Y.B. CALLOC’H se considérait breton (et catholique) avant tout…

Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min

Certains sites reprennent régulièrement depuis plusieurs mois Pedenn ar Gedour (la prière du veilleur / guetteur) composée par Yann Ber Calloc’h.Votre blog Ar Gedour est en partie à l’origine de la (re)découverte de ce poème pour de nombreuses personnes (et nous en sommes heureux) mais nous nous devons de publier cet article suite à la récupération – par un site franco-jacobin –  de ce poème composé par un écrivain qui considérait avant tout la Bretagne comme sa patrie. Ce site avait déjà, début novembre, publié un article très brittophobe, qu’ils avaient dû revoir suite à de nombreuses réactions.  Et oui…  comme nous le dit l’un de nos lecteurs,  » quand on y disserte de la chose bretonne vue de Paris version catholand-néoconservateur, on n’est pas au bout de ses surprises ! Un blog qui se fait le champion de la réinformation catholique peut très vite se muer (malgré lui, peut-être par ignorance et attitude bornée) en complice de la pensée unique digne du plus pur style socialo-jacobin. » 

Il est donc étonnant de voir ce site qui regarde la Bretagne du prisme parisien utiliser un texte breton dans le cadre d’un thème portant sur « la patrie » (et ici selon Jean-Pierre Calloc’h) illustrant par ce texte un certain patriotisme français. Cela est moins étonnant quand on voit que leur lecture de ce texte et la connaissance de cet auteur sont erronée et nulle. Sinon, ils ne l’utiliseraient probablement pas. Nous ne souhaitons pas faire de politique sur Ar Gedour, mais la culture bretonne et l’Histoire de Bretagne ont suffisamment été revisitées et réécrites pour ne pas s’insurger. Si ce texte peut certainement en inspirer certains, il n’est cependant pas normal de faire dire à l’auteur ce qu’il ne dit pas et d’ainsi le confisquer. 

 

La version originale de ce poème était, rappelons-le, en langue bretonne et non en français. Comme le souligne Uisant, un lecteur et collaborateur occasionnel d’Ar Gedour, « pour Calloc’h, il n’y avait pas d’antinomie (malgré les apparences) entre son amour de sa grande et de sa petite patrie. Cette opposition est d’ailleurs purement franco-française, héritage faisandé de la révolution et du jacobinisme robespierrien revisité de nos jours à la sauce Mélenchon (ou Marine Le Pen).

 

Kalloc’h avait bien entendu une nette préférence pour la Bretagne, sa patrie de coeur, ce qui n’excluait pas un réel attachement envers la France telle qu’elle aurait dû être, non pas cette caricature apostate qui est encore sa devanture actuelle. Kalloc’h s’est engagé (alors qu’il était réformé de ses obligations militaires en raison de sa santé précaire) pour « garder toute la beauté du monde cette nuit » (oll kéned er bed é, en noz-mañ é viran). 

Le sous-lieutenant Kalloc’h ne s’est certainement pas battu et n’est pas mort pour cette France sectaire et anti-chrétienne qu’il vilipendait dans ses poèmes, mais pour l’autre France, la réelle, la chrétienne, où il y avait de la place pour la Bretagne et les autres peuples de France.

 

Il aurait évidemment voulu une Bretagne libre (il répétait volontiers « N’en don ket Gall evit ur blank » (Je ne suis pas français pour un sou), mais il reconnaissait son ancienne défaite et son annexion face à la France. Cependant, il espérait pour l’avenir de la nation bretonne. Il espérait que la loyauté exemplaire et la combativité des Bretons puissent ouvrir une autre forme d’union entre la Bretagne et la France ; lui aussi a cru dans l’union sacrée qui a vu les ennemis d’hier s’allier contre l’ennemi commun. Il est tombé au champ d’honneur avant d’être cruellement déçu comme beaucoup de ses compatriotes et de ses amis. écrivains bretons qui n’ont récolté qu’indifférence et ingratitude de la part de la République française -une- et – indivisible après une « victoire » très chèrement payée. Cette victoire à la Pyrrhus a certes contribué de manière décisive à émanciper les catholiques de France et à stopper les persécutions dont ils étaient victimes, mais n’a en rien résolu le problème des minorités qui ont continué à être victimes de la politique centralisatrice, œuvre maçonnique par excellence.

 

 

Noz du er baianeh, ur baianeh méhuz,
E léd ar er bed koh hé mantell blaoahuz :
Eid hé ambroug én hent téoél,
Jézuz, chomet ged Breih-Izél !

La sombre nuit du paganisme, d’un paganisme honteux,
Etend sur le vieil univers son effroyable manteau :
Pour la guider dans cette route sombre,
Jésus, restez avec la Bretagne.

 

Ces cruelles déceptions mèneront d’ailleurs certains patriotes bretons à faire des choix funestes quelques années plus tard.

Cependant, cette phase finale de l’oeuvre de Kalloc’h pendant la guerre est anecdotique par rapport au reste de son oeuvre poétique. En effet, Kalloc’h avant d’être un écrivain guerrier est un poète chrétien, marqué par la douleur de sa vocation de prêtre qui n’a pu être accomplie suite à la présence de crises d’épilepsie dans sa famille (lui-même sera interdit d’accès aux ordres majeurs suite à une crise de cette maladie qui décima tous ses frères et soeurs). 

Ses deux poèmes les plus célèbres restent « Jézus-krouédur » (cantique de Noël) et « Me zo ganet é-kreiz er mor » (mis en musique par Jef Le Penven qui sont désormais des classiques du répertoire breton. »

À propos du rédacteur Tudwal Ar Gov

Bretonnant convaincu, Tudwal Ar Gov propose régulièrement des billets culturels (et pas seulement !), certes courts mais sans langue de buis.

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