dense, il a été annoncé en présence de Justo Pastor Mellado, conseiller culturel à l’ambassade du Chili en France l’ébauche d’un partenariat avec l’Ile de Pâques. Dès l’an prochain, deux sculpteurs de l’île viendront ainsi dans les Côtes-d’Armor pour réaliser, en un mois, un mo’aï semblable aux statues monumentales de l’île de Pâques, sur du granit breton. Une statue de 6m qui sera ensuite exposée à Carnoët, prélude à des initiatives dont un centre d’interprétation mégalithique.
Le propriétaire de Quénéquillec avait débarqué sur Rapa Nui
Comment justifier cette installation d’un Mo’aï (dont la représentation reste encore un mystère à ce jour) à la Vallée des Saints, là où la cohorte des saints bretons s’est posée ?
« Nous serons les deux grands centres mégalithiques dans le monde, et plus précisément anthropolitiques, c’est-à-dire possédant des pierres géantes à figuration humaine« , nous disait Philippe Abjean il y a quelques semaines.
Le nom de l’île -Rapa Nui (l’ile de Pâques en français- est dû au Hollandais Jakob Roggeveen qui y accosta avec trois navires au cours d’une expédition pour le compte de la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales. Il la découvrit en effet le dimanche de Pâques et l’appela Paasch-Eyland (île de Pâques). Mais dès 1687, cette île était connue des Européens, grâce au pirate Edward Davis sur le Bachelor’s Delight, alors qu’il venait des îles Galápagos et naviguait en direction du cap Horn. La Pérouse y débarquera en 1786.
D’aucun ajouteront que son second d’alors s’appelait Paul-Antoine Fleuriot de Langle, dont la famille possédait à l’époque la colline de Quenequillec, à Carnoët. Dont acte.
Un mo’aï à Carnoët … et un saint breton sur Rapa Nui ?
Il existe parfois de fausses bonnes idées. Ce projet en est-il une ? Parce que tant qu’à faire, pourquoi ne pas installer aussi dans le futur un obélisque égyptien, un taula des Iles Baléares ou une reproduction d’un mégalithe de la Vallée de Bada (Indonésie) ? Aussi belles soient les autres cultures que nous pouvons trouver de par le monde, il en va de l’âme de la Vallée des Saints, qui est bien plus qu’une exposition monumentale à ciel ouvert.
Si la question du positionnement de cette statue sur le site se pose déjà (on nous a assuré qu’il aurait une place à un endroit distinct des saints bretons eux-mêmes), nous lançons une piste allant dans le sens d’un véritable jumelage / partenariat : tant qu’à placer un Mo’aï à la Vallée des Saints, pourrions-nous envisager une statue d’un missionnaire breton à l’Ile de Pâques ?
S’il n’est peut-être pas aisé d’inclure une nouvelle oeuvre dans ce site classé patrimoine de l’humanité, il ne sera pas difficile de trouver l’un des nombreux Frères des Ecoles Chrétiennes, Picpuciens ou encore des soeurs de Saint-Joseph-de-Cluny qui se sont rendus au Chili pour évangéliser. Nous simplifions la tâche des recherches en citant quelques-uns d’entre eux, rien que pour le Diocèse de Quimper & Léon :
- Berthou Antoine, Daoulas, 1896-1972, Chili et Argentine, 1923-1972., assomptionnistes
- Bourhis J., 1876, Guilligomarc’h, Chili, Frères des Ecoles chrétiennes.
- Cam François, Le Cloitre-Pleyben, 1911, Chili, 1948-1957, Congrégation du Sacré-Coeur de Picpus.
- Chapel Joseph, 1894, Plouguerneau, Chili , Frères des Ecoles chrétiennes.
- Feunteun L., 1868, Saint-Evarzec, Chili, Frères des Ecoles chrétiennes
- Gourmelen Jacques, Plozévet, 1934-1973, Chili, OMI (pères)
- Guédès Yves, Le Cloître-Pleyben, 1882-1908, Chili, 1906-1908, Congrégation du Sacré-Coeur de Picpus.
- Guilcher Jean-M., 1876, lie de Sein, Chili, Frères des Ecoles chrétiennes.
- Guinvarc’h Joseph, Ile Tudy, 1879-1949, Chili, 1904-1949, Congrégation du Sacré-Coeur de Picpus
- Hubert Esprit, Concarneau, 1900-1947, Chili, 1925-1947, Congrégation du Sacré-Coeur de Picpus.
- Kerbaul Joseph, Lanneufret 1921, Chili, 1963-1970, Fidei donum.
- Le Bars Pierre, Concarneau, 1914-1977, Chili-Pérou, 1938-1971, Congrégation du Sacré-Coeur de Picpus
- Le Corre Joseph, Douarnenez, 1925, Chili, 1949-1973, Congrégation du Sacré-Coeur de Picpus.
- Le Meur Yves, 1894-1941, Plouhinec, Chili, Frères des Ecoles chrétiennes.
- L’Haridon L., 1894, Lothey, Chili, Frères des Ecoles chrétiennes
- L’Her Olivier, Plabennec, 1901-1928, Chili, 19à-1928, Congrégation du Sacré-Coeur de Picpus.
- Madec André, Brest, 1905-1952, Chili, 1931-1945, Congrégation du Sacré-Coeur de Picpus.
- Molis Jacques, 1894, Plonéour-Lanvern, Chili, Frères des Ecoles chrétiennes.
- Rannou Jean, 1875-1959, Le Cloitre Pleyben, Chili, Frères des Ecoles chrétiennes.
- Taledec Jean-F., Trégourez, 1882-1926, Chili, 1970-1926, Congrégation du Sacré-Coeur de Picpus.
- Uguen, J.-M., 1859, Guissény, Chili, Frères des Ecoles chrétiennes
Après la découverte de l’île, il y eut cent quarante années de rencontres épisodiques et régulières entre explorateurs, marins et insulaires, accélérant les changements socio-politiques et religieux sur une île qui souffrait depuis au moins un siècle de conditions environnementales de plus en plus critiques. Il est sans doute utile ici de rappeler que Rapa Nui était totalement agonisante dès 1862. Les missionnaires qui arrivent sur l’île en 1864 découvrent une population moribonde et essaient de la relever. Nous vous livrons ici un extrait de l’Odyssée Pascuane, qui rappelle le rôle des missionnaires dans ce secteur, y compris dans la défense des Pascuans face au gouverneur colon sans scrupules Dutrou-Bornier, au point qu’ils furent contraints d’évacuer l’île le 6 juin 1871 avec 275 insulaires.
L’année 1862, résume Alfred Métraux, « marque la fin de sa civilisation et le commencement d’une ère d’effroyables misères ». À court de main d’œuvre bon marché, le Pérou permit à des bateaux négriers, par un tour de passe-passe juridique retors, de razzier en toute impunité des îles du Pacifique qui n’étaient pas encore la possession formelle d’une puissance impériale. C’était bien le cas de l’Ile de Pâques, trop à l’écart des grandes routes maritimes de l’ouest du Pacifique et trop petite pour présenter un réel intérêt économique. Mille cinq cent Pascuans rejoignirent les fonds de cale, principalement des hommes jeunes. Ils furent vendus sur le port de Callao comme ouvriers agricoles pour les plantations ou domestiques au service des maisons patriciennes. Sous la pression d’une retentissante campagne de protestation internationale menée par les missionnaires français, le gouvernement chilien abrogea les contrats de travail de cette main-d’œuvre polynésienne et ordonna leur rapatriement, fin avril 1863. Mais seule une douzaine de Pascuans qui n’avaient pas succombé au choc de la capture, à une charge de travail harassante, aux maladies ou à un régime famélique purent regagner l’île, sur les mille cinq cents capturés. L’un se trouvait être porteur de la variole, qui se répandit comme une traînée de poudre sur l’île, et faucha mille cinq cents personnes. Toute l’élite religieuse, les prêtres, les bardes, les généalogistes, tous les scribes et récitants du rongorongo, succombèrent, emportant avec eux leur savoir, leur culture, la richesse et les subtilités de la cosmogonie pascuane. Ce fut aussi toute la hiérarchie politique de l’île qui fut décapitée, donnant lieu à un cycle de disputes, pillages, incendies et guerres sans fin entre clans, pour savoir à qui revenaient la terre des disparus et le fruit de leurs récoltes, pour déterminer qui commandait. En 1865, « l’Ile de Pâques était agonisante – en tant que lieu, que culture, que peuple ».
C’est dans ce contexte tendu qu’arrivèrent les premiers missionnaires catholiques dans l’île, amenant avec eux des animaux domestiques et de nouvelles plantes potagères. Leur installation sera plus aisée à mesure que les Pascuans comprendront les avantages matériels qui allaient de pair avec l’évangélisation par les tangata hiva, les étrangers. Les conversions allèrent bon train, grandement facilitées par les assistants catéchistes mangaréviens qui servirent de puissants relais dans l’acculturation polynésienne des Pascuans. Un embryon d’activité économique tournée vers le commerce polynésien se mit en place avec l’introduction par les missionnaires de l’élevage ovin pour vendre la laine […]
Add du 16/08/2019 : interview de Philippe Abjean sur ce sujet