Aet eo Martial Ménard da Anaon

Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min

Il existe de ces personnes qui, même en quittant cette terre à un âge relativement jeune, sont de celles qui ont eu une vie chargée, pleine de sens, et qui laissent un héritage qui dépasse leur seule famille. Martial Ménard est de ces personnes, vivant par et pour la Bretagne. Linguiste, lexicographe, éditeur et journaliste breton, chroniqueur, est décédé ce jeudi 8 septembre à l’âge de 65 ans. Cette disparition est certainement une grande perte pour la Bretagne. Les hommages ne tarissent d’ailleurs pas sur les réseaux sociaux et sites internets. Fervent défenseur de la langue bretonne, l’une de ses dernières réalisations était DEVRI un dictionnaire lexicographique de la langue bretonne de 8 000 pages qu’il avait présenté, il y a un an, au Festival du livre en Bretagne, à Carhaix.

Martial Ménard, né en 1951 à Paris de parents bretons, est considéré comme l’un des meilleurs spécialistes de la langue bretonne. Son parcours scolaire se conclut en 1969 sur deux CAP de cuisinier et de pâtissier. Après quelques années professionnelles à Paris, il décide de s’établir en Bretagne, non sans avoir d’abord appris le breton, ce qu’il fait en 9 mois. A Quimper, il rejoint Skol an Emsav, puis les militants du FLB-ARB, ce qui lui vaudra d’être incarcéré deux ans à Fleury-Mérogis et à Fresnes. Il met à profit cette incarcération pour étudier à fond la langue bretonne et l’enseigner à ses co-détenus politiques bretons.

Amnistié en 1981 par F. Mitterrand, il se consacre désormais uniquement à l’action culturelle la plus positive et constructive qui soit. Il vit ainsi plusieurs vies successives à l’impact croissant.

Instituteur dans une école Diwan à Plomelin et à Quimper, il fonde en 1983 et dirige jusqu’en 2005 An Here, maison d’édition spécialisée dans les livres de jeunesse en breton. Avec Jean-Yves Lagadec, il codirige en 1995 l’édition par An Here du premier dictionnaire monolingue breton, Geriadur brezhoneg, monument de 1 232 pages. Il publie en 1998 Mémoires d’un paysan bas-breton de Jean-Marie Déguignet, succès de librairie inattendu. Si les éditions An Here ont disparu en novembre 2005 malgré une diversification vers l’édition en français pour les adultes, le fonds des éditions Al Liamm qu’elles géraient a été repris par celles-ci.

Depuis septembre 1998, il tenait dans Ouest-France dimanche la rubrique A la petite école du breton, rubrique d’initiation à la langue bretonne par une approche simple et concrète. Il a été vice-président de l’Association des éditeurs bretons et président de la section Langue et linguistique de l’Institut culturel de Bretagne. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur la langue bretonne.

Il avait été décoré de l’Ordre de l’Hermine en 2013.

 

Lexicographe de la langue bretonne

Depuis plus de 30 ans il collectait les mots, locutions et autres proverbes et expressions dans tout ce qui a été publié en breton. Il collectait également sur le terrain. C’est ainsi des milliers de pages de termes qui sont classés sur le modèle du Dictionnaire historique du breton de Roparz Hemon (Geriadur istorel ar brezhoneg). Grâce à ce travail, il est devenu l’un des meilleurs lexicographes de la langue bretonne.

Léna Louarn, vice-présidente du Conseil Régional de Bretagne en charge de la politique linguistique et présidente de l’Ofis Publik ar Brezhoneg, livre :

« Martial Ménard était un linguiste hors-pair. IL a réalisé un travail scientifique considérable sur la langue bretonne. Il laisse un patrimoine inestimable et il a largement contribué à moderniser la langue ».

En effet, parallèlement à la coordination et à la rédaction des deux premiers dictionnaires monolingues (1995, réédité 2001 avec plus de 20 000 entrées), il publie des guides d’initiation, des florilèges d’expressions populaires et explore des domaines linguistiques moins étudiés comme ceux du sexe (Alc’hwez bras ar baradoz vihan) et des injures. Il est aussi, avec Herve Le Bihan et Gwendal Denez, l’auteur du Breton pour les nuls et a publié un dictionnaire pour la jeunesse (Mon premier dictionnaire breton-français) aux éditions Coop Breizh.

Il publie aux éditions Palantines en 2012, un dictionnaire français-breton de plus de 48 500 entrées qui est le second dans l’histoire de cette catégorie après l’ouvrage de François Vallée, le Grand dictionnaire français-breton, paru en 1931.

Dans son avant-propos, Martial place son travail dans l’esprit des travaux de François Vallée et de Roparz Hemon : proposer un dictionnaire adapté aux besoins d’aujourd’hui et de demain.

Une langue qui ne crée pas, dit-il, est une langue qui meurt.

Une place importante a donc été donnée aux nombreux néologismes créés depuis une cinquantaine d’années pour refléter les nouveaux champs techniques et scientifiques. Les termes internationaux y ont également toute leur place. Par ailleurs, les noms d’animaux et de plantes y sont normalisés à partir des listes publiées par l’Office public de la langue bretonne, de même que la nomenclature bilingue des communes bretonnes. Cet ouvrage se révèle d’ores et déjà de la plus grande utilité, et montre que la langue bretonne est bien une langue du présent… et de l’avenir. Aux Bretons de faire fructifier cet héritage.

Lidet a vo an obidoù en iliz Lanrelaz (Breizh Uhel) dilun da 14h30

Les obsèques seront célébrées en l’église de Lanrelas, lundi 12 septembre à 14h30.

À propos du rédacteur Tudwal Ar Gov

Bretonnant convaincu, Tudwal Ar Gov propose régulièrement des billets culturels (et pas seulement !), certes courts mais sans langue de buis.

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2 Commentaires

  1. Personne ne parle de son amitié et de sa collaboration avec le docteur Guy Etienne, décédé il y a un an et demi. Sans lui, Martial Ménard n’aurait pas pu composer son dictionnaire français-breton. En effet, les néologismes du docteur Etienne et la correspondance entre Guy Etienne et Martial Ménard sont au cœur du travail de ce dernier.

  2. Martial laisse une œuvre capitale et de grande valeur. Il faut saluer son courage acharné au travail. Espéranons que d’autres prendrons la suite.

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